Journal n°119

William Ury, ou l’art de la négociation raisonnée

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William Ury, 35 ans d’expérience dans la médiation et la négociation, est l’auteur du best-seller «Getting to Yes», une méthode simple pour atteindre des accords satisfaisants. Il est l’invité de l’UNIGE le 8 juin

De sa formation initiale en anthropologie, William Ury conserve un goût certain pour l’étude des relations humaines. Et tout particulièrement pour la capacité de l’humain à gérer ses différences, à régler ses différends, ce qui l’a naturellement amené à se passionner pour la médiation et la négociation. Si William Ury a œuvré, à titre de consultant ou médiateur, dans la résolution de nombreux conflits nationaux et internationaux (grèves dans les mines de charbon du Kentucky, guerres au Moyen-Orient, Venezuela, Colombie ou en ex-Union soviétique), c’est surtout en tant que coauteur du best-seller Getting to Yes ou Comment réussir une négociation qu’on le connaît. Publié avec Roger Fisher, en 1982, l’ouvrage vise, peu après les débuts du Harvard Negotiation Project (projet d’étude théorique et pratique sur la négociation), à partager, avec le grand public et les spécialistes, les principes communs à toutes situations de négociation. Vendu à 12 millions d’exemplaires et traduit en 34 langues, il est, depuis, devenu une référence. Cette parution sera suivie de nombreuses autres approfondissant le raisonnement: The Power of a Positive No, The Third Side, Getting to Peace, Getting to Yes with Yourself…

La raison dans la négociation

Près de trente-cinq ans après sa sortie, dans le contexte géopolitique et économique tendu d’aujourd’hui, la méthode proposée par les auteurs de Getting to Yes fait toujours recette. Elle décrit les clés de la négociation raisonnée, une alternative efficace aux deux positions habituellement adoptées lors d’une tractation, à savoir la méthode douce (être prêt à toutes les concessions pour éviter les conflits de personnes au risque d’avoir la sensation de s’être fait avoir) et la manière forte (envisager la négociation comme un affrontement). Il s’agit de «trancher les litiges «sur le fond» plutôt que de discutailler interminablement des concessions que les parties en présence sont prêtes à consentir et de celles qu’elles refusent», de fournir des efforts partagés pour parvenir à un bon accord, c’est-à-dire un accord sage et efficace, qui permet d’améliorer ou, du moins, de ne pas compromettre les relations entre les parties.

La méthode de Fisher et Ury repose sur quatre principes. Le premier consiste à traiter séparément les questions de personnes et le différend, en s’efforçant de bien comprendre le point de vue de l’autre, de prendre en compte les sentiments des deux parties et de veiller à une bonne communication en écoutant activement ses interlocuteurs. «Prendre de la distance avec la situation» (Go to the Balcony) ou «Plus écouter que parler» (Listen more than you talk) peut aider à atteindre cet objectif.

Se concentrer sur les intérêts en jeu plutôt que sur les positions constitue le second principe. Les deux parties possédant à la fois des intérêts communs et d’autres opposés, tout l’enjeu de la négociation consiste à trouver un terrain d’entente conciliant les intérêts des uns et des autres. Plutôt que de définir une position fixe, chacun doit d’abord identifier ses intérêts face au problème pour pouvoir ensuite cerner les intérêts communs.

Imaginer plus d’une solution

Troisième principe: imaginer des solutions procurant un bénéfice mutuel. Avant de parvenir à une solution unique, les auteurs insistent sur l’importance de commencer par envisager plusieurs solutions. Celles-ci doivent être obtenues au cours de phases d’invention qui encouragent l’émergence de solutions créatives et lors desquelles aucune décision n’est prise. Le but étant d’éviter à tout prix de clore la négociation avec un gagnant et un perdant, chaque partie doit s’efforcer de faire des propositions attrayantes pour l’autre de telle sorte que celle-ci puisse y donner son accord facilement (Make a Yes-able proposal).

Pour trancher, Fisher et Ury recommandent , et c’est le dernier principe, l’utilisation de critères objectifs. Découvertes scientifiques, normes professionnelles, précédents juridiques ou tout autre argument légitime: les parties choisissent ensemble ce qu’elles considèrent comme les meilleurs critères à utiliser en fonction de la situation. Il est essentiel que les deux camps fournissent un effort partagé, qu’elles gardent un esprit ouvert, restent raisonnables et acceptent de revoir leur position lorsque des raisons valables de le faire sont présentées.

Il arrive parfois que la partie adverse soit plus puissante, qu’elle refuse de jouer le jeu ou qu’elle recoure à des moyens déloyaux. Pour toutes ces situations, les auteurs proposent des comportements adaptés et conseillent de ne céder, en aucun cas, à la pression, aux menaces ou aux pots-de-vin. Chacun doit encore garder à l’esprit que s’il négocie, c’est pour obtenir un résultat supérieur à celui qu’il pourrait espérer sans négociation. Définir cet objectif revient à identifier sa MESORE (MEilleure SOlution de REchange en dehors de toute négociation), un critère qui permettra de se prémunir contre la signature d’un accord défavorable ou le refus d’un autre avantageux.

Ni gagnant ni perdant

«Demander à un négociateur qui a gagné est à peu près aussi déplacé que de poser cette question aux conjoints d’un ménage, ajoutent les deux auteurs. De temps à autre, on serait peut-être bien avisé de se remémorer que la première chose qu’on se propose de «gagner» est une meilleure façon de négocier – une méthode qui évitera d’avoir à choisir entre la satisfaction d’obtenir ce à quoi ils ont droit et celle d’avoir été corrects.»

 

Visionner la conférence (version française)

Watch the lecture (orginal version, english speaking)

 


| Mercredi 8 juin |

Getting to Yes: Negotiating in Challenging Times, par William Ury

18h30 | Uni Dufour

www.unige.ch/-/william-ury