Journal n°121

De l’ADN piégé dans les sédiments révèle les tsunamis du passé

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Des chercheurs ont identifié du matériel génétique issu d’organismes marins dans des dépôts sédimentaires laissés par des tsunamis vieux de plusieurs millénaires

L’ADN d’organismes marins et piégé depuis des millénaires dans des dépôts sédimentaires terrestres représente un outil prometteur pour l’identification et l’étude de tsunamis du passé. Telle est la conclusion à laquelle est arrivée une équipe de chercheurs composée de Jan Pawlowski, professeur associé au Département de génétique et évolution (Faculté des sciences), et de scientifiques japonais et polonais. Leur travail est paru le 28 août dans la revue Marine Geology. Les auteurs ont étudié des carottes de sédiments extraites d’une zone humide côtière de l’île d’Hokkaido au nord du Japon. Ils y ont découvert du matériel génétique préservé dans des dépôts successifs d’une série de raz-de-marée connus et dont le plus ancien date d’il y a environ 2000 ans.

Squelette externe

Il s’agit d’ADN appartenant à différentes espèces de foraminifère. Ces organismes marins sont des eucaryotes unicellulaires munis, pour la plupart d’entre eux, d’un squelette externe, appelé test. La forme de ce dernier varie beaucoup d’une espèce à l’autre, ce qui facilite en général leur identification. Présents dans des fossiles vieux de plusieurs centaines de millions d’années, les foraminifères sont fréquemment utilisés comme marqueurs bio-stratigraphiques et comme bio-indicateurs. Dans l’étude d’Hokkaido, aucun test n’a été retrouvé dans les sédiments, seulement du matériel génétique mélangé à du sable riche en silicate, ce qui a permis sa préservation au cours des millénaires. Cette trouvaille est importante dans la mesure où il existe peu de documentation historique sur les tsunamis de grande ampleur permettant d’établir une évaluation fiable des risques qui leur sont associés. Les deux derniers événements sont là pour le rappeler, celui du 26 décembre 2004 dans l’océan Indien et celui du 11 mars 2011 au large du Japon, qui ont hissé les tsunamis au rang de catastrophe naturelle causant le plus de victimes et de dégâts matériels et économiques. Pour mieux connaître ces phénomènes naturels, il n’est d’autre alternative que de se tourner vers les archives géologiques. Certains dépôts permettent en effet de déterminer les extensions minimales d’inondations d’eau de mer du passé, ainsi que leur profondeur et leur vitesse de progression.

Rapidement dégradées

Le problème, c’est que l’identification de ces dépôts liés aux raz-de-marée est difficile, voire impossible, notamment parce que ces traces se confondent souvent avec les sédiments normaux de la région ou parce qu’elles sont rapidement dégradées. La présence d’ADN d’organismes marins piégé dans les sédiments représente donc une solution potentiellement très efficace pour l’étude des tsunamis du passé. L’étude parue dans Marine Geology apporte la preuve de principe nécessaire au développement de cette technique.