Journal n°125

Un glacier monstre de l’Antarctique fond depuis les années 1940

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Un forage dans les sédiments situés sous la partie flottante du glacier a montré que de l’eau de la mer, réchauffée par des phénomènes climatiques comme El Niño, a commencé à attaquer la glace par en dessous depuis au moins 70 ans

Le retrait actuellement observé du glacier de l’île du Pin en Antarctique était déjà en cours il y a 70 ans. C’est ce que révèle une étude internationale parue dans la revue Nature du 24 novembre et à laquelle a participé Nicholas Farley, assistant au Département des sciences de la Terre (Faculté des sciences). Les chercheurs ont réalisé un forage à travers 450 mètres de glace et 500 mètres d’eau jusque dans les sédiments situés sous la partie flottante de ce glacier, dont la superficie totale vaut environ 4 fois celle de la Suisse. Ils ont ainsi découvert qu’une cavité a commencé à se creuser sous la masse gelée avant le milieu des années 1940. Cela a permis à de l’eau plus chaude de s’engouffrer et de soulever le glacier d’une arête du fond de la mer sur laquelle il se reposait. Selon les auteurs de l’article, cela suggère que le retrait actuel a été déclenché par un réchauffement important associé avec le phénomène climatique El Niño. On sait depuis 1992, lorsque les premières observations par satellite ont commencé, que le glacier de l’île du Pin perd de sa masse à une vitesse alarmante. Il s’agit d’ailleurs du glacier qui fond le plus rapidement sur Terre. Son épaisseur mesure environ 2 kilomètres, mais elle se réduit de plus d’un mètre par an. L’eau de fonte qu’il relâche contribue plus que tout autre glacier à la remontée du niveau des océans. Le phénomène s’est accéléré de manière significative depuis quinze ans.

Fragilisation de la glace

Jusqu’à présent, la raison de cet emballement n’était pas connue, mais une hypothèse attribuait la cause de ce retrait au réchauffement récent de l’océan circumpolaire entourant l’Antarctique. L’eau chaude aurait pour effet de faire fondre la partie inférieure du glacier, provoquant une fragilisation de la langue de glace flottante et augmentant le risque qu’elle se casse et parte en mer. Ces dernières années, le point à partir duquel le glacier de l’île du Pin se met à flotter recule de plus d’un kilomètre par an. En juillet 2013, une plaque de glace de 720 km2 (deux fois et demie la superficie du canton de Genève) s’est détachée. En perdant de telles masses, la partie finale du glacier ne peut plus jouer le rôle de frein et l’écoulement général s’accélère.

Montée des eaux

La perte de glace en Antarctique occidentale contribue de manière très importante à la montée du niveau des océans mais représente aussi une des incertitudes majeures entachant les prédictions concernant les variations futures. L’étude parue dans Nature fournit des explications sur la manière dont le phénomène s’est enclenché. L’étape suivante consiste désormais à tenter de savoir combien de temps le phénomène perdurera et combien d’eau douce le glacier de l’île du Pin et ses voisins vont relâcher dans les océans. —