L’Europe veut un statut juridique pour les robots
Le 12 janvier, une Commission du Parlement européen a adopté un rapport visant à créer un cadre juridique commun dans le domaine des robots
Pour régler des questions telles que la responsabilité en cas d’accidents impliquant des voitures sans conducteur ou le respect des normes éthiques dans le domaine en pleine évolution de la robotique, la Commission des affaires juridiques du Parlement européen a adopté, le 12 janvier dernier, un rapport demandant d’instaurer des règles en la matière au niveau de l’Union européenne. La Commission s’est notamment penchée sur les questions liées à la responsabilité, à la sécurité et aux changements sur le marché du travail. Les députés ont également exhorté la Commission européenne à envisager la création d’une agence européenne pour la robotique et l’intelligence artificielle afin de fournir aux autorités une expertise technique, éthique et réglementaire. Par ailleurs, ils ont proposé un code de conduite éthique permettant de déterminer qui seraient les responsables des conséquences de la robotique sur les aspects sociaux, sur l’environnement et sur la santé humaine. Des règles harmonisées sont en particulier nécessaires pour les voitures sans conducteur, domaine dans lequel les députés ont appelé à un système d’assurance obligatoire et à la constitution d’un fonds pour garantir le dédommagement total des victimes en cas d’accident.
Statut juridique spécial
«À long terme, il est même question de créer un statut de personne électronique, commente Xavier Oberson, professeur à la Faculté de droit. L’idée est tout à fait réalisable et ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le droit est confronté à un tel problème.» En effet, au XIXe siècle, la révolution industrielle avait déjà conduit à la création d’une «personne morale», un statut juridique spécial destiné aux sociétés, qui s’ajoutait à celui de «personne physique», un sujet de droit responsable de ses actes sur le plan civil et pénal. «Cette évolution permettait alors d’encourager la prise de risque et l’entrepreneuriat», ajoute le professeur.
Une Définition commune
Les juristes doivent maintenant plancher pour arriver à une définition claire de cette entité nouvelle, permettant notamment de différencier une machine à café d’une personnalité électronique. «L’un des critères qui pourrait être utilisé est celui de l’autonomie, propose Xavier Oberson. Il y a une différence assez évidente entre une machine utilisée dans une chaîne de montage, qu’on allume le matin et qu’on éteint le soir, et un robot capable de prendre des décisions et de se corriger.» Le Parlement européen a, quant à lui, émis l’idée d’un critère lié à l’apparence humanoïde. «Sous l’angle du droit fiscal, cette proposition a peu de sens, car il serait alors facile de dissimuler une intelligence artificielle sous un aspect non humanoïde pour échapper à l’impôt», commente le professeur. Après avoir défini la «personne numérique», il s’agira d’étudier quelles sont les implications de la création d’un tel statut, qui soulève des questions contractuelles et liées aux responsabilités civile et pénale. Dans un premier temps, ces responsabilités devraient être attribuées à l’entreprise qui détient le robot, mais elles pourraient être imputées au robot lui-même dans une seconde phase. En outre, l’évolution de la robotique touche à des questions éthiques que le professeur qualifie d’extraordinaires: «Imaginez qu’une voiture sans conducteur se retrouve face à trois personnes, une personne âgée, un enfant et une femme. Le robot n’a pas d’autre choix que de décider qui il est préférable de renverser pour sauver les deux autres personnes. Comment développer un algorithme qui puisse prendre une telle décision?».