Plongée dans la vie secrète des enfants
Édouard Gentaz et Solange Denervaud, deux chercheurs de l’UNIGE, sont étroitement associés à une série documentaire diffusée en janvier sur une grande chaîne de télévision française
Deux millions de personnes ont suivi les aventures de Louise, Yasmine, Aaron et leurs copains dans un documentaire reprenant en partie les codes de la téléréalité diffusé sur TF1 en janvier dernier. Durant trois semaines, 12 enfants de cinq-six ans ont en effet été réunis dans les conditions d’un centre de loisirs et suivis par trois spécialistes de la petite enfance. à travers l’objectif de 24 caméras, on voit les enfants faire connaissance, jouer, gérer les conflits et collaborer dans des situations spontanées ou dans des expériences proposées par des experts de la psychologie du développement.
Transmettre du savoir
Lorsque Édouard Gentaz, professeur de psychologie du développement à la Faculté de psychologie et des sciences de l’environnement (FPSE), est contacté par les producteurs de La vie secrète des enfants, il perçoit immédiatement l’intérêt de ce documentaire d’un genre nouveau. Pour ce passionné de la transmission de savoir, il s’agit d’une opportunité de diffuser à très grande échelle une sélection des connaissances actuelles en psychologie du développement présentées dans son cours introductif de première année. Plus qu’une simple opportunité, il s’agit ni plus ni moins de répondre à une mission de l’Université: «Il y a aujourd’hui une demande énorme de savoir en matière d’éducation des enfants et de sciences cognitives. C’est notre rôle à nous, chercheurs, qui sommes payés pour produire des connaissances et les transmettre, de diffuser au mieux nos savoirs scientifiques sinon d’autres, moins qualifiés, le feront.» Depuis la régie, Édouard Gentaz et son collègue Léonard Vannetzel – psychologue spécialisé en psychologie de l’enfant – commentent ainsi les comportements des jeunes participants en y apportant l’éclairage scientifique des connaissances accumulées depuis Jean Piaget et ses confrères. La fascination évidente des chercheurs pour leurs sujets d’observation et l’immédiateté de leurs observations, toutes scientifiques soient-elles, plongent le spectateur dans ce format très spécifique de la téléréalité. Les enfants, de leur côté, oublient rapidement les caméras, renforçant l’intérêt du format.
Le test du marshmallow
Durant leur séjour, les enfants sont amenés à vivre des expériences classiques de la psychologie du développement, telles que le test du marshmallow, développé dans les années 1960 aux états-Unis. Solange Denervaud, doctorante au Centre interfacultaire en sciences affectives (CISA), qui joue le rôle d’animatrice auprès des enfants, leur en explique le principe: «Soit vous mangez tout de suite le marshmallow et vous allez jouer, soit vous attendez que je revienne et alors je vous en donnerai un deuxième!» «Combien de temps des enfants de 5 ans, dont la maturation cérébrale est en plein développement, sont-ils capables de résister à cette tentation immédiate et de contrôler leur envie, afin d’en avoir plus après?», c’est la question posée par le test et résumée par Édouard Gentaz. Au fil du documentaire, quelques clés sont ainsi livrées sur ce que le cerveau des enfants est capable de faire et son appréhension de concepts tels que le contrôle de soi, la justice ou le partage.
Téléréalité:
oui, mais... Édouard Gentaz percoit également les risques d’un tel format et déroule ses exigences: les images doivent illustrer les comportements typiques de l’enfant, donner une vision globale de son développement psychologique, et ne pas servir à déceler un comportement hors norme ou à pointer les caractéristiques d’un individu spécifique (hyperactif, etc.). Par ailleurs, et contrairement à ce qui se passe dans le BabyLab de la FPSE dirigé par le professeur, il n’y a aucun objectif scientifique à cette aventure. «Il s’agit uniquement d’un travail de transmission visant à illustrer les bases de la psychologie du développement affectif, social et neurocognitif dans un documentaire grand public.» Cette première étape peut d’ailleurs être approfondie avec un livre éponyme qui propose des clés pour comprendre ce qui se passe dans la tête des enfants. — Pour en savoir plus