Le jeu, un outil pour permettre aux enfants de mieux réguler leurs émotions
Le jeu, source d’expériences sociales et émotionnelles, intéresse de près les psychologues du Centre interfacultaire en sciences affectives, qui proposent des sessions ludiques ouvertes à tous
Tous les vendredis midi, le hall central du Campus Biotech s’emplit de joueurs. Sous l’oeil d’une équipe du Centre interfacultaire en sciences affectives (CISA), ils élaborent leurs stratégies, lancent leurs dés ou déplacent leurs figurines pendant une heure et demie avant de partager leurs impressions avec les scientifiques. Ceux-ci en profitent pour observer le comportement des joueurs, identifier leurs préférences et enrichir leur vocabulaire lié à cette pratique. Derrière ce moment de détente se cache en effet un travail de recherche original visant à développer un jeu qui aiderait les enfants de 9 à 11 ans à réguler leurs émotions. Au sein du laboratoire «Emergence et expression de l’émotion» (E3 Lab), dirigé par le professeur David Sander, qui s’intéresse notamment aux effets de l’émotion sur les processus permettant l’acquisition, l’organisation et l’utilisation de connaissances, l’équipe d’Adam Lobel, sous la direction scientifique d’Andrea Samson, s’intéresse plus particulièrement à l’effet des jeux sur la régulation émotionnelle.
Le jeu, source d’émotions
Selon le psychologue Adam Lobel, qui vient de terminer une thèse sur les relations entre jeux vidéo et acquisition de compétences émotionnelles, «jouer, c’est respecter la structure du jeu et ses règles, c’est avoir la possibilité de gagner ou de perdre.» Mais ce qui passionne en premier lieu le scientifique, ce sont les situations que celui-ci provoque: jouer vise l’amusement, mais c’est aussi une source d’expériences riches permettant de se confronter à soi-même et à son environnement social. Aux enfants, en particulier, le jeu offre un espace dans lequel ils ont le contrôle de leur vie et de leurs décisions, tout en leur donnant la possibilité de vivre une large gamme d’expériences émotionnelles. C’est justement ce qui intéresse l’équipe d’Adam Lobel: «Nous cherchons à développer un jeu éducatif. Cela signifie qu’il doit avoir toutes les qualités d’un bon jeu, amusant, attrayant et apporter un bénéfice éducatif.» Pour comprendre ce que les enfants apprécient et comment ils interagissent, les chercheurs collaborent avec une école voisine à laquelle ils présenteront les prototypes imaginés avec les designers de jeux auxquels ils se sont associés. «On ne sait pas encore à quoi ressemblera le jeu, mais ce sera un jeu physique, social et collectif», affirme Adam Lobel. Théoriquement, le bénéfice que les enfants pourraient retirer de l’expérience est double. D’une part, les chercheurs espèrent un enrichissement du vocabulaire lié aux émotions, y compris une meilleure compréhension du ressenti et des moyens pour l’exprimer. De l’autre, les enfants pourraient améliorer leur compétence en réévaluation cognitive. Autrement dit, grâce au pouvoir de décision que procure le jeu, ils devraient être plus aptes à concevoir différemment une situation dans le but de modifier son impact émotionnel.