Repenser la ville durable
Afin de repenser une Rade s’inscrivant au plus près des préoccupations, des attentes et des usages de la population, Guillaume Barazzone, maire de Genève, a lancé en novembre 2016 un concours d’idées en vue de son réaménagement.
Or, il se trouve que la thématique et le programme du concours sont très proches des préoccupations au cœur du cours «Global Cities» dispensé par Alexandre Hedjazi, chercheur à l’Institut des sciences de l’environnement (ISE), dans le cadre des Masters universitaires en sciences de l’environnement (MUSE) et de développement territorial (MDT). Afin de confronter les étudiants à un cas aussi pratique que local, le chercheur a intégré le concours d’idées aux travaux finaux des étudiants.
Depuis la fin du XIXe siècle, Genève est passée du statut de petite ville à celui de métropole globale et internationale. La cité de Calvin a non seulement grandi, tant au niveau de sa population que de sa superficie, mais elle a également subi des mutations économique et environnementale. Si la ville est souvent bien placée dans divers classements urbains qualitatifs, la question se pose de savoir comment conjuguer le bien-être de la population avec l’attractivité économique, tout en réduisant les pressions multiples, dont les externalités environnementales.
L’Aire comporte des bassins de rétention inondables qui, en temps normal, sont autant d’aires de loisirs aménagées
Si les mutations urbaines actuelles se situent au carrefour des préoccupations démographiques et économiques, les changements environnementaux sont également à prendre en compte: concentrant infrastructures, activités économiques et population, la ville est évidemment plus sensible aux conséquences du changement climatique et de ses impacts multiples. Mais, en raisonnant à l’inverse, elle est également le laboratoire le plus propice où travailler à réduire ces risques et leurs impacts tout en améliorant le bien-être de ses habitants et, partant, son attractivité.
Alexandre Hedjazi prend l’exemple de l’Aire: «Ce cours d’eau est emblématique. Pour réduire les risques d’inondation et assécher des terres agricoles, on l’a canalisé pour en faire un simple lieu de transit de l’eau, sans véritable valeur écologique.» Le projet de renaturation récemment achevé n’a pas fait fi des risques d’inondation, mais les a intégrés dans une perspective plus globale afin d’en faire un espace multifonctionnel. Au lieu d’acheminer les eaux d’une crue au plus vite vers le lac, le cours de l’Aire comporte des bassins de rétention inondables qui, en temps normal, sont autant d’aires de loisirs aménagées. «Le retour au fonctionnement normal d’une rivière a permis de restaurer ses fonctions écologiques partie intégrante des stratégies de réduction de l’empreinte écologique», observe Alexandre Hedjazi.
À en croire le chercheur, cette notion d’espace pluriel et de multifonctionnalité est aussi la clé d’autres considérations urbaines pour le Grand Genève, comme l’extension de l’aéroport ou la réflexion sur le réaménagement de la Rade. Cette dernière, véritable emblème de la ville, a été construite au XIXe siècle et n’a que peu évolué quand bien même les questions de mobilité, d’usage de l’espace public ou encore de valeur écologique du lac (80% de l’eau potable de la ville y sont pompés) ont complètement changé.
Parsemer la Rade d’oasis écologiques qui seraient autant d’espaces de rencontre et d’échange
Parmi les cinq projets rendus par les étudiants du cours «Global Cities», tous utopistes, deux sortent du lot. Le premier, BlueMetro, a trait à un parcours de RER sous-marin de 24 km et reliant, en neuf arrêts, Bel-Air, Anières et Versoix. Les gares, connectées en surface au réseau de transports publics classiques par l’intermédiaire de belvédères touristiques, abriteraient des infrastructures de production énergétique par hydroliennes et géothermie.
Le deuxième projet – «Une Rade plurielle» – vise à parsemer la Rade d’oasis écologiques qui seraient autant d’espaces de rencontre et d’échange regroupant les quatre piliers du développement durable que sont la société, la culture, l’environnement et l’économie. «Ces idées sont le fruit de réflexion d’étudiants issus de la génération des millenials. On sent qu’ils ont envie de s’investir, de faire bouger les choses en intégrant ces concepts de pluralité et de multifonctionnalité des espaces urbains», conclut Alexandre Hedjazi. —