Le FNS encourage les chercheurs à se soucier de la pérennité de leurs données
L’humanité n’a jamais produit autant de documents écrits et visuels qu’aujourd’hui. Avec les technologies numériques, les possibilités d’archiver, de diffuser et de réutiliser ces données se sont démultipliées, tandis que les coûts de diffusion diminuaient drastiquement. Une partie du monde académique a très tôt pris la mesure de cette évolution, lançant au début des années 2000 le mouvement de l’Open Access. Celui-ci prône le libre accès aux publications scientifiques, comme un moyen d’augmenter la visibilité des travaux des chercheurs, tout en réduisant les coûts de publication. À l’UNIGE, l’Archive ouverte joue ce rôle depuis 2008.
Aujourd’hui, ce sont les données de la recherche qui sont concernées. Les publications scientifiques ne comportent en général que les résultats finaux du travail des chercheurs. Ces derniers produisent toutefois une quantité parfois faramineuse de données qui, très souvent, dorment dans des armoires ou sur des disques durs, alors qu’elles pourraient être partagées et réutilisées par d’autres. Du point de vue des bailleurs de fonds qui financent la recherche – étatiques la plupart du temps en Europe –, cela représente une perte à laquelle ils entendent remédier.
En Suisse, le Fonds national de la recherche scientifique (FNS) se positionne fermement en faveur de l’Open Research Data. Dès le 1er octobre 2017, chaque requête de financement devra ainsi s’accompagner d’un plan de gestion (Data Management Plan ou DMP) spécifiant de quelle manière les données collectées seront conservées, documentées et partagées.
Il ne sera pas tenu compte du DMP lors de l'évaluation du projet
Les chercheurs se soucient déjà de la conservation de leurs données et il leur arrive de les partager de manière plus ou moins informelle avec leurs collègues. Cette nouvelle exigence les incite toutefois à réfléchir à leurs pratiques en la matière. Afin de les soutenir dans ces démarches, le Rectorat a pris différentes mesures. Un site Internet détaille les démarches à suivre. Des solutions pour le stockage et l’archivage des données sont par ailleurs en train d’être développées. Enfin, une semaine d’information est organisée du 11 au 15 septembre.
Conscient des difficultés posées par cette nouvelle exigence, le FNS précise qu’il ne sera pas nécessaire que le DMP soit complet au moment du dépôt de la requête et qu’il n’en sera pas tenu compte lors de l’évaluation du projet. Une participation à hauteur de 10’000 francs pour les coûts de préparation et de mise en ligne des données est par ailleurs prévue.
Il n’existe a priori pas de droit de propriété intellectuelle sur les données brutes
Pour le vice-recteur, Jacques de Werra, il s’agit de distinguer deux aspects. D’une part, la conservation comme telle des données, qui pose des questions de capacité et de coût liés au stockage. D’autre part, le partage des données, qui peut s’avérer délicat. «Dans certains domaines, les scientifiques estiment qu’ils n’ont pas à communiquer leurs données à des concurrents, qui pourraient les réutiliser en court-circuitant les investissements massifs consentis pour les obtenir», relève le vice-recteur.
Qu’en est-il du point de vue juridique ? «Il n’existe a priori pas de droit de propriété intellectuelle sur les données brutes, celles-ci n’étant pas le résultat d’un processus créatif, observe Jacques de Werra. En revanche, les mêmes règles de citation des sources propres aux publications scientifiques devraient s’appliquer à la réutilisation des données de recherche.» L’Open Research Data contribuerait ainsi à renforcer la visibilité des travaux des chercheurs. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit avec l’Open Access: «Au moment du lancement de l’Archive ouverte, de nombreux chercheurs ont exprimé certaines réticences, au vu du travail supplémentaire que demandait le dépôt, rappelle le vice-recteur. Aujourd’hui, ils se rendent compte qu’ils sont gagnants en termes de visibilité scientifique.»