Etudier le cerveau du point de vue du neurone
L’analyse du fonctionnement du cerveau depuis la perspective extérieure du scientifique ou depuis celle, intérieure, du neurone ne fournit pas les mêmes résultats
Pour tenter de comprendre le cerveau, cet organe extraordinairement complexe, ne vaudrait-il pas mieux changer de perspective? Et adopter le point de vue du neurone plutôt que d’analyser le fonctionnement du système nerveux central depuis l’extérieur comme le font les neuroscientifiques aujourd’hui? C’est ce que propose Frank Scharnowski, chercheur au Centre d’imagerie biomédicale de la Faculté de médecine, dans un article paru dans la revue Trends in Cognitive Sciences du 14 janvier. Explications.
Pourquoi faudrait-il étudier le cerveau du «point de vue du neurone»?
Lorsqu’on étudie le flux d’informations qui circule dans le cerveau en observant les choses depuis l’extérieur, on n’obtient pas le même résultat que si l’on se met à l’échelle de la cellule nerveuse. Quand le cerveau est soumis à un stimulus visuel, par exemple, les neuroscientifiques sont capables de retracer le cheminement des influx nerveux en suivant les activations successives des aires cérébrales. Le neurone, qui est après tout le constituant de base du cerveau, «voit» les choses autrement. Il ne perçoit son entourage qu’à travers ses connexions avec ses voisins. Et suivant la rapidité de ces connexions, il se peut qu’il ne mesure pas les événements selon la même séquence que le neuroscientifique. L’aire qui nous paraît, de l’extérieur, s’activer en premier pourrait bien être la dernière de l’avis du neurone, simplement parce que sa connexion avec cette aire est lente. Cette distorsion peut être temporelle mais aussi spatiale.
Mais peut-on étudier le cerveau, neurone par neurone?
En l’état actuel des technologies, ce n’est pas possible. Le cerveau compte des centaines de milliers de milliards de connexions. On ne peut pas imaginer, même dans le futur, implanter autant d’électrodes.
Comment faire alors?
A l’aide des techniques les plus avancées de l’imagerie médicale, il devient aujourd’hui possible d’étudier des faisceaux d’axones (la partie allongée du neurone) qui relient les aires cérébrales. Ce genre d’approche pourrait permettre d’estimer la rapidité des connexions et d’en tirer des informations sur les séquences temporelles et spatiales dans le traitement des stimuli par les groupes de quelques milliers de cellules nerveuses. Les barrières techniques pour aller plus loin ne seront franchies que dans le futur. Mais je propose que, conceptuellement du moins, les neuroscientifiques commencent déjà à prendre en compte l’avis des neurones.