Journal n°79

«Nous sommes bien équipés pour lutter contre la sécheresse»

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Le projet européen ACQWA avait pour objectif d’évaluer les ressources en eau disponibles à l’horizon 2050 dans les régions de montagne. Ses résultats ont été présentés aux autorités valaisannes.

Vendredi 6 septembre, les autorités valaisannes ont été conviées à Viège pour prendre connaissance des résultats du projet européen ACQWA (lire ci-contre). Objectif de cette rencontre: délivrer aux décideurs locaux et aux collectivités publiques un certain nombre de recommandations pour faire face à l’évolution probable des ressources en eaux d’ici à 2050. Dirigé par des chercheurs de l’UNIGE, ACQWA visait à évaluer l’impact des changements climatiques sur la quantité et la qualité de l’eau dans des régions de montagne. Richard Zurwerra, chef de l’Office des améliorations structurelles du Service de l’agriculture au sein du Département de l’économie, de l’énergie et du territoire du canton du Valais, a participé à la journée. Entretien.

Est-ce que les résultats du projet ACQWA auront un impact sur votre gestion de l’eau?

Richard Zurwerra: Ces résultats fournissent des informations très importantes pour l’Office des améliorations structurelles qui a, entre autres, la charge d’entretenir le réseau d’irrigation valaisan. L’administration cantonale n’a ni les ressources humaines ni les compétences scientifiques pour mener ce genre de projet. De plus, depuis quelques années, la méthodologie de recherche a changé. En utilisant plusieurs modèles de climat et en montrant leur variabilité, les chercheurs peuvent présenter des tendances climatiques fiables qui les rendent plus crédibles aux yeux des décideurs. Aujourd’hui, le Valais est le canton le plus irrigué de Suisse. Les études scientifiques et leurs pronosts de débit d’eau sont primordiaux pour gérer les infrastructures au quotidien et s’adapter aux changements prédits (lire ci-dessous).

Quelle est actuellement la situation en Valais?

Le canton représente environ 45% de la surface irriguée de Suisse. Il y a deux systèmes principaux d’irrigation, la nappe phréatique dans la plaine du Rhône et les bisses (voir photo ci-dessous) sur les coteaux. Les bisses sont des canaux de faible pente, souvent à ciel ouvert, qui amènent l’eau des torrents et de rivières vers les terres agricoles, principalement les prairies de fauche et les vignes, pour les irriguer et les enrichir de limons fertiles. Encore aujourd’hui, l’amenée d’eau se fait à 80% par les bisses. C’est un système d’irrigation qui existe depuis des siècles. Grâce à son entretien régulier et à des rénovations, nous sommes bien équipés pour lutter contre la sécheresse. Celle de l’été 2003 s’est avérée, par exemple, peu problématique en Valais, alors que le reste de la Suisse en a beaucoup souffert.

Qu’annoncent les résultats du projet ACQWA?

Les prévisions montrent que la nappe phréatique ne devrait pas subir de transformation majeure à cause du changement climatique car la totalité annuelle des précipitations va rester stable. En revanche, les chercheurs annoncent plus de précipitations en hiver et moins en été. La fonte des neiges débutera au mois de mars déjà, un mois plus tôt qu’aujourd’hui. La saison de végétation, qui est la période de l’année comprise entre l’apparition des feuilles au printemps et le jaunissement automnal, pourrait durer jusqu’à deux mois supplémentaires.

Avec quelles conséquences?

Cela risque d’entraîner un manque d’eau à la fin de l’été dans certaines vallées de la rive droite qui ne sont pas alimentées par une source glacière. C’est une situation qui est déjà problématique aujourd’hui. Nous devons donc trouver une solution pour retenir l’eau au fond des vallées qui ne sont pas pourvues de barrage. Auparavant, seuls les bisses les plus hauts étaient maintenus en fonction et amenaient de l’eau dans un réservoir au sommet du périmètre d’irrigation. Aujourd’hui, nous maintenons tous les bisses parallèles sur le coteau. Nous travaillons avec de multiples captages tout le long du tracé. A l’avenir, il s’agira aussi d’augmenter l’efficacité de notre système d’irrigation. La perte en eau peut être limitée grâce à la dispersion sur le terrain. Nous pourrions, par exemple, installer des jets ou des gouttes à gouttes dans les zones où la technique du ruissellement est encore utilisée.

Avec la fin des concessions hydrauliques des barrages, les batailles pour l’eau vont faire rage. Comment allez-vous gérer les priorités entre le besoin en eau potable, l’irrigation agricole et l’exploitation électrique?

La bataille pour l’eau a toujours existé en Valais! A l’époque de la construction des premiers barrages, les droits de répartition avaient déjà été mis en place. L’irrigation prime sur le turbinage électrique. Avec la fin des concessions, la répartition de l’eau va devoir être rediscutée. Le canton est conscient du grand potentiel de conflit que cela pourrait engendrer et nous sommes en train d’établir une stratégie.

Quelles en sont les lignes directrices?

Assurer une qualité et une quantité suffisante d’eau potable, se protéger contre les crues, optimiser la production hydraulique tout en garantissant l’eau pour l’agriculture, l’industrie et le tourisme. Il s’agit également de préserver les écosystèmes le long des cours d’eau et des lacs, et finalement informer les différents acteurs gouvernementaux des résultats de la recherche et sensibiliser la population à cette question. De plus, au vu du nombre important de départements et d’offices concernés par cette problématique, le gouvernement valaisan est en train de mettre sur pied une coordination générale qui permettra une bonne gestion de l’eau dans les années à venir.


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