Confronté au stress, l’homme est un animal comme les autres
Quelles sont les relations entre stress et pouvoir? Dans le cadre de l’exposition «Pas de panique!», deux conférences feront le point sur ces questions le 21 mai
Les magazines spécialisés le répètent à l’envi: le leader moderne est un grand stressé. Débordé, accablé de responsabilités, terrassé par un planning forcément surchargé… Mais ce stéréotype est-il conforme à la réalité? «Les études montrent que les subordonnés sont davantage stressés au sein d’une hiérarchie professionnelle, note Marianne Schmid Mast, professeure en psychologie du personnel à l’Université de Neuchâtel. Etre en permanence sous le contrôle d’un supérieur produit un stress non seulement ressenti sur le plan psychologique, mais qui est mesurable du point de vue physiologique.»
Au-delà des exigences concrètes liées au monde du travail, c’est le stress interpersonnel, né des interactions entre individus, qui semble à l’origine de cette situation. En fait, les cadres supérieurs présentent moins de réponses physiologiques à la pression exercée par leur hiérarchie. «Etre considéré comme un leader conduit-il à une résistance plus prononcée? Est-ce une question d’auto-sélection, les personnes plus résistantes étant appelées à de plus hautes fonctions au sein de l’entreprise? Nous n’avons pas de réponse claire sur ce point», poursuit Marianne Schmid Mast.
Toujours est-il que les femmes semblent, à ce jeu, moins bien loties. Quand elles sont confrontées à des tâches de leadership, elles ressentent en général davantage de stress que les hommes, à l’exception de celles qui ont pu s’appuyer sur un modèle féminin au cours de leur carrière. Les hommes, eux, ne semblent pas avoir besoin d’un tel modèle pour être performants dans un tel rôle.
L’errance de la mésange
Attribution de rôles, sélection… Les travailleurs ne seraient-ils que des répliques évoluées de leurs cousins animaux? Professeur honoraire au Département de génétique et évolution (Faculté des sciences), André Langaney relève que le règne animal comprend de nombreuses espèces en état de stress permanent. Une situation qui est souvent en lien avec la lutte pour la conquête ou le maintien d’un territoire. «Les structures spatiales et hiérarchiques chez les animaux résultent de compromis entre territorialité et agressivité. Elles s’établissent par des relations de dominance-soumission, souvent très stressantes pour les dominés, mais aussi pour les dominants. Chez les passereaux ou les mésanges, par exemple, près de 40% des individus sans territoire passent leur temps à se faire chasser par leurs congénères avant de mourir de stress.»
Dominant et dominé
Tout comme les sociétés humaines, le règne animal comporte donc des organisations dans lesquelles les rapports de domination ne sont pas toujours aussi manifestes qu’il n’y paraît. «Dans les élevages de volailles, le dominé fuit souvent avant le combat. Il s’établit ainsi une chaîne de rapports hiérarchiques – A domine B qui domine C – permettant la cohabitation sociale», souligne André Langaney. Il note par ailleurs que les sociétés humaines se sont ingéniées à multiplier, en marge du monde du travail, des organisations parallèles – associations, syndicats, clubs… – dans lesquelles certains individus accèdent à de meilleures positions hiérarchiques que dans le cadre professionnel.
Quant à la guerre des sexes, elle n’est pas systématique. Chez certains singes, ce sont les individus femelles qui constituent les éléments stables du groupe et qui choisissent les mâles qui rejoindront la communauté. Dans les sociétés humaines, les femmes ont elles aussi toute latitude pour assumer des fonctions dirigeantes. «La clé, c’est l’«empowerment», soit le fait de donner, aux personnes qui accèdent à une position de cadre supérieur, le sentiment qu’elles ont la légitimité et le pouvoir liés à leur fonction, avance Marianne Schmid Mast. Les groupes qui le ressentent affichent une meilleure performance dans leur rôle que ceux qui ne l’ont pas, et cela aussi bien pour les femmes que pour les hommes.»
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