Journal n°94

Téléportation quantique réussie sur 25 km de fibre

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Une expérience genevoise a permis de téléporter l’état quantique d’un photon vers un cristal. Une étape vers la cryptographie quantique à grande échelle

Des membres du Groupe de physique appliquée (Faculté des sciences) ont réalisé une téléportation quantique à travers 25 km de fibre optique. Selon l’article paru dans la revue Nature Photonics du mois d’octobre, le dispositif ayant permis cet exploit, dans lequel des photons sont «intriqués» avec un cristal, représente la forme la plus aboutie de ce que l’on appelle un «répéteur quantique». Un relais dont la mise au point est indispensable si l’on veut un jour développer un réseau plus vaste de communication quantique.

Il ne s’agit pas là de transmission de matière à des vitesses infinies. Les chercheurs se sont intéressés à la téléportation d’un «état quantique» attribué à un photon (grain de lumière), la polarisation, en l’occurrence.

D’un côté du dispositif, on trouve une source qui produit des paires de photons «intriqués». Cette notion propre à la théorie quantique n’a pas d’équivalent dans le monde classique. Elle signifie que les deux photons sont un seul et même objet situé à deux endroits différents. Si l’on devait faire une mesure de leur polarisation respective (qui est indéterminée jusque-là), on tomberait à chaque fois sur le même résultat.

Le premier photon de la paire est envoyé dans un cristal où il disparaît après avoir transmis son intrication aux atomes du solide. Le cristal ne la conserve pas longtemps et émet un nouveau photon quelque 50 milliardièmes de seconde plus tard. Et il se trouve que celui-ci est toujours intriqué avec le deuxième photon de la paire de départ qui, pour sa part, est envoyé à travers 12,5 km de fibre optique.

Mémoire quantique

L’expérience consiste alors à mesurer ce dernier conjointement avec un troisième photon (ayant lui aussi parcouru une bobine de 12,5 km de fibre) qui transporte l’état quantique à téléporter. Les deux photons ainsi mesurés sont anéantis mais, grâce à l’intrication, l’état quantique de ce troisième photon se retrouve dans le photon qui est passé à travers le cristal, même s’ils n’ont jamais été en contact direct.

«Le cristal joue le rôle de mémoire quantique, explique Félix Bussières, maître assistant et premier auteur de l’article. Ce petit délai, que l’on espère rallonger considérablement, permettra de synchroniser plusieurs dispositifs similaires afin d’assurer une téléportation quantique à plus grande distance. On est encore loin d’un répéteur quantique mais nous avons franchi une étape importante.»

L’application qui se cache derrière la réalisation d’un réseau de téléportation quantique est la cryptographie quantique, une manière inviolable de sécuriser la transmission de messages. Un domaine où le Groupe de physique appliquée se trouve à la pointe, comme en témoigne la remise du Prix Marcel Benoist 2014 à son directeur, le professeur Gisin.