Cent rues genevoises féminisées
Dans le canton de Genève, 41 rues portent des noms de femmes, contre 548 qui honorent des hommes. L’attribution se fait selon deux critères: les personnes doivent avoir marqué de manière pérenne l’histoire de Genève et être décédées depuis plus de dix ans. Cela signifierait, vu leur faible visibilité dans les rues, que les femmes ont peu contribué à l’histoire de Genève. Une conception peu réaliste.
Le projet «100Elles*» vise à rendre les femmes visibles en rebaptisant 100 rues genevoises. Lancé par l’association féministe l’Escouade, le projet a été rejoint par un groupe de 11 historiennes de l’UNIGE et est soutenu par la Ville de Genève. «Cette initiative lutte contre l’une des formes de discrimination qui touchent les femmes: leur invisibilisation, expose Laure Piguet, assistante en histoire contemporaine. On entend par là que l’œuvre des femmes, leurs réalisations, leurs paroles sont en très grande majorité effacées ou amoindries par la société. Rendre les femmes visibles, leur donner la place qui leur revient dans l’espace public passe également par la reconnaissance de leur rôle dans l’histoire. À ce titre, les plaques de rues sont des espaces symboliques de reconnaissance et de mémoire.»
Dans les travaux biographiques, les femmes sont très souvent qualifiées selon leur genre, leur famille ou leur vie amoureuse. Nous avons tenté de rendre à ces femmes une existence propre
L’exercice a démarré par l’identification de 100 femmes qui remplissent les critères officiels. Ce travail collectif a bénéficié des nombreuses spécialisations en présence: histoire de la Genève internationale, de la vie religieuse et de la Réforme, histoire ouvrière ou de l’activisme antiraciste... Les spécialistes ont nourri cette sélection par autant de biographies, rédigées en s’appuyant sur des travaux de recherche antérieurs. Elles ont dû faire face à certaines difficultés, comme l’explique Myriam Piguet, assistante au Global Studies Institute: «Dans les travaux biographiques, les femmes sont très souvent qualifiées selon leur genre, leur famille ou leur vie amoureuse. Nous avons tenté de rendre à ces femmes une existence propre, de montrer qu’elles étaient actrices de leur propre vie, et non des personnages secondaires.»
Les 100 femmes ont ensuite été regroupées selon dix thématiques correspondant à autant de quartiers identifiés pour accueillir les nouvelles plaques de rues, prévues en dessous du nom officiel jusqu’en juin 2020. Dix premiers noms de militantes ont été dévoilés le 14 mars aux Grottes. Puis, tous les quinze jours jusqu’en juillet, dix nouvelles personnalités viendront s’ajouter. Le 1er avril, c’est la Genève internationale dans le quartier des Nations qui verra dix femmes prendre place dans l’espace public. On y découvrira notamment Florence Wilson, une Américaine qui devint, en 1919, bibliothécaire de la Société des Nations (SdN) composée de 90’000 volumes, seule femme en Europe à un tel poste et qui a beaucoup œuvré pour le développement de la SdN. —
www.100elles.ch