Un mélange inédit de molécules offre l’espoir d’une nouvelle arme anticancer
Une équipe de chercheurs genevois a identifié une combinaison de quatre médicaments anticancéreux qui développe une synergie capable, dans une expérience in vitro, de tuer des cellules humaines cancéreuses tout en induisant une toxicité négligeable dans des cellules saines. Comme le rapporte l’article paru le 22 octobre dans la revue Cancers, ce cocktail doit encore faire l’objet de tests in vivo. Précisions avec Patrycja Nowak-Sliwinska, professeure assistante à l’Institut des sciences pharmaceutiques de Suisse occidentale, qui a mené la recherche en collaboration avec Patrick Meraldi, professeur au Département de physiologie cellulaire et métabolisme (Faculté de médecine).
Qu’est-ce qui vous a amenés à chercher la meilleure combinaison possible de médicaments anticancéreux?
Patrycja Nowak-Sliwinska: Notre premier objectif consistait à trouver un moyen de réduire les doses de médicaments administrées aux patients atteints d’un cancer afin d’éviter les résistances qui apparaissent fréquemment dans ce genre de traitements ainsi que les effets secondaires indésirables. Le problème c’est que, pour être efficace contre les tumeurs, un médicament doit être agressif, ce qui passe souvent par une augmentation des doses. Trouver l’équilibre entre la destruction maximale des cellules cancéreuses et la minimisation des dommages collatéraux infligés aux cellules saines est un défi constant en oncologie. C’est dans ce contexte que nous nous sommes mis à la recherche d’une combinaison de molécules qui serait capable de développer une synergie plus efficace que la simple addition des effets respectifs et qui permettrait de diminuer la dose administrée.
Comment avez-vous découvert cette combinaison que vous avez baptisée C2?
Nous sommes partis d’une dizaine de médicaments. Nous avons utilisé une technique basée sur une stratégie d’identification rapide et une analyse statistique puissante qui nous a permis d’étudier un nombre raisonnable de combinaisons, c’est-à-dire environ 200 plutôt que les millions qui sont possibles. Nos tests ont montré que la combinaison C2 tue jusqu’à 20 fois plus de cellules cancéreuses que les autres, tout en épargnant les cellules saines.
Quels sont les médicaments qui composent C2?
Il s’agit de quatre produits: tubacin, CI-994, erlotinib et dasatinib. Tous sont des «inhibiteurs», c’est-à-dire qu’ils bloquent des processus biologiques spécifiques qui se déroulent dans les cellules cancéreuses. Trois d’entre eux sont déjà commercialisés et le quatrième est encore en phase de test clinique.
Leur combinaison est donc plus efficace que chaque produit pris séparément?
Les doses utilisées dans l’expérience sont tellement basses que les médicaments, pris individuellement, n’auraient eu aucun effet. Ce qui est frappant, c’est qu’ensemble, ils développent une action particulièrement efficace.
Quelle est la cible biochimique de C2?
C2 vise les centrosomes surnuméraires. Les centrosomes sont des organites qui «tirent» chacun de leur côté une moitié de la cellule, ce qui lui permet de se diviser en deux. Une cellule normale en compte deux. Les cellules cancéreuses, souvent trois ou quatre. Pour éviter que cela ne provoque leur mort, les cellules tumorales regroupent les centrosomes en deux pôles. La combinaison C2 bloque justement ce regroupement, entraînant ainsi la mort des cellules tumorales possédant des centrosomes surnuméraires, tout en épargnant les autres.
Est-ce que tous les types de cancers ont des centrosomes surnuméraires?
Non, mais une grande majorité d’entre eux.
Comment être sûr que cela fonctionne aussi sur un être humain entier?
Nous allons passer à la phase de l’expérimentation animale mais seulement après avoir répondu au plus grand nombre possible de questions grâce à des modèles alternatifs, comme la membrane chorioallantoïque des embryons de poulet et des cellules humaines prélevées sur des patients atteints d’un cancer. Les cellules que nous avons utilisées jusqu’ici étaient tirées de lignées de laboratoire parfaitement bien caractérisées mais qui ne correspondent pas forcément à la situation réelle.
Est-ce que la combinaison C2 pourrait remplacer la chimiothérapie?
Non, mais si ses vertus sont confirmées par les études ultérieures, elle pourrait remplacer – ou être combinée avec – une des composantes des chimiothérapies actuelles qui agit sur la même cible: le paclitaxel. Cette molécule, qui doit être administrée à des doses élevées pour être efficace, est connue pour entraîner des effets secondaires et des risques de résistance habituels aux chimiothérapies.
Comptez-vous déposer un brevet?
Nous souhaitons en effet protéger la méthode que nous avons développée et, surtout, la combinaison que nous avons identifiée afin de pouvoir poursuivre nos tests en vue d’un traitement anticancéreux. —
EN BREF
Une protéine ouvre la voie à une alternative thérapeutique à l’insuline
L’administration à des souris insulinodépendantes de doses élevées d’une protéine appelée S100A9 améliore de la gestion du glucose dans le sang et diminue certaines anomalies métaboliques dont souffrent fréquemment les diabétiques humains. Cette découverte, publiée le 7 août dans la revue Nature Communications par l’équipe de Roberto Coppari, professeur ordinaire au Département de physiologie cellulaire et métabolisme (Faculté de médecine), ouvre la porte à une alternative thérapeutique plus efficace que l’administration quotidienne d’insuline pour traiter le diabète. Cette dernière approche, qui concerne actuellement des dizaines de millions de patients, ne permet en effet pas de rétablir un équilibre métabolique et comporte de graves effets indésirables en augmentant notamment le risque d’hypoglycémie grave.
L’intrication triangulaire intrigante des particules quantiques
Dans le monde de l’infiniment petit, régi par les lois de la quantique, des paires de particules ont le pouvoir de s’intriquer. Cela signifie que l’état quantique d’un des membres de cette paire est parfaitement corrélé avec celui de l’autre, même si celui-ci est situé à des kilomètres de distance. Mieux: en forçant deux paires distinctes à s’intriquer, cette liaison contre-intuitive de nature purement quantique (elle n’a pas d’équivalent à notre échelle) s’étend aux particules jumelles respectives. Dans un article paru le 30 septembre dans la revue Physical Review Letters, Nicolas Brunner, professeur associé au Département de physique appliquée (Faculté des sciences), et ses collègues ont prouvé qu’il était théoriquement possible d’intriquer trois paires de photons formant ainsi un triangle ultra-corrélé.