Un film capte la mobilisation citoyenne autour du climat
À l’occasion de la COP25 qui se tiendra à Madrid du 2 au 13 décembre, l’Institut d’études de la citoyenneté organise une projection du documentaire The Climate Changers sur l’engagement de la société civile lors de la conférence sur le climat, tenue à Paris en décembre 2015 (COP21). Le journaliste Samuel Schlaefli et la cinéaste Esther Petsche se sont joints aux militants écologistes qui ont participé à diverses mobilisations ayant eu lieu lors de cette COP et les ont suivis dans leur lutte contre le changement climatique. Ouverte aux étudiants de toutes les facultés ainsi qu’au grand public, la projection est suivie d’un débat en présence des réalisateurs qui questionneront les liens existant entre les mouvements sociaux actuels et ceux de la COP21 en 2015. Rencontre avec Jasmine Lorenzini, collaboratrice scientifique au Département de science politique et relations internationales.
Le Journal: Depuis 2018, plusieurs grèves pour le climat ont eu lieu dans de nombreuses villes. Les manifestants réclament de la part des dirigeants des actions concrètes à la hauteur des enjeux. Comment peut-on expliquer ce fort engagement citoyen?
Jasmine Lorenzini: Avant 2018, les mobilisations internationales avaient souvent lieu autour des COP qui sont des événements très médiatiques. Le mouvement créé suite à la médiatisation de la grève scolaire de Greta Thunberg a incité les militants à se mobiliser en dehors de ces rencontres internationales, comme cela a été par exemple le cas avec les grèves pour le climat le 15 mars dernier, dans plusieurs villes de Suisse ou le 28 septembre à Berne lors de la marche nationale.
Quels changements cela a-t-il entraînés au sein des mouvements sociaux?
On constate un tournant vers une désobéissance civile due notamment à la difficulté d’engager la discussion avec les politiciens. Ces derniers se cachent derrière des arguments relatifs à la lenteur des processus démocratiques. Mécontents, les grévistes ont alors amorcé un mouvement plus radical. Autre changement, la mobilisation autour du climat s‘est alliée aux grèves féministes et à des groupes militants tels qu’Extinction Rebellion, unis dans la lutte contre le capitalisme.
En devenant une des icônes du mouvement climatique, Greta Thunberg a-t-elle motivé plus de personnes dans la lutte pour le climat?
Les médias recherchent des figures médiatiques et veulent saisir une figure ou un leader incarnant un mouvement. Cela peut amener à des engagements de la part de personnes qui ne seraient pas sensibilisées aux questions environnementales. Mais cela ne mobilise certainement pas les militants de la première heure. En revanche, ce phénomène «d’icônisation» peut entrer en désaccord avec certaines valeurs du mouvement social, qui est régi par une organisation très horizontale, refusant la hiérarchie pyramidale et où les prises de parole sont tournantes. Cette volonté médiatique consistant à mettre en avant des porte-parole va par conséquent à l’encontre du mode de fonctionnement privilégié par les militants.
Les États-Unis ont officiellement annoncé qu’ils se retiraient de l’Accord de Paris sur le climat ratifié par la quasi-totalité de la communauté internationale. Face à cette annonce, les prochaines COP ont-elles encore un avenir?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire d’analyser certains changements dans les rapports de force au sein du mouvement entre la COP 2009 à Copenhague et celle de 2015, à Paris. Deux ailes existent parmi les militants. L’aile réformiste, estime que les manifestations durant ces COP permettent d’influencer les décisions politiques, de faire pression et, par conséquent, apportent du changement. En revanche, l’aile radicale déplore que ces sommets internationaux ne mènent pas à des solutions concrètes. Suite à l’échec de la COP15 à Copenhague, l’aile radicale a pris le dessus au sein du mouvement. Après quelques années de mobilisations limitées, les militants se sont servis de la visibilité médiatique autour de la COP21 pour ouvrir une voie alternative. Selon les militants, le type d’accord sur lequel débouchent ces grandes rencontres institutionnelles est tellement faible qu’il ne permet pas d’amener un changement. Du point de vue des militants et des mouvements sociaux, le retrait des États-Unis n’est par conséquent pas le problème principal d’un point de vue environnemental et ne remet donc pas en question l’avenir des prochaines COP. Pour eux, le changement doit dans tous les cas venir d’un autre répertoire d’actions. —
Projection de film — 18h
The Climate Changers
par Samuel Schlaefli (réalisateur), Esther Petsche (réalisatrice)
Uni Mail, salle M2160