La Faculté des sciences invite ses doctorants à briser la barrière du jargon
Dans un contexte où le crédit accordé au discours scientifique est souvent mis à mal, notamment sur les réseaux sociaux, les doctorantes et doctorants sont de plus en plus incités à développer des compétences en communication dans le cadre de leur formation. Publier les résultats bruts de la recherche sur internet n’est en effet pas suffisant pour toucher un large public. Encore faut-il être capable de traduire ces résultats sous une forme accessible à toutes et à tous. Plusieurs initiatives allant dans ce sens ont récemment vu le jour à l’Université de Genève. Le concours Ma Thèse en 180 secondes, qui propose aux jeunes chercheurs de présenter leur sujet de thèse devant un auditoire en trois minutes, rencontre un succès notoire, de même que les programmes de la RTS animés par des scientifiques, tels que l’Oreille des Kids ou Avis d'experts ou encore le concours FameLab. Le Scienscope participe aussi à cette évolution puisque les ateliers qu’il propose aux écoliers sont généralement animés par des doctorants.
La Faculté des sciences a décidé de pousser un cran plus loin cette logique en offrant aux participants à son école doctorale en biologie la possibilité d’obtenir des crédits, moyennant leur participation à des travaux d’écriture scientifique pour le grand public. Le décanat de la Faculté envisage d’étendre ce dispositif aux autres sections et départements.
Les chercheurs sont invités à présenter leurs résultats dans des articles s’adressant aux non-initiés. Ils bénéficient pour cela des conseils d’un comité éditorial
Créée en 2015 par Massimo Caine, biologiste moléculaire et chargé d’information, la plateforme TheScienceBreaker est le principal vecteur utilisé pour ce développement. Les chercheurs sont invités à y présenter leurs résultats dans des articles s’adressant aux non-initiés. Ils bénéficient pour cela des conseils d’un comité éditorial chargé de relire les papiers et d’améliorer la forme. «L’objectif est d’éliminer la barrière constituée par le jargon scientifique», résume Massimo Caine.
TheScienceBreaker publie en moyenne une quinzaine d’articles par mois et ne se limite pas aux travaux de chercheurs de l’UNIGE. A ce jour, environ 460 scientifiques – dont un Prix Nobel du MIT – de quelque 230 institutions ont contribué à la publication. En revanche, le comité éditorial est composé exclusivement de scientifiques de l’Université. Outre la relecture des articles, ces derniers sont chargés d’identifier dans les revues scientifiques les papiers les plus intéressants.
«En règle générale, ce sont les auteurs de la recherche qui écrivent, mais il nous arrive aussi de sélectionner des sujets particulièrement innovants et de rédiger nous-mêmes», précise Massimo Caine. Les responsables de TheScienceBreaker organisent également des ateliers de communication scientifique destinés aux doctorants de première année et animés par des professionnels de la communication ou des personnes expérimentées.
Si la plateforme ne publie pas encore de vidéos, une collaboration avec la Haute école d’art et de design (HEAD) est envisagée pour développer des représentations «art et science».
Pourquoi cet appétit pour la communication scientifique? Peut-être faut-il y voir la sensibilité propre à une nouvelle génération de chercheurs désireux d’établir un dialogue direct avec le public.
Il en va de l’impact médiatique comme des rankings, tout le monde le critique mais personne n’y est indifférent
Plusieurs facteurs externes contribuent en outre à cette évolution. Depuis quelques années, les principaux journaux scientifiques proposent un indicateur de l’impact médiatique des travaux présentés dans leurs colonnes. Fournies par des organismes indépendants, ces données connues sous le nom d’altmetrics permettent de connaître le nombre de communications auxquelles a donné lieu une recherche, que ce soit dans les médias traditionnels ou sur les réseaux sociaux. Cet indicateur ne mesure pas la valeur scientifique des papiers et ne représente donc pas un enjeu décisif pour la carrière des chercheurs. Toutefois, «il en va de l’impact médiatique comme des rankings, tout le monde le critique mais personne n’y est indifférent», observe Massimo Caine.
Enfin, la politique du Fonds national suisse de la recherche scientifique, exigeant à partir de 2021 que les résultats des recherches financées par des fonds publics soient publiés en Open Access, amène les chercheurs à réfléchir à la façon la plus pertinente de diffuser leurs résultats et favorise cette tendance à développer des compétences en communication. —
apprendre à s'exprimer oralement
Le Pôle de soutien à l’enseignement et l’apprentissage propose une large palette d’activités aux doctorantes et doctorants souhaitant développer leurs compétences en communication. En plus de l’accompagnement au concours Ma thèse en 180 secondes, des ateliers sur la communication orale ou la réalisation de posters sont organisés. La préparation à la soutenance de thèse, en français et en anglais, fait également l’objet de sessions, au cours desquelles les jeunes chercheurs pré-sentent oralement leurs travaux et répondent aux questions d’un jury. Des simulations de soutenance permettent en outre aux candidats de soumettre leur exposé au regard critique de pairs et de conseillers pédagogiques évaluant des aspects comme la voix, les gestes, la clarté et la structure de l’exposé. L’an dernier, 82 personnes ont participé à ces diverses activités.