15 juin 2023 - Jacques Erard

 

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Un vitrier autobiographe au temps de la Révolution

 

 

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En 1982, l’historien français Daniel Roche publie Journal de ma vie, un manuscrit conservé à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris. Il est signé Jacques-Louis Ménétra (1738-1812). Artisan vitrier de profession, happé par l’effervescence politique et intellectuelle de la seconde moitié du XVIIIe siècle, celui-ci rédige en autodidacte un récit autobiographique en vers et en prose, offrant un témoignage littéraire unique sur la culture populaire au temps de la Révolution française.

Quarante ans après cette première publication, Michel Porret, professeur honoraire du Département d’histoire générale, s’est entouré de quatre collègues, enseignants en France et au Canada, en vue d’ éditer et de commenter la seconde partie du manuscrit de Ménétra, ses Écrits divers. Le texte original a fait l’objet d’une modernisation afin d’en faciliter la lecture. Il est complété par deux études de Daniel Roche ainsi que par un abécédaire éclairant la vie et l’œuvre du vitrier, son écriture à la fois égotique et burlesque, mélangeant joyeusement les genres littéraires, les propos frivoles et les considérations sur la religion et la politique de son temps.

La forme autobiographique, popularisée par Jean-Jacques Rousseau, un des rares contemporains – avec Bonaparte – auxquels/elles Ménétra semble vouer de l’admiration, permet à l’artisan de donner libre cours à ses réflexions. Comme Jean-Jacques dans ses Confessions, Jacques-Louis entend se décrire dans son entier et peindre de lui-même un portrait authentique. Les témoignages concernant sa sexualité exubérante, motif récurrent de ses récits, décrite tantôt en ode à l’amour, tantôt sur le ton de la grivoiserie, semblent exprimer cette volonté de tout raconter de soi, par le truchement d’une parole désinhibée et libérée. Dans les Écrits divers, il raconte ses voyages à travers la France et ses amours passagères, ses inimitiés, ses obsessions. Républicain, il s’emploie à dénoncer les excès des comités révolutionnaires et «les cannibales de tous les partis demandant d’un sang froid la mort ou l’incarcération de leurs anciens amis», de la même manière qu’il s’en prend aux fanatiques religieux. À travers quelque 4300 lignes, Jacques-Louis Ménétra brosse ainsi de lui-même un portrait composite et disparate d’où se dégage une vision microscopique des Lumières.

 

Daniel Roche, Frédéric Charbonneau, Vincent Milliot, Philippe Minard, Michel Porret
«Les Lumières minuscules d’un vitrier parisien. Souvenirs, chansons et autres textes (1757-1802) de Jacques-Louis Ménétra»
Éditions Georg, 2022, 444 p.

 

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