23 novembre 2023 - Anton Vos

 

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Le stress et les émotions des autistes suivis à la trace

Une application sur téléphone mobile a permis d’évaluer, dans le flux de la vie quotidienne, le stress et les émotions négatives d’individus autistes, puis d’établir un lien avec la santé mentale.

 

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Image: AdobeStock


Les adolescent-es et les jeunes adultes atteint-es de troubles du spectre autistique (y compris les personnes qui ne présentent pas de déficience intellectuelle) rencontrent plus de difficultés dans la régulation des émotions que la population générale. Cela entraîne une augmentation de la fréquence d’apparition d’émotions négatives face au stress quotidien, un phénomène qui pourrait, à son tour, contribuer à la sévérité de difficultés de santé mentale telles que l’anxiété ou la dépression. C’est ce qui ressort d’un article paru le 26 octobre dans la revue Autism et signé par Maude Schneider, professeure assistante à l’Unité de psychologie clinique des situations de handicap (Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation), et ses collègues. Selon les auteures de ce travail, c’est la première fois qu’une étude examine l’association entre la réactivité affective au stress et la santé mentale chez les personnes autistes. La méthode est, elle aussi, originale puisque les participants et les participantes ont été suivi-es presque heure par heure à l’aide d’une application sur téléphone mobile permettant d’évaluer leurs émotions au plus près du contexte de la vie quotidienne.

 

«Les personnes autistes forment un groupe très hétérogène, précise Maude Schneider. Celui-ci englobe aussi bien des personnes rencontrant des difficultés cognitives très importantes que d’autres s’exprimant de manière fluide et ne présentant pas de déficience intellectuelle. C’est à cette seconde catégorie que nous nous sommes intéressées dans cette étude.»

Les chercheuses ont enrôlé 39 jeunes ayant reçu un diagnostic de troubles du spectre autistique âgé-es de 12 à 29 ans vivant à Genève et en France voisine, ainsi que 57 personnes non autistes du même âge pour les besoins de la comparaison. Durant six jours consécutifs, une application installée sur leur téléphone mobile a alerté les participantes et les participants jusqu’à huit fois par jour à l’aide de notifications leur enjoignant de remplir à chaque fois un bref questionnaire. Ce dernier comprend des évaluations sur l’état émotionnel de la personne et lui demande de préciser si elle est seule ou accompagnée, si elle s’adonne à une activité ou non, etc.

«Il s’agit d’une nouvelle technique, encore très peu utilisée, appelée ‘évaluation écologique momentanée’ (EMA en anglais pour ecological momentary assessment)», explique Laura Ilen, assistante à l’Unité de psychologie clinique des situations de handicap (Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation) et première auteure de l’article. «Son utilisation avec des adolescent-es et des adultes autistes a été validée. L’un des points forts de cette approche est qu’elle permet de suivre de manière très fine les fluctuations du stress durant la journée et de les lier aux différents contextes de la vie quotidienne de la personne.»

Niveau élevé de stress
À la fin de la semaine d’évaluation, les participant-es ont répondu à un dernier questionnaire plus général sur les stratégies de régulation émotionnelle qu’ils ou elles mettent en œuvre face à des événements désagréables ou stressants.

Il en résulte que les adolescent-es et les jeunes adultes autistes rapportent des niveaux relativement élevés de stress dans leur vie quotidienne en lien avec leur environnement social et leurs activités, ce qui est cohérent avec la littérature antérieure. Ils font aussi preuve d’une «réactivité affective» accrue, c’est-à-dire qu’ils ressentent davantage d’émotions négatives en relation avec ce stress quotidien. Enfin, les participant-es autistes éprouvent plus de difficultés à réguler ces émotions que les participant-es non autistes. Ils déclarent notamment faire davantage appel à des stratégies dites non adaptatives, telles que la rumination des difficultés rencontrées dans la journée qui maintient la personne dans un état émotionnel négatif, et moins à des stratégies dites adaptatives qui consistent par exemple à mettre les choses en perspective, à se focaliser sur les aspects positifs d’une expérience stressante, à relativiser, etc. Des études ont montré qu’un tel biais contribue à la sévérité des symptômes de certaines maladies mentales telles que la dépression.

Les auteures de l’article estiment que leurs résultats pourraient aider à prévenir les conséquences négatives du stress sur la santé mentale chez les personnes autistes. Cela peut passer par des ajustements environnementaux visant à réduire certains facteurs de stress et par des techniques dont les bénéfices pour la régulation des émotions ont été démontrés, telles que la méditation en pleine conscience ou certaines psychothérapies spécifiques.

«Nous commençons également à voir apparaître, surtout dans les pays anglo-saxons, des expériences dans lesquelles la technique d’évaluation écologique momentanée que nous avons utilisée devient un outil d’intervention immédiat (just in time intervention), ajoute Maude Schneider. En d’autres termes, lorsque la personne rapporte, à l’aide de son téléphone, la survenue d’un stress ou d’émotions négatives liées à un contexte particulier, l’application du téléphone mobile lui donne immédiatement en retour des recommandations apprises lors des séances de psychothérapie pour gérer au mieux la situation.»

 

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