12 octobre 2023 - UNIGE

 

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Renforcer les cellules immunitaires artificielles pour contrer le cancer

Une équipe romande a découvert comment améliorer le pouvoir antitumoral des cellules CAR-T, des «super-cellules» immunitaires artificielles utilisées pour lutter contre les cancers du sang.

 

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Le traitement par immunothérapie consiste à aider le système immunitaire à combattre les tumeurs ou à le renforcer. Image: Adobe Stock


En immunothérapie, l’utilisation de cellules dites «CAR-T» s’avère extrêmement efficace contre certains cancers du sang, mais chez la moitié des patient-es seulement. En cause notamment, le rapide dysfonctionnement de ces cellules immunitaires modifiées artificiellement en laboratoire. Comme ils l’expliquent dans un article paru dans la revue Nature du 20 septembre, Mathias Wenes, maître-assistant au Département de médecine (Faculté de médecine), et ses collègues ont découvert comment prolonger leur fonctionnalité. En inhibant un mécanisme métabolique très particulier, l’équipe de scientifiques a ainsi créé des CAR-T à la mémoire immunitaire renforcée et donc capables de lutter contre les cellules tumorales beaucoup plus longtemps. 

 

L’immunothérapie par cellules «CAR-T» consiste à prélever des cellules immunitaires – en général des lymphocytes T — chez une personne atteinte d’un cancer, à les modifier en laboratoire afin d’augmenter leur capacité à reconnaître et à combattre les cellules tumorales, puis à les réinjecter dans l’organisme du patient ou de la patiente. Cependant, comme pour d’autres types d’immunothérapies, de nombreux malades ne répondent pas au traitement ou rechutent.

Le problème, c’est que les cellules CAR-T doivent être massivement multipliées avant d’être administrées et ce processus d’amplification, combiné à l’histoire médicale des patient-es, épuise les cellules. Si bien que celles-ci atteignent un état dit de différenciation terminale qui précipite la fin de leur cycle de vie sans leur laisser le temps d’agir sur la longueur.

Cherchant à résoudre ce problème, les scientifiques se sont intéressé-es au fait que les cellules immunitaires et les cellules cancéreuses ont un métabolisme assez semblable qui permet notamment aux unes et aux autres de proliférer très rapidement. L’équipe s’est plus particulièrement penchée sur un mécanisme de survie spécifique auquel les cellules cancéreuses ont recours lorsqu’elles manquent d’oxygène: l’utilisation de la glutamine, un acide aminé, comme source alternative d’énergie grâce à une réaction chimique nommée «carboxylation réductrice». C’est ainsi que les scientifiques ont découvert que les lymphocytes T utilisent le même mécanisme.

 

Quasiment guéries
Pour en savoir plus, ils ont commencé par inhiber ce mécanisme au sein de cellules CAR-T dans des souris servant de modèles pour la leucémie et le myélome multiple, deux cancers du sang. Les cellules CAR-T modifiées se sont multipliées normalement sans perdre leur capacité d’attaque, indiquant que la carboxylation réductrice ne leur est pas indispensable.

Les souris ainsi traitées ont également été quasiment guéries de leur cancer, un résultat allant bien au-delà des espérances de l’équipe de recherche. Il s’avère que sans carboxylation réductrice, les cellules ne se différencient plus autant et conservent leur fonction antitumorale plus longtemps. Elles ont même, et surtout, tendance à se transformer en lymphocytes T à mémoire, soit un type de cellules immunitaires qui conserve la mémoire des éléments tumoraux à combattre.

Cette dernière découverte est particulièrement importante dans la mesure où les lymphocytes T à mémoire jouent un rôle clé dans la réponse immunitaire secondaire. Ils conservent en effet la mémoire des pathogènes précédemment rencontrés et peuvent se réactiver lorsque ceux-ci réapparaissent – comme dans le cas d’un virus mais aussi de pathogènes tumoraux –, assurant une protection immunitaire bien plus durable.
Ce même principe se retrouve chez les cellules CAR-T. Plus le nombre de cellules à mémoire est élevé, plus la réponse antitumorale est efficace et le résultat clinique favorable.

Il se trouve par ailleurs que la substance utilisée par les scientifiques pour inhiber la carboxylation réductrice et produire des CAR-T à longue durée de vie est un médicament déjà approuvé dans le traitement de certains cancers. Les auteur-es de l’article proposent donc de le repositionner pour en élargir l’usage et produire in vitro des cellules CART plus puissantes. L’efficacité et la sûreté de ces dernières doivent toutefois encore être testées dans des essais cliniques.

Ce travail au potentiel d’application important n’aurait jamais été possible sans le réseau mis en place par le Swiss Cancer Center Léman. En effet, des laboratoires de quatre instituts lémaniques ont uni leurs forces pour mener à bien ce projet impactant, à savoir les universités de Genève et de Lausanne, les Hôpitaux universitaires de Genève et le Centre hospitalier universitaire vaudois.

 

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