2 novembre 2023 - UNIGE

 

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Le téléphone portable nuirait à la qualité du sperme

Une vaste étude couvrant plus d’une décennie de données révèle les potentiels effets néfastes des téléphones portables sur la santé reproductive des hommes.

 

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Échantillon de spermatozoïdes humains rendus fluorescents. Image: Rita Rahban

 

Selon une étude parue le 1er novembre dans Fertility & Sterility, une utilisation intensive du téléphone portable est associée à une baisse de concentration des spermatozoïdes. La mobilité et la morphologie des petits gamètes mâles ne sont cependant pas affectées. Ce résultat a été obtenu grâce à une cohorte de recrues suisses dont les données ont été analysées par une équipe de scientifiques codirigée par Rita Rahban, maître-assistante au Département de médecine génétique et développement (Faculté de médecine) ainsi qu’au Centre suisse de toxicologie humaine appliquée. Il permet d’ajouter à une liste déjà assez longue (perturbateurs endocriniens, pesticides, radiations, nourriture, alcool, stress, tabac) un nouveau suspect responsable de la chute du nombre de spermatozoïdes dans les pays industrialisés. La concentration des «petits soldats» est en effet passée en cinquante ans d’une moyenne de 99 millions par millilitre à 47 millions.

 

 

La qualité du sperme est déterminée par l’évaluation de paramètres tels que la concentration en spermatozoïdes, leur nombre total, leur mobilité et leur morphologie. Selon les valeurs établies par l’Organisation mondiale de la santé, le pourcentage de chances de grossesse diminue dès que la concentration de spermatozoïdes est inférieure à 40 millions par millilitre. Et un homme mettra probablement plus d’un an à concevoir un enfant si ce taux passe sous les 15 millions par millilitre.

Faisant suite à la première étude nationale sur la qualité du sperme des jeunes hommes en Suisse menée en 2019, cette nouvelle recherche s’appuie sur les données de 2886 hommes suisses âgés de 18 à 22 ans, recrutés entre 2005 et 2018 au sein de six centres de conscription militaire du pays.

Les participants ont répondu à un questionnaire détaillé concernant leurs habitudes de vie, leur état de santé général et la fréquence à laquelle ils utilisent leur téléphone, ainsi que l’endroit où ils le placent lorsqu’ils ne s’en servent pas. Sur cette base ainsi que sur l’analyse d’échantillons de sperme, les scientifiques ont pu établir que la concentration de spermatozoïdes passe de 56,5 millions par millilitre chez les hommes ne faisant pas usage de leur téléphone plus d’une fois par semaine à 44,5 millions par millilitre chez ceux l’utilisant plus de 20 fois par jour, soit une diminution de 21%.

Cette association inverse s’avère plus prononcée au cours de la première période d’étude (2005-2007) et diminue progressivement avec le temps (2008-2011 et 2012-2018). Une tendance qui correspond au passage de la 2G à la 3G, puis de la 3G à la 4G, lesquelles ont entraîné une réduction de la puissance d’émission des téléphones.

La position du téléphone – dans la poche du pantalon par exemple – ne semble, quant à elle, pas associée à des paramètres de sperme plus faibles dans les échantillons prélevés. Mais le nombre de personnes indiquant ne pas porter leur téléphone près du corps est trop faible pour parvenir à une conclusion robuste sur ce point précis.

Cette étude, comme la plupart des études épidémiologiques portant sur les effets de l’utilisation du téléphone portable sur la qualité du sperme, s’est appuyée sur des données autodéclarées, ce qui constitue une limite. Une nouvelle recherche financée par l’Office fédéral de l’environnement et commencée en 2023 a pour but de mesurer précisément et directement l’exposition aux ondes électromagnétiques avec les types d’utilisation (appels, navigation web, envois de messages) afin d’évaluer leurs impacts sur la santé reproductive masculine.


 

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