21 novembre 2024 - UNIGE

 

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Des «monstres rouges» sèment le trouble aux confins de l’Univers

La découverte dans l’Univers très lointain (et donc très jeune) de trois galaxies ultra-massives, qui donnent naissance à des étoiles à des vitesses inattendues, remet en cause les modèles actuels de formation de ces structures composées notamment d’étoiles et de gaz.

 

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Les trois monstres rouges sont des galaxies extrêmement massives et poussiéreuses dans le premier milliard d’années post Big Bang. © NASA/CSA/ESA/UNIGE/Niels Bohr Institute/Dawn JWST Archive

 

Une équipe internationale dirigée par Pascal Oesch, professeur associé au Département d’astronomie (Faculté des sciences), a identifié trois galaxies ultra-massives à très grande distance, et donc dans un passé très lointain, correspondant à une époque où l’Univers n’était encore que dans son premier milliard d’années après le Big Bang (il en a 13,8 aujourd’hui, à quelques dizaines de millions d’années près). Accrochés par les instruments du télescope spatial James Webb (JWST) dans le cadre du programme Fresco, ces trois «monstres rouges», comme les ont baptisés les astronomes, sont presque aussi massifs que la Voie lactée actuelle, qui héberge le Système solaire. Ces résultats, publiés le 13 novembre dans la revue Nature, indiquent que la formation des étoiles dans l’Univers primitif était beaucoup plus efficace qu’on ne le pensait et remettent en question les modèles de formation des galaxies.

Selon le modèle théorique actuellement privilégié par les scientifiques, les galaxies se forment en effet progressivement au sein de vastes halos de matière noire (dont la nature est totalement inconnue) qui capturent les gaz (composés, eux, d’atomes et de molécules) pour en faire de gigantesques structures liées par la gravitation. Au sein de ces galaxies, on estime qu’environ 20% du gaz est converti en étoiles. Le hic, c’est que la masse des «trois monstres» requiert, selon les auteur-es, que «50% des baryons [des particules lourdes comme le neutron et le proton, ndlr] soient convertis en étoiles».
Le programme Fresco a passé en revue 36 galaxies très lointaines (se trouvant toutes dans le premier milliard d’années de vie après le Big Bang), tirant parti des spectrographes du JWST qui sont sensibles à l’infrarouge et sont capables de voir à travers les nuages de poussière dont ces galaxies lointaines sont particulièrement riches. La plupart de ces sources se sont avérées compatibles avec les modèles théoriques existants. Sauf les trois galaxies étonnamment massives qui semblent donner naissance à des étoiles presque 2 fois plus efficacement que leurs homologues de masse plus faible et que les galaxies plus anciennes.
Bien que ces résultats ne soient pas en contradiction avec le modèle cosmologique standard, ils soulèvent de nouvelles questions relatives aux théories sur la formation des galaxies et s’ajoutent au problème récemment identifié (déjà par le JWST) des galaxies «trop nombreuses et trop massives» au début de l’Univers. Les modèles actuels pourraient devoir prendre en compte les processus uniques qui ont permis à certaines galaxies massives précoces de parvenir à une formation d’étoiles aussi efficace et donc de se former très rapidement, très tôt dans l’Univers. De futures observations du JWST et de l’Atacama Large Millimeter Array (un radiotélescope géant installé dans le nord du Chili et composé de 66 antennes) permettront d’en savoir plus sur ces «monstres rouges» ultra-massifs et, éventuellement, d’en découvrir d’autres.

 

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