La Genevoise a d’ailleurs pu le constater par elle-même puisqu’elle s’est rendue sur place pour y mener ses investigations. Les trois sites inclus dans le rapport, Mutoshi, Kasulo et Kisote, sont localisés autour de Kolwezi, le chef-lieu de la province de Lualaba dans le sud de la RDC. Sur les deux premiers sites, des projets de régulation sont en cours depuis quelques années, bien que toute activité ait cessé ces derniers mois en raison de la pandémie de Covid-19. Un projet similaire devait également être lancé sur le troisième site en 2019, mais ce n’est toujours pas le cas à ce jour.

Dorothée Baumann-Pauly. Photo. DR
«Tout effort visant à réguler le secteur de l’extraction artisanale du cobalt (c’est-à-dire à transformer ces industries informelles de manière à ce qu’elles respectent les droits humains élémentaires et les standards environnementaux) doit d’abord se concentrer sur celles qui sont actives dans les concessions minières industrielles de grande échelle, explique Dorothée Baumann-Pauly. C’est aux compagnies qui exploitent ces concessions d’établir des standards en matière de conditions de travail en accord avec les lois du pays et de se donner les moyens de les faire respecter.»
Puits ouverts contre tunnels
Selon son rapport, la régulation du secteur minier au niveau national, pour qu’elle réussisse, doit se mener en concertation avec tous les acteurs du secteur minier du pays. Elle requiert aussi un certain nombre d’actions minimales sur le terrain. Celles-ci comprennent notamment l’installation de clôtures et d’accès contrôlés à la zone d’exploitation, ainsi que l’introduction de mesures de sécurité dont fait partie un équipement adéquat, mais aussi la préparation mécanique d’un puits ouvert afin d’éviter le creusement de tunnels profonds et dangereux. Autre point essentiel: la création de coopératives indépendantes de mineurs artisanaux afin de surveiller le respect des conditions de travail et de mener des négociations avec les compagnies.
Les compagnies qui exploitent les concessions ne sont toutefois pas toujours celles qui font le premier pas dans ces processus de régulation des mines artisanales. Mais la pression internationale les aide de plus en plus à comprendre où se trouve leur intérêt. Les négociants du cobalt et les fabricants de batteries et de véhicules électriques commencent en effet à imposer à ceux qui exploitent les mines certains standards en matière de droits humains et d’environnement. Pour la chercheuse Dorothée Baumann-Pauly, il est essentiel que les grandes marques qui utilisent les batteries lithium-ion, soucieuses de leur image, exigent que ces normes soient respectées. Pour elle, c’est ce qui marche le mieux.
L'extrême pauvreté,
cause du travail des enfants
«Quoi qu’il en soit, si l’opération est menée correctement, les emplois créés dans les mines artisanales "régulées" aideront à réduire l’extrême pauvreté qui sévit en RDC et qui est une des causes du travail des enfants, estime Dorothée Baumann-Pauly. Les bénéfices sociaux et économiques sont nombreux: des emplois stables pour les adultes qui permettront de sortir les enfants des mines et de les envoyer à l’école, une réduction des accidents du travail, une augmentation de la productivité et donc des salaires, la promotion du travail des femmes, l’amélioration de la santé de tous les membres de la communauté, la création de nouvelles opportunités économiques, une autonomisation des mineurs, etc.».
Il faudra bien sûr fixer également des standards industriels et développer les moyens de suivre la qualité de la production réalisée par les mineurs artisanaux. Ces standards doivent, eux aussi, répondre non seulement aux besoins industriels mais aussi aux exigences des droits humains et du respect de l’environnement.
«Si l’on veut s’attaquer sérieusement au problème des droits humains, il faut dépasser la seule régulation des mines artisanales, souligne Dorothée Baumann-Pauly. Il est tout aussi important de comprendre les causes profondes des atteintes aux droits humains dans le contexte minier de la RDC. En plus de promouvoir la construction d’infrastructures de base (écoles, crèches…), il est nécessaire de développer, en collaboration avec le gouvernement, des programmes d’apprentissage, d’éducation financière et des systèmes de microcrédit afin d’aider la communauté à diversifier ses activités économiques.»