4 mars 2021 - UNIGE

 

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Dans les panaches des volcans, des cendres font du rafting

L’étude des cendres des éruptions volcaniques a permis la découverte de deux effets de sédimentation qui permettront d’améliorer la capacité des modèles à prévoir le danger représenté par les nuages de cendres pour les vols.

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Panache volcanique associé à l’éruption du volcan Eyjafjallajökull en Islande (à gauche) en avril-mai 2010 et image au microscope électronique à balayage d’un agrégat de cendres constitué de particules volcaniques micrométriques recueillies sur un papier adhésif lors des retombées (à droite).
© UNIGE, Costanza Bonadonna

Certaines cendres éjectées lors d’une éruption volcanique font du «rafting», c’est-à-dire qu’au lieu de tomber normalement, elles voyagent beaucoup plus loin dans l’atmosphère que ne le laisse supposer leur poids. Le comportement inattendu de ces particules s’explique par une configuration spéciale, comprenant un noyau de 100 à 800 microns de diamètre recouvert par de nombreuses poussières de moins de 60 microns qui, ensemble, agissent comme un parachute, retardant la sédimentation. L’existence de cet effet de rafting, suggéré en 1993 mais alors déclaré impossible, a été démontrée par une observation directe et soutenue par un appareil théorique, comme le rapporte un article paru le 26 février dans la revue Nature Communications. Les résultats de cette étude, dont le premier auteur est Eduardo Rossi, chercheur au Département des sciences de la Terre (Faculté des sciences), permettront d’affiner les modèles actuels prédisant, en temps réel, quand le panache créé par une éruption volcanique croisera les routes aériennes.

 

Lorsque le volcan Eyjafjallajökull en Islande est entré en éruption en avril 2010, le trafic aérien a été interrompu pendant six jours, puis perturbé jusqu’en mai. Avant cette date, les modèles des neuf Volcanic Ash Advisory Centres (VAAC) répartis dans le monde, qui visent à prédire quand le nuage de cendres interfère avec les routes aériennes, étaient basés uniquement sur le suivi spatial du nuage de cendres dans l’atmosphère. À la suite de cette catastrophe économique pour les compagnies aériennes, les modèles ont été perfectionnés en introduisant des seuils de concentration de cendres qui ont permis aux vols de reprendre plus rapidement tout en assurant la sécurité des passager-ères et du personnel de bord.
«Lors d’une éruption explosive volcanique, des fragments allant de quelques microns à plus de 2 mètres sont éjectés du volcan, explique Eduardo Rossi. Plus les particules sont grosses, plus elles tombent vite et près du volcan, ce qui réduit la concentration de cendres dans l’atmosphère. À partir de 2 milligrammes par mètre cube, les compagnies aériennes doivent avoir un dossier de sécurité approuvé pour fonctionner.»

 

Sédimentation prématurée

Les modèles en question restent cependant incapables de décrire toutes les observations réalisées sur le terrain. Après l’éruption d’Eyjafjallajökull en 2010, les volcanologues ont ainsi remarqué, grâce à du papier adhésif permettant de collecter les cendres avant qu’elles ne touchent le sol, que les particules micrométriques se regroupent en clusters plus gros qui sont ensuite détruits lors de l’impact avec le sol.
«Ce phénomène provoque ce qu’on appelle une sédimentation prématurée, note Eduardo Rossi. Une fois assemblées en agrégats, ces particules micrométriques tombent beaucoup plus vite et plus près du volcan que les modèles ne le prédisent car elles sont finalement plus lourdes que si elles tombaient individuellement.»

 

Particules trop grandes

À l’inverse, des études ont fait état de la découverte de particules de cendres volcaniques beaucoup plus grandes que prévu au Royaume-Uni. Pour en savoir plus sur cette question, l’équipe de scientifiques, menée par Costanza Bonadonna, professeure au Département de la Terre, a analysé avec précision les particules de cendres du volcan Sakurajima au Japon, qui connaît deux ou trois éruptions par jour depuis plus de cinquante ans. À l’aide d’une caméra à haute vitesse, les volcanologues ont observé la sédimentation des cendres en temps réel et ont découvert des agrégats auparavant invisibles. Ces cored clusters, comme ils sont appelés, sont formés d’un noyau relativement lourd entouré d’une couche de particules plus fines, responsables de l’effet de rafting.
«En collaboration avec Frances Beckett du UK Met Office, nous avons réalisé plusieurs simulations qui nous ont permis de répondre aux questions soulevées par l’éruption de l’Eyjafjallajökull et la découverte inexpliquée de ces particules de cendres surdimensionnées au Royaume-Uni, s’enthousiasme Eduardo Rossi. Nous avons pu montrer que c’est l’effet de rafting qui a retardé la chute de ces agrégats.»
Il s’agit désormais de collecter les paramètres physiques plus précis (taille, densité…) des particules pour qu’un jour ces données puissent être intégrées dans les modèles opérationnels des VAAC.

 

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