14 avril 2021 - Anton Vos

 

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Neutralité carbone dans trente ans: encore un effort

Chargés d’élaborer des réponses au défi visant à atteindre la neutralité carbone en 2050, les Centres de compétence suisses en recherche énergétique sont récemment arrivés à la fin de leur mandat. Bilan avec un des responsables du programme, Martin Patel, professeur à la Faculté des sciences.

 

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Illustration du défi relevé par les SCCER pour parvenir à la neutralité carbone d'ici 2050.
Image: SCCER FEEB&D

Les Centres de compétence suisses en recherche énergétique (SCCER pour Swiss Competence Centers for Energy Research) viennent d’achever leur mandat fin 2020 après huit ans de travaux visant à élaborer des réponses aux défis techniques, économiques, sociaux et politiques spectaculaires posés par la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération. Dotés d’un financement total de 194 millions de francs et forts de la contribution de plus de 1300 chercheurs et chercheuses par an en moyenne, ces centres ont couvert tout l’éventail de la chaîne d’innovation dans le domaine de l’énergie: de la recherche fondamentale aux questions juridiques, réglementaires et comportementales, en passant par la recherche appliquée et le développement. Au nombre de huit, les SCCER se sont plus spécifiquement intéressés aux bâtiments et quartiers à haut rendement énergétique, à l’efficacité des processus industriels, à l’infrastructure électrique, au stockage de la chaleur et de l’électricité, à l’approvisionnement en électricité, à la recherche sur l’énergie, la société et la transition, à la mobilité et à la biomasse. L’Université de Genève a été très impliquée dans ces programmes avec, entre autres, Martin Patel, professeur à l’Institut des sciences de l’environnement (Faculté des sciences) et vice-responsable du centre dédié aux bâtiments et quartiers à haut rendement énergétique. Entretien.

 

LeJournal: Avez-vous trouvé la solution pour que la Suisse puisse parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050, qui est l’objectif fixé en 2019 par le Conseil fédéral?
Martin Patel: Non, pas la solution parce qu’il existe beaucoup de pistes alternatives mais nous en avons développé quelques-unes et nous avons élaboré des outils qui pourraient aider les acteurs (pouvoirs publics, industriels, scientifiques, etc.) à atteindre ce but. Les chercheurs et les chercheuses des SCCER ont surtout planché sur les aspects techniques et économiques de cette transition énergétique qui s’est d’ailleurs considérablement accélérée en cours de route. En effet, au début du programme, en 2013, il n’était encore question que de diviser par trois les émissions de gaz carbonique issues des bâtiments d’ici à 2050 alors qu’aujourd’hui, il faut atteindre la neutralité. Quoiqu’il en soit, les défis sont nombreux et très importants. Les scientifiques ont été mobilisés dans leurs domaines de compétences mais la mise en place des SCCER a également représenté une opportunité exceptionnelle de créer un réseau au niveau national non seulement au sein de la communauté académique mais aussi avec les industriels et les acteurs gouvernementaux. Faire connaître son travail et découvrir celui des collègues actifs dans les mêmes domaines était une demande très forte des chercheurs. C’est aussi une condition indispensable pour faire avancer la science.

Concrètement, qu’avez-vous obtenu comme résultat dans le centre que vous codirigez?
Nous avons essentiellement réalisé des modélisations. Il a fallu intégrer tous les paramètres entrant en ligne de compte lorsqu’on cherche à diminuer la consommation d’un bâtiment. Il faut connaître la tarification de l’énergie, toutes les solutions de production d’énergie qui sont localement à disposition (tout le territoire ne peut pas être connecté à un système de chaleur à distance, par exemple), les techniques d’isolation adéquates, le contexte de la demande en énergie, les aspects esthétiques et architecturaux, les comportements des habitants, etc. À partir de là, nous cherchons les combinaisons optimales pour parvenir à diminuer la consommation d’énergie qui seraient en accord avec les objectifs fixés par la Confédération. Nous avons notamment développé une carte de la Suisse avec une résolution de 200 mètres qui permet de faire ce genre d’analyse de l’échelle du pays à celle du quartier. Ces cartes nous disent pour chaque canton, par exemple, ce qu’il faut faire où au cours de la première décennie à venir, au cours de la deuxième, puis de la troisième (qui est aussi la dernière). On se rend immédiatement compte que l’on ne peut pas attendre la fin de vie des immeubles pour en construire de nouveaux plus efficients du point de vue de l’énergie. On devra plus vraisemblablement réaliser des rénovations relativement importantes même dans des immeubles qui n’ont que trente à quarante ans.

Connaissez-vous tous les paramètres du problème?
Non, il y a encore des lacunes. Par exemple, nous ne savons pas quelle sera l’efficacité ni le coût des batteries ou de toute autre forme de stockage d’électricité dans le futur car ces éléments, indispensables à la gestion des énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien, vivent actuellement une phase de développement rapide. Nous ne savons pas non plus quel sera le véritable apport de la géothermie au chauffage des bâtiments. Les recherches sont en cours dans ce domaine et elles font d’ailleurs l’objet d’une synergie exceptionnelle entre l’équipe d’Andrea Moscariello, professeur au Département des sciences de la Terre (Faculté des sciences) et les Services industriels de Genève au sein du SCCER dédié à l’approvisionnement en électricité. Par ailleurs, le domaine évolue sans cesse et parfois très vite. La ville de Zurich a, par exemple, récemment décidé d’abandonner son réseau de gaz naturel et de le remplacer par des solutions basées sur des énergies renouvelables. À Genève, il existe également des plans très ambitieux pour les réseaux thermiques (avec le projet Genilac notamment, qui fonctionne avec l’eau du lac Léman et de l’électricité 100% renouvelable). Personne ne s’attendait à ce que les choses aillent si vite.

Est-ce que les SCCER ont permis à l’Université de Genève de développer ce secteur d’activité au sein de ses facultés?
Oui. En particulier, deux postes de professeur ont été créés. Matteo Lupi a ainsi été nommé professeur assistant au Département des sciences de la Terre (Faculté des sciences) en 2015 et a été titularisé en 2020. Il travaille notamment dans le domaine de la géothermie. Tobias Brosch a, quant à lui, été nommé professeur associé en 2018 à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation. Sa spécialité est la recherche sur les décisions et les comportements durables. Cela porte à dix le nombre de professeur-es actifs/ves dans le domaine de la transition énergétique.

Quelle est la suite, maintenant que les SCCER sont terminés?
Le Conseil fédéral souhaite assurer un suivi sans faille des SCCER et a transmis en février 2020 le message relatif au nouveau programme de recherche énergétique baptisé Sweet (Swiss Energy Research for the Energy Transition) au Parlement pour approbation. Prévu pour une durée de douze ans, de 2021 à 2032, le projet, dans lequel nous sommes déjà fortement impliqués, doit utiliser les compétences et les capacités qui ont été développées dans les SCCER pour poursuivre la recherche dans une optique plus opérationnelle.

 

 

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