24 juin 2021 - Jacques Erard

 

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Les droits des LGBTI
en allemand

En réponse au succès de la brochure de la Law Clinic de l’UNIGE sur les droits des personnes LGBTI et à la demande des villes de Berne et de Zurich, une version allemande de ce guide juridique destiné aux personnes concernées, aux associations et au grand public vient d’être publiée.

 

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Photo: DR


En 2018, la Law Clinic de l’Université de Genève publiait la brochure Les droits des personnes LGBT. Basé sur les recherches juridiques d’une trentaine d’étudiant-es de master sous la supervision de la professeure Maya Hertig Randall et des docteures Djemila Carron, Camille Vallier et Nesa Zimmermann, ce document visait à répondre à des questions très pratiques que se posent régulièrement les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans et intersexes (LGBTI): comment agir contre des actes hostiles envers mon identité et mes préférences sexuelles? Comment dissoudre mon partenariat enregistré? Quelles sont les obligations d’une école envers un enfant trans et ses parents?

Depuis lors, le succès de la brochure ne se dément pas et a fait tache d’huile à travers la Suisse. À la suite d’une collaboration avec la Ville de Genève, les villes de Berne et de Zurich ont manifesté leur intérêt pour cette démarche, tant et si bien qu’une version allemande et actualisée de la brochure a été publiée le 16 juin dernier (Was gilt – meine Rechte als LGBTI-Person), en collaboration avec les services de l’égalité des Villes de Berne et de Zurich. Explications avec Nesa Zimmermann.

 

Le Journal: Comment expliquez-vous le succès de cette brochure?
Nesa Zimmermann: Elle apporte des réponses à des questions qui ont beaucoup mobilisé ces dernières années. Et ce ne sont plus uniquement les milieux associatifs qui les portent sur le devant de la scène. Nous avons été invité-es à effectuer des formations et à diffuser de l’information auprès des milieux concernés. Des familles arc-en-ciel se demandent par exemple quels sont leurs droits dans le cadre de la nouvelle législation sur l’adoption. Depuis quelque temps, des institutions comme la Ville et le Canton de Genève se sont, par ailleurs, beaucoup profilée sur ce sujet et un vrai débat public s’est instauré autour de ces questions.

 

nesa-zimmermann.jpgNesa Zimmermann. Photo: DR

 

Quelle forme prend ce débat?
Il a lieu dans toute la société, mais aussi dans des écoles et des universités. Nous avons par exemple collaboré avec l’Université de la Suisse italienne (USI) pour une première version italienne de la brochure ou donné des conférences adressées à des directions d’écoles ou à des enseignant-es. Ces institutions perçoivent la nécessité d’adapter leur cadre réglementaire, sans toujours très bien savoir comment s’y prendre. Le travail de recherche et de vulgarisation effectué au sein de la Law Clinic apporte des éléments de réponse. Nous avons par exemple appris que des médecins des HUG consultent la brochure. Par ailleurs, la votation du 26 septembre prochain sur le projet de loi de «mariage pour toutes et tous» va donner une dimension nationale au débat sur les droits des LGBTI.

Quels sont les enjeux de cette votation?
Le projet est issu d’une initiative parlementaire. Les député-es se sont dans un premier temps demandé si l’élargissement du droit du mariage aux couples LGBTI nécessitait une modification de la Constitution, qui garantit un droit au mariage pour toute personne adulte, même si ce droit a été traditionnellement interprété comme l’union d’un homme et d’une femme. De l’avis d’une majorité de parlementaires et de juristes cela ne s’est pas avéré nécessaire. Puis il a été question de savoir s’il fallait ouvrir le mariage tel qu’il existe actuellement à tout le monde ou s’il fallait opérer des différenciations. Les couples de même sexe peuvent-ils ou non avoir accès à la procréation médicalement assistée (PMA)? La majorité s’est finalement prononcée en faveur d’un accès à la PMA, et notamment au don de sperme. À cette nuance près que les couples de femmes devront, pour bénéficier de la double filiation à la naissance, fournir la preuve qu’elles se sont adressées à des banques de sperme en Suisse, ce qui demeure problématique.

Pour quelle raison?
Cela introduit une forme de différenciation. Lorsqu’un enfant naît au sein d’un couple hétérosexuel, personne ne demande comment la femme est tombée enceinte.

Au-delà de la question du mariage, les droits des personnes LGBTI ont-ils évolué depuis 2018?
Oui, c’est le cas notamment en matière de changement de genre légal. La version allemande de la brochure tient d’ailleurs compte de cette évolution. Jusqu’à récemment, une personne souhaitant faire reconnaître son changement de genre légal devait obtenir l’aval d’un tribunal. La lourdeur de ces procédures a été dénoncée par la Cour européenne des droits de l’homme comme par les milieux intéressés, ce qui a amené le Parlement à simplifier la procédure. Avec le nouveau droit, une déclaration de volonté à l’état civil suffit.

Le droit évolue, mais la société est-elle prête à accepter ces changements?
C’est l’éternelle question de savoir si le droit change les mentalités ou si c’est l’inverse. Dans le cas présent, je pense que la vérité se situe entre les deux. Les sondages indiquent qu’une large majorité de la population suisse est favorable au mariage pour toutes et tous. Toutefois, lorsqu’on entre dans le détail, certains sujets, comme l’accès à la PMA, suscitent la controverse. Dès lors qu’elles font l’objet de débats publics – ce à quoi nous participons à travers notre démarche – ces questions polarisent, c’est inévitable. Parallèlement, on observe des évolutions rapides au niveau des pratiques administratives, par exemple en ce qui concerne l’utilisation du prénom d’usage. Ainsi, il est de plus en plus admis qu’une personne puisse utiliser un prénom et un pronom correspondant à son identité de genre sans avoir mené de démarches auprès de l’état civil. Si l’utilisation du prénom et du pronom d’usage sur des documents comme les listes de classe, cartes d’étudiant-es ou e-mail institutionnels correspond à un véritable droit fondamental, différents obstacles administratifs ont existé par le passé. Or ce droit est de plus en plus reconnu, certaines écoles ou universités ayant modifié ces dernières années leur règlement pour tenir compte de ces demandes.


> Télécharger la brochure, en version allemande et en version française

 

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