12 mars 2021 - Anton Vos

 

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Le squelette du «Plasmodium» contient un «os» insoupçonné

La technique de microscopie dite à expansion a permis de découvrir dans le parasite responsable de la malaria une structure interne restée jusque-là invisible: le conoïde. Ce filament en forme d’anneau que l’on pensait absent de cette espèce pourrait être impliqué dans le processus d’infection.

 

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Le parasite Plasmodium observé par microscopie à expansion. Le cytosquelette de l’agent pathogène est visible grâce au marquage fluorescent de la tubuline qui le compose. Le conoïde est l’anneau à l’extrémité supérieure de la cellule. © UNIGE/HAMEL

Une équipe menée par Virginie Hamel, chercheuse au Département de biologie cellulaire (Faculté des sciences), a réussi à «gonfler» des spécimens de parasites de la malaria (Plasmodium) de façon à pouvoir étudier leur cytosquelette avec une précision inédite. Cette technique très récente, appelée microscopie à expansion, a permis de découvrir une structure en forme d’anneau située à l’extrémité de la cellule: le conoïde. Considéré comme absent jusque-là chez l’agent responsable du paludisme, cet élément joue pourtant un rôle essentiel dans la motilité et la mécanique de l’invasion de cellules hôtes chez la plupart des autres parasites du groupe des apicomplexes dont fait partie le Plasmodium. Cette découverte, publiée le 11 mars dans la revue PLoS Biology, ouvre donc un nouveau champ de recherche dans la lutte contre cet unicellulaire mortel, responsable de plus de 200 millions d’infections et de plus de 400 000 décès dans le monde chaque année.

 

Cycle de vie complexe Le cycle de vie du Plasmodium est complexe, comprenant notamment l’infection de deux hôtes différents, le moustique anophèle et l’être humain, ainsi qu’une phase de reproduction sexuée et une autre asexuée. À chaque nouveau stade de son existence, le parasite change de forme, ce qui implique des réorganisations importantes de son squelette ou plutôt de son cytosquelette. Celui-ci est composé d’un réseau de filaments d’actine ou de tubuline qui assure une certaine rigidité à la cellule tout en lui permettant de se déformer, notamment pour se déplacer et pour traverser les barrières membranaires des cellules de ses hôtes successifs.
Étant donné que la taille du Plasmodium est 50 fois inférieure à celle d’une cellule humaine, la visualisation de son cytosquelette a longtemps représenté un défi technologique. Les techniques habituelles de microscopie ne parvenant pas à une résolution suffisante pour distinguer convenablement les différentes structures internes du parasite.

 

Échantillons «gonflés»

Présentée pour la première fois en 2015, la microscopie à expansion est une technique qui permet d’agrandir physiquement plus de quatre fois un échantillon biologique avant de l’étudier au microscope à fluorescence. Le protocole (Ultrastructure expansion microscopy), perfectionné par le groupe de Genève, commence par l'injection dans la cellule d'un hydrogel qui va «ancrer» ou «accrocher» les structures biologiques que l’on veut étudier. Cet hydrogel est ensuite polymérisé avant d'être chauffé à environ 100°C ce qui a pour résultat de dissoudre les interactions biologiques, notamment celles qui tiennent les protéines ensemble. Le gel est alors plongé dans de l’eau pure afin de le dilater de manière égale dans toutes les directions. Enfin, l’échantillon biologique ainsi agrandi est marqué par des composés fluorescents qui vont s'accrocher aux molécules d’intérêt et les rendre visibles.
Les scientifiques ont préparé des échantillons «gonflés» du parasite au stade ookinète, c’est-à-dire la forme sous laquelle il envahit le moustique. Cette technique, couplée à des approches de microscopie électronique et de microscopie à super-résolution, a produit des images dévoilant, à la pointe du parasite, une structure formée de tubuline qui n’avait encore jamais été observée chez cette espèce. Pour Virginie Hamel et ses collègues, cette structure s’apparente au conoïde, présent chez les autres parasites du groupe des apicomplexes. Dans le cas du Plasmodium, toutefois, il s’agirait d’une forme divergente et réduite de l’original. Les chercheurs et les chercheuses ignorent encore si ce vestige de conoïde joue effectivement un rôle important dans l’invasion de l’hôte par le parasite.

 

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