13 janvier 2022 - UNIGE

 

Recherche

Les bienfaits insoupçonnés du gras

Souvent évoqué comme le coupable dans l’apparition du diabète de type 2, le gras pourrait être réhabilité. Des scientifiques de l’UNIGE ont en effet montré que les graisses n’aggravent pas forcément la maladie et pourraient même jouer un rôle protecteur.

 gras_J.jpg

 

Retarder le développement du diabète de type 2 grâce à un excès de gras? C’est le mécanisme biologique inattendu qu’ont pu mettre en évidence des travaux dirigés par Pierre Maechler, professeur au Département de physiologie cellulaire et métabolisme et au Centre du diabète de la Faculté de médecine, et parus le 13 janvier dans la revue Diabetologia. Enjeu majeur de santé publique avec près de 10% de la population mondiale atteinte, le diabète de type 2 résulte d’un dysfonctionnement des cellules bêta du pancréas, chargées de sécréter l’insuline. Cette altération perturbe la régulation du taux de sucre dans le sang et peut provoquer de graves complications cardiaques, oculaires et rénales.

 

Dans les années 1970, le gras a été pointé du doigt et le concept de lipotoxicité est apparu: une exposition au gras des cellules bêta serait la source de leur détérioration. Plus récemment, l’excès de sucre a été lui aussi accusé d’endommager les cellules bêta et de favoriser le développement du diabète de type 2. Cependant, si à l’heure actuelle la culpabilité du sucre ne fait plus aucun doute, le rôle du gras dans le dysfonctionnement des cellules bêta reste ambigu. «Pour comprendre les mécanismes cellulaires en jeu, nous avons étudié les adaptations de cellules bêta humaines et murines à des excès de sucre et/ou de gras», explique Pierre Maechler.

Quand le gras prête main forte aux cellules bêta

Les résultats ont eu de quoi surprendre. «Lorsque les cellules sont exposées à la fois à un surplus de sucre et à un surplus de gras, elles stockent le gras en prévision de périodes moins fastes sous forme de gouttelettes, observe Lucie Oberhauser, chercheuse au Département de physiologie cellulaire et métabolisme et première auteure de ces travaux. Or, curieusement, nous avons mis en évidence que ce stock de gras, au lieu d’aggraver la situation, permettait au contraire de restaurer une sécrétion d’insuline proche de la normale. L’adaptation des cellules bêta à certaines graisses contribuerait ainsi à maintenir un taux de sucre normal dans le sang.»

En analysant plus précisément les modifications cellulaires à l’œuvre, l’équipe de recherche s’est aperçue que les gouttelettes de gras ne constituaient pas des réserves statiques mais étaient l’objet d’un cycle dynamique de stockage et de déstockage. C’est grâce aux molécules de gras libérées que les cellules bêta s’adaptent à l’excès de sucre et maintiennent une sécrétion d’insuline proche de la normale. «Cette libération de gras ne pose pas vraiment problème tant que l’organisme les utilise comme source d’énergie, ajoute Pierre Maechler. Pour éviter de développer un diabète, il s’agirait de donner une chance à ce cycle bénéfique d’être actif, par exemple en maintenant une activité physique régulière.» Les scientifiques cherchent maintenant à déterminer par quel mécanisme ce gras libéré stimule la sécrétion d’insuline, avec l’espoir de découvrir un levier thérapeutique permettant de retarder l’apparition du diabète.

 

Recherche