30 mars 2023 - Anton Vos
Un financement pour repenser l'expérimentation animale
Sur les 14 projets sélectionnés pour l’obtention d’un financement par le 3RCC, l’association qui promeut une recherche plus respectueuse de la condition animale, plusieurs sont issus de l’UNIGE. Le choix final est prévu pour mai.
Image: Adobestock
Le Centre de compétences suisse 3R (3RCC), l’association qui promeut au niveau national une recherche plus respectueuse de la condition animale, a réalisé la semaine dernière une présélection de 14 projets scientifiques susceptibles de mériter son financement. Parmi eux, plusieurs sont issus de l’Université de Genève, plus précisément de la Faculté de médecine (lire aussi l’encadré ci-dessous). Les deux ou trois lauréats finaux de ce «Targeted Call 2022», dont les inscriptions ont été clôturées en novembre dernier, se partageront une manne totale de 900’000 francs. Leur désignation doit avoir lieu durant le mois de mai.
Les projets genevois
1) Le projet représenté par Stoyan Tankov, collaborateur scientifique au Département de médecine (Faculté de médecine), a comme objectif le développement de méthodes in vitro robustes et reproductibles permettant de sélectionner les immunothérapies anticancéreuses les plus performantes. L’expérience montre en effet que l’immunothérapie, en l’occurrence dans le domaine du cancer du cerveau, fonctionne presque toujours dans les tests in vitro mais seulement dans une fraction des expériences pratiquées sur les animaux ou dans des essais cliniques. L’échec de cette approche trouve souvent son origine au niveau des sites de la tumeur dits hypoxiques (privés d’oxygène). Stoyan Tankov et son équipe proposent donc de mettre au point des tests préliminaires permettant d’éliminer les thérapies peu efficaces en hypoxie, ce qui entraînerait une diminution du nombre de souris demandées lors des essais précliniques. En normalisant les protocoles de culture en hypoxie, les scientifiques espèrent également fournir des outils aux autres groupes de recherche afin qu’ils réduisent, eux aussi, le nombre de leurs essais sur des animaux.
2) Le projet soutenu par Francis Rousset, maître-assistant au Département de neurosciences cliniques (Faculté de médecine), s’inscrit dans le domaine des neurosciences sensorielles, en particulier celui du système auditif. Il vise au développement d’une plateforme in vitro remplaçant les modèles animaux pour le criblage à haut débit de composés neuroprotecteurs et neurorégénérateurs. Il se trouve que les modèles actuels permettant de mettre au point des thérapies en neurosciences sensorielles sans passer par les animaux sont généralement peu satisfaisants. À l’aide d’une méthode basée sur des progéniteurs neuronaux (c’est-à-dire des cellules souches destinées à se différencier en neurones), Francis Rousset et son équipe proposent un modèle alternatif à l’expérimentation animale. L’idée consiste à développer sur la base de cette approche des essais à haut débit permettant d’identifier des molécules favorisant la neurorégénération, la neurogenèse et la neuroprotection. Ce projet fera l’objet d’une communication intensive afin de promouvoir ce modèle préclinique.
3) Le projet mené par Olivier Preynat-Seauve, privat-docent au Département de médecine (Faculté de médecine), ambitionne de mettre au point une technologie innovante produisant des organoïdes (des structures cellulaires en trois dimensions mimant l’architecture et le fonctionnement d’un organe entier) standardisés de cancer du poumon, un des cancers les plus répandus et les plus agressifs du monde. Les scientifiques font déjà déjà appel à de telles méthodes dans ce domaine pour éviter le recours à l’expérimentation animale. Mais les résultats sont pour l’instant insatisfaisants, avec des taux de réussite plafonnant à 40%. Le groupe d’Olivier Preynat-Seauve a développé, breveté et publié une nouvelle technologie permettant de générer des organoïdes dans des conditions dites d’interface air/liquide dont les performances sont significativement meilleures que les organoïdes produits par des méthodes conventionnelles. Les scientifiques cherchent maintenant à valider de manière complète cette nouvelle technologie capable de réduire le nombre d’animaux requis dans ces expériences (de plus de 13’000 individus par an, selon les auteurs de la demande) et de faire progresser le concept de médecine personnalisée. Ils proposent également de mettre cette technologie à la disposition du monde académique, des clinicien-nes et de l’industrie.