29 février 2024 - UNIGE

 

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Les effets pervers de la décarbonation

Le développement de moyens de production d’énergies renouvelables dans un pays peut avoir un impact, parfois négatif, sur les prix de l’énergie et les émissions de CO2 chez ses voisins.

 

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Centrale thermique de Weisweiler, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. L’électricité carbonée et à bas coûts venue d’Allemagne – de moins en moins dépendante des énergies fossiles – se substitue aux moyens de production plus propres au Royaume Uni et aux Pays-Bas. Image: AdobeStock


Réduire les émissions de gaz à effet de serre dans un pays peut, paradoxalement, les faire croître chez le voisin. C’est ce qui ressort d’une étude à paraître dans le numéro de mars de la revue Energy Economics. Un travail piloté par Elliot Romano, adjoint scientifique au Département F.-A. Forel des sciences de l’environnement et de l’eau (Faculté des sciences), et Martin Rüdisüli, de l’EMPA (Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche). La politique climatique de l’Union européenne prévoit en effet une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) qui exige un déploiement rapide et étendu des moyens de production d’énergies renouvelables (essentiellement l’éolien et le photovoltaïque). Et c’est ce déploiement massif qui entraîne dans certains cas des effets pervers inattendus dans les États voisins.

 

L’étude rappelle que sur un marché de l’électricité fonctionnant selon le mécanisme de l’offre et de la demande, les énergies renouvelables, avec des coûts marginaux nuls ou très bas, sont très compétitives. Ainsi, à mesure qu’elles pénètrent sur un marché, les prix chutent, excluant progressivement les centrales à coûts marginaux élevés, telles que les centrales à combustibles fossiles. Pour compenser, ces dernières peuvent être incitées à proposer leur électricité à des prix avantageux à des pays voisins moins avancés dans les énergies vertes. Ce phénomène tendrait à ralentir la décarbonation dans ces pays et même à augmenter leurs émissions de CO2 indirectes.

Ainsi, comme le montre l’étude, le déploiement grandissant des énergies bas carbone en France, notamment, renforce les exportations d’électricité vers la Suisse, à des prix particulièrement attractifs. Avantageuse pour les consommateurs et les consommatrices, cette dynamique l’est beaucoup moins pour la transition énergétique: les prix moins élevés sur le marché suisse dissuadent en effet les investisseurs et investisseuses de se lancer dans les énergies renouvelables.

Un phénomène similaire s’observe au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, où l’électricité carbonée et à bas coûts venue d’Allemagne – un pays de moins en moins dépendant des énergies fossiles – se substitue aux moyens de production plus propres.

Cette analyse des répercussions transfrontalières, portant sur l’ensemble des pays européens, est l’une des premières études de ce type. Elle fournit des informations clés pour l’élaboration et l’harmonisation des politiques de décarbonation à l’échelle de l’Europe.

 

 

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