20 mars 2025 -Anton Vos

 

Recherche

Le magma du Colli Albani est plein de gaz et imprévisible

L’étude de cristaux provenant du réservoir du volcan romain montre que son magma, bien que peu visqueux, contenait beaucoup de gaz. Ce qui explique l’éruption explosive très violente d’il y a 355’000 ans.

 


Le volcan Colli Albani, à 20 km seulement de Rome, se repose mais il n’est pas mort. Sa dernière éruption majeure a eu lieu il y a 355’000 ans et était explosive. Aujourd’hui, il continue à dégazer discrètement du CO2 tout en laissant échapper d’importantes quantités de chaleur. Connaissant le potentiel destructeur de cette montagne et la densité de la population environnante – la capitale italienne est construite sur les effluves solidifiés du volcan –, les volcanologues cherchent naturellement à prévoir, au mieux, les signes précurseurs de ses futures humeurs et, en particulier, ceux de l’inévitable prochain accès de violence. Cette tâche, dans le cas du Colli Albani, s’avère toutefois particulièrement difficile, tant les prédictions des modèles théoriques des scientifiques, basées sur l’analyse de la composition du magma, ne s’accordent pas avec la réalité des éruptions passées, révélée par les archives géologiques. Dans un article paru dans le numéro de mars du Journal of Petrology, une équipe internationale dirigée par Luca Caricchi, professeur au Département des sciences de la Terre (Faculté des sciences), apporte néanmoins de nouvelles informations, tirées de l’étude de cristaux formés dans la chambre magmatique et éjectés durant la dernière éruption. Celles-ci éclairent les circonstances de la dernière éruption du Colli Albani et pourraient aider à affiner les modèles théoriques.

 

Le problème du volcan romain, c’est qu’il cache bien son jeu. De manière générale, le magma des volcans contient toujours des substances volatiles, essentiellement de l’eau et du dioxyde de carbone. Lorsque cette roche en fusion remonte vers la surface, elle libère ces substances volatiles, un peu comme les bulles qui apparaissent quand on ouvre une bouteille de soda. Les conséquences de ce phénomène varient selon les conditions. Plus le magma est visqueux, par exemple, plus il est difficile pour le gaz de s’échapper. Dans ce cas, la rétention de gaz entraîne une augmentation progressive de la pression et conduit à de violentes éruptions explosives.

160ColliAlbani-1200.jpg

Le Colli Albani, situé sous ce lac à 20km de Rome, a connu des éruptions majeures. La dernière il y a 355 000 ans. Image: Alessandro Musu


Il se trouve toutefois que le Colli Albani ne présente pas ce risque. Son magma est peu visqueux. Ce qui fait que les modèles théoriques ne lui prédisent que des éruptions effusives de faible intensité. Comment expliquer, dès lors, qu’il ait produit, au cours de son histoire, de violentes éruptions explosives et en particulier la dernière, qui a projeté pas moins de 30 km³ – ce qui est énorme – de cendres brûlantes et de roches en fusion dans l’atmosphère?
Pour en savoir plus, les scientifiques ont analysé des «inclusions magmatiques», c’est-à-dire de minuscules gouttelettes de magma d’un centième de millimètre, piégées dans des cristaux avant l’explosion puis dispersées dans l’environnement au cours de l’éruption. Ces inclusions contiennent des indices sur la chimie du magma, sa teneur en eau et en dioxyde de carbone ainsi que sur sa température et sa pression.
Au total, 35 cristaux contenant 2000 inclusions ont été étudiés à l’aide de l’accélérateur de particules Petra III au DESY (Deutsches Elektronen-Synchrotron) à Hambourg. Cet instrument, qui génère des rayons X intenses pour étudier la matière à l’échelle nanométrique, a permis d’obtenir des images 3D haute résolution des inclusions.
L’une des principales découvertes permises par ce procédé est la présence dans les inclusions de nombreuses bulles d’eau et de dioxyde de carbone relativement grosses. Cela signifie qu’au moment où ces bulles sont piégées dans les cristaux en formation, c’est-à-dire avant l’éruption, le magma du Colli Albani contient déjà d’importantes quantités de gaz, une particularité qui le rend très compressible. Quand du magma supplémentaire venu des profondeurs s’ajoute rapidement (à cause de sa faible viscosité) dans le réservoir, le magma préexistant est comprimé comme une éponge pleine de gaz. Ce phénomène est particulièrement traître dans la mesure où il ne se manifeste pas immédiatement par une élévation visible de la surface. Le magma se dilate ensuite subitement au début de l’éruption, expliquant le comportement inattendu et hautement explosif du Colli Albani.
Selon les scientifiques, ces résultats et cette approche, applicable à d’autres volcans, permettront de mieux comprendre le stockage du magma et son dégazage tout en renforçant la prévention des risques.

 

 

 

Recherche