La pétition, adressée à l’Assemblée fédérale et lancée par un large collectif regroupant de nombreuses associations du corps intermédiaire – pour l’UNIGE l’AGRASS (Sciences de la société), l’ACERSE (Sciences de l’éducation), l’ACIL (Lettres), l’ACERT (Théologie) et l’association commune ACCORDER –, compte déjà près de 4600 signatures à l’heure de la mise en ligne de cet article. Pour ACCORDER, il importe de briser le silence autour de cette situation et de rendre visible la problématique. «Ces conditions de travail précaires génèrent énormément de souffrances, explique l’une des représentantes de l’association. Elles exigent d’importants sacrifices pour les chercheurs/euses qui doivent choisir entre leur famille et leur carrière académique. Les obligations de mobilité ont, par exemple, d’énormes implications sur la vie privée. Nous aimerions qu’on nous explique en quoi ces épreuves sont nécessaires à la recherche.»
Brigitte Galliot précise, de son côté, que les contrats à durée déterminée des chercheurs/euses en formation et en début de carrière (doctorant-es, postdoctorant-es) sont la norme: «Les doctorant-es, par exemple, sont destiné-es à quitter l’Université à l’issue de leur formation. Celle-ci leur ouvre la voie au postdoctorat en milieu académique ou non académique, mais aussi à d’autres types d’engagements universitaires qui sont, quant à eux, compatibles avec une vie professionnelle stable – l’administration de l’enseignement ou de la recherche, la communication scientifique, la gestion de programmes de recherche, etc. – et également vers de nombreuses carrières non universitaires. Les postdoctorant-es, pour leur part, travaillent souvent comme des folles /fous, parce qu’elles et ils sont passionné-es par leurs travaux et espèrent pouvoir avancer vers une carrière de chercheur-euse indépendant-e. Lorsqu’elles et ils ne peuvent prétendre ou accéder à une carrière professorale localement, nous avons le devoir de leur expliquer qu’il leur faudra chercher du travail ailleurs après quelques années ainsi que de les accompagner dans cette démarche.»
Il importe aussi de changer certaines pratiques et d'instaurer des règles de management pour ne pas maintenir les gens dans l’incertitude, estime la vice-rectrice. «Cette tâche incombe à toutes/tous les responsables hiérarchiques. Pour les personnes qui sont à un stade plus avancé de leur carrière, il est vrai que cette précarité est très problématique, en particulier lorsqu’un contrat à 80% ou 100% ne permet pas l’accès à un poste stable à l’Université, qu’il soit académique, administratif ou de soutien scientifique. Cela dit, il est aussi acceptable de passer un certain nombre d’années au sein de l’Université puis d’évoluer vers un autre univers professionnel. Ce changement sera mieux admis s’il est mieux anticipé.»
Plusieurs pistes sont aujourd’hui envisagées par le Rectorat pour améliorer la situation: développer très tôt les réflexions sur le type de carrière visée en dotant les doctorant-es et postdoctorant-es de compétences professionnelles leur permettant d’accéder à des postes non universitaires; mettre en place des forums de carrière et des programmes de mentorat pour les postdoctorant-es; valoriser les carrières universitaires non académiques (administration, gestion de programmes, direction de centres, etc.) qui nécessitent une expérience de recherche poussée et où les postes sont stables; imaginer et créer de nouveaux postes stabilisés, de type MER, liés à l’organisation de l’enseignement ou de la recherche; aider les chercheurs et chercheuses engagé-es sur des contrats juste en dessous de 50% à améliorer leurs performances académiques en complétant leur contrat jusqu’à 50% afin qu’elles et ils puissent accéder au système de financement de leur recherche par le FNS, ou encore mettre sur pied une commission de carrière qui évalue leurs chances sur une durée de cinq ans.
Quant à l’association ACCORDER, elle précise: «L’idée que la compétition favorise la qualité de la recherche est largement répandue, pourtant cela n’a jamais été démontré. En réalité, les chercheurs/euses consacrent aujourd’hui une bonne partie de leur temps à solliciter des financements plutôt qu’à leurs travaux scientifiques. Cela les conduit à faire des choix stratégiques bénéfiques à court terme, alors que la recherche exige de la durée. Si l’on comprend bien que les enveloppes budgétaires soient limitées, elles peuvent tout à fait être réparties différemment.Tout est question de choix: favoriser la concentration des ressources autour des professeur-es et cultiver un environnement où la compétition règne en maître ou construire une communauté où les gens travaillent là où ils habitent, avec des salaires équivalents et sans qu’une partie du personnel soit en souffrance. Pour nous, la qualité de la connaissance produite sera d’autant meilleure si celles et ceux qui l’élaborent peuvent le faire dans de bonnes conditions.»