27 mars 2025 - UNIGE

 

Vie de l'UNIGE

L’université, un acteur au cœur du débat public?

Présidé par Frédéric Esposito, le Comité scientifique sur le rôle des universités dans le débat public a publié son rapport. Un «town hall meeting» se tiendra le 8 avril à 18h30 à Uni Dufour afin que la communauté universitaire et le grand public puissent débattre du sujet.


 

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Frédéric Esposito, président du Comité scientifique et directeur du Bachelor en relations internationales. Image: UNIGE

 

En mai 2024, la mobilisation étudiante en soutien à la Palestine, née sur les campus américains, a gagné les universités européennes et le hall d’Uni Mail est occupé par un collectif, la Coordination étudiante pour la Palestine (CEP-UNIGE). Parmi ses revendications principales figurait la volonté que les universités prennent position sur le conflit, comme elles avaient été incitées à le faire par le passé sur d’autres crises, qu’il s’agisse de conflits armés, de l’urgence climatique ou de transformations sociétales.

 

C’est dans ce contexte que le Rectorat a créé, en mai 2024, un Comité scientifique composé de représentantes et représentants de la communauté universitaire ainsi que des membres externes. Il lui a confié la mission d’élaborer un rapport sur le rôle des universités dans le débat public.

Si la situation au Moyen-Orient a nourri les réflexions du Comité scientifique, son mandat dépassait la seule question des conflits géopolitiques. Il s’agissait d’interroger la place de l’université face aux crises contemporaines, qu’elles soient politiques, technologiques ou sociétales. «L’objectif de notre démarche, avec ce comité, consiste à définir des outils susceptibles de préserver un espace de débat et de libre expression dans le respect des opinions de chacun-e, qui est le propre de nos institutions académiques», détaille Frédéric Esposito, président du Comité scientifique et directeur du Bachelor en relations internationales.

Le Comité scientifique a remis son rapport final fin février (lire encadré), apportant des éclairages essentiels à cette réflexion. Le Rectorat a choisi de le rendre public et de le soumettre à consultation auprès des organes représentatifs de l’institution et du Comité d’éthique et de déontologie. Par ailleurs, la communauté universitaire, tout comme la société civile, est invitée à en débattre lors d’un town hall meeting le mardi 8 avril à 18h30, à Uni Dufour. L’événement sera l’occasion de présenter les principaux éléments du rapport issu de cette réflexion et d’en exposer le contexte et le processus d’élaboration.

À l’issue de ces consultations, le Rectorat prendra officiellement position sur ces deux questions le 24 avril prochain.


Lire aussi:

«La liberté d’expression n'est pas un incendie à éteindre, mais une flamme à entretenir», Le Journal de l’UNIGE, 16 mai 2024

Une soirée pour interroger le rôle de l’UNIGE dans la cité, Le Journal de l’UNIGE, 11 septembre 2024

L’UNIVERSITÉ, UN ACTEUR AU CŒUR DU DÉBAT PUBLIC?

Town hall meeting

Mardi 8 avril 2025 | 18h30 | Uni Dufour, U600

Les conclusions du rapport

Le Comité scientifique composé de 12 membres a articulé ses travaux autour de deux questions principales, selon le mandat confié par le Rectorat:

  • Les universités peuvent-elles se positionner dans le débat public et notamment sur des thématiques politiques ou des sujets clivants pour leur communauté (conflits armés, enjeux climatiques, certaines questions de société)?
  • Les universités peuvent-elles suspendre ou interrompre des accords de collaboration et des partenariats scientifiques auxquels elles sont parties en se fondant sur des motifs qui reposent sur des considérations politiques ou en lien avec des sujets clivants pour leur communauté?

Son rapport a été approuvé à l’unanimité moins une abstention, au terme de 11 séances durant lesquelles il a auditionné 12 personnes issues du monde académique suisse et européen, des étudiantes et étudiants et des collaborateurs et collaboratrices de l’UNIGE. Deux grands principes s’en détachent: celui d’une réserve institutionnelle et celui de la promotion et de la défense de la liberté académique et de la liberté d’expression.
 
Réserve institutionnelle pour l’UNIGE
Le Comité scientifique défend l’idée d’une réserve institutionnelle pour les autorités universitaires qui ne se prononcent pas sur des questions de politique suisse et internationale, sauf si celles-ci affectent directement les missions de l’université, de l’enseignement et de la recherche.
 
Les conflits géopolitiques comme les enjeux de société sont la résultante d’un enchevêtrement de facteurs et de données qu’il est parfois difficile d’analyser sans tomber dans la simplification, rendant d’autant plus complexe la définition de critères qui peuvent servir de guides pour définir une position institutionnelle. En revanche, ces questions doivent pouvoir être vigoureusement débattues et analysées au sein de l’université.
 
Promotion et défense de la liberté académique et de la liberté d’expression
La liberté académique est un principe inscrit dans la législation nationale et cantonale et dans de nombreuses déclarations et conventions internationales, telles que la Déclaration universelle des droits de l’homme ou la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Elle est essentielle pour permettre une recherche indépendante, un enseignement critique et une réflexion libre comme le rappelle également la Charte d’éthique et de déontologie des hautes écoles universitaires et spécialisées de Genève. Elle est malheureusement en recul. Selon l’Academic Freedom Index, une personne sur deux vivait dans une zone de «liberté académique» en 2006; cette proportion est aujourd’hui tombée à une sur trois.
 
Le Comité scientifique rappelle la nécessité pour les autorités universitaires de soutenir sa communauté de chercheuses et de chercheurs et celle de ses institutions partenaires lorsque cette liberté est menacée, que ce soit dans les auditoires, dans les travaux publiés et sur le terrain.
 
De la même façon, la liberté d’expression à l’université est un principe fondamental des systèmes éducatifs démocratiques qui permet à tous les membres de la communauté académique de défendre librement leurs opinions, leurs idées et leurs recherches. Selon le cadre européen, il en découle à la fois une obligation négative – consistant à ne pas limiter indûment ou censurer des propos – et une obligation positive – qui implique pour les États de créer un environnement favorable à la participation de toutes et tous aux débats publics.
 
Dans un contexte de polarisation politique, de montée des discours de haine et de sensibilisation accrue aux questions de discrimination et d’inclusivité, le Comité scientifique souligne le besoin d’en rappeler les limites. Ainsi, la Suisse interdit depuis 1995 l’incitation publique à la haine et à la discrimination raciales. L’article 261bis du Code pénal suisse précise explicitement que la liberté d’expression touche dans ces cas-là à ses limites.
 
La suspension ou l’interruption des accords de collaboration et des partenariats scientifiques comptaient parmi les revendications étudiantes. Le Comité scientifique défend leur maintien, car ces accords contribuent à l’idée d’une science ouverte et favorisent l’accès à la connaissance.

 

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