Crédits photo: Quentin Chevrier

Qui est Aperghis ?

Le compositeur Georges Aperghis (né en 1945) est l’une des figures majeures de la création musicale européenne des dernières décennies. 

Ses œuvres, qu’elles soient instrumentales, vocales ou théâtrales, explorent les frontières de la musique et de la parole. Elles bouleversent notre perception des éléments fondamentaux de la communication humaine, tels que le phonème, le geste, ou le phrasé. Campant volontiers des individus isolés dans leur idiome, elles ouvrent pourtant un large espace de dialogue. Profondément expressives, elles sont sans message. Dérangées et dérangeantes, elles font aussi sourire. 

La poétique d’Aperghis, si difficilement rattachable aux grands courants de la musique contemporaine, se caractérise de façon générale par son ouverture à l’autre – tant l’altérité des différentes disciplines artistiques et intellectuelles dont il s’inspire que celle des interprètes et des publics qu’il a impliqués dans son processus créatif depuis les années 1970 ; celle, encore, des machines et des dispositifs technologiques qu’il a placés au cœur de ses spectacles les plus ambitieux depuis le début des années 2000. 

L’activité créatrice, pédagogique et sociale d’Aperghis a été reconnue par des distinctions telles que le prix Mauricio Kagel (2011), le Lion d’Or à la Biennale de Venise (2015), le prix des Frontières de la connaissance (catégorie Musique contemporaine) de la Fondation BBVA (2016), le prix international Ernst von Siemens (2021).

Une recherche à plusieurs facettes

Malgré la présence importante d’Aperghis au concert et au disque à l’échelle internationale, la littérature musicologique est limitée à quelques thèses et ouvrages, souvent datés, notamment Georges Aperghis, le Corps musical (sous la direction d’Antoine Gindt, Arles, Actes Sud, 1990), Les Compositions scéniques de Georges Aperghis : une écriture dramatique de la musique de Daniel Durney (thèse d’habilitation à diriger des recherches, École des hautes études en sciences sociales, 1996) ou encore les volumes consacrés aux spectacles Machinations par Peter Szendy (Paris, Ircam-L’Harmattan, 2001) et Avis de tempête par Célia Houdart (Paris, Intervalles, 2007). Pourquoi cette insuffisance ? D’une part, la musique d’Aperghis ne se prête guère à l’analyse et le compositeur, aussi accueillant soit-il, ne communique pas ses esquisses. D’autre part, les formats usuels du discours musicologique sur le contemporain ne sont peut-être pas les meilleurs pour aborder sa production. 

Depuis le milieu des années 2000, Nicolas Donin expérimente divers dispositifs d’approche de l’œuvre d’Aperghis en dialogue avec le compositeur : navigation multimédia dans les archives d’Avis de tempête (DVD-Rom joint à L’Inouï, revue de l’Ircam, 2005) ; courts-métrages documentaires sur les dimensions collaboratives de la genèse de Dans le mur et Luna Park (co-écrits et réalisés avec Benoît Martin, 2008-2011) ; rencontres publiques (notamment à la Bibliothèque Publique d'Information en 2011 et aux Beaux-Arts de Paris en 2021)  ; livre d'artiste assemblant textes, images et esquisses originales (Paris, Virgile Legrand, 2021) ; entretiens à partir d’images dans l’ouvrage Conversation imagée (Paris, Editions de la Philharmonie, 2022) ; textes plus ou moins énigmatiques sur le silence ; et d'autres réalisations à venir. Il s’agit donc de « mettre en chantier » tout à la fois les connaissances musicologiques existantes sur Aperghis et les modalités de recherche sur/avec un créateur contemporain.