Jean Kaempfer & Filippo Zanghi, © 2003
Section de Français – Université de Lausanne
À l'inverse, l'énonciation de discours proscrit l'utilisation du passé simple et laisse toujours apparaître dans l'énoncé les traces de son énonciation. Il s'agit notamment des marques de la première et de la deuxième personne (je/tu), de certains adverbes spatio-temporels (ici/maintenant), des pronoms possessifs et démonstratifs, des verbes au présent, etc. Toutes ces expressions sont dites déictiques parce qu'elles ne peuvent être interprétées que si l'on remonte de l'énoncé à la situation d'énonciation (deixis), c'est-à-dire à la personne du locuteur, comme à l'espace et au temps qui lui sont contemporains. On ne peut pas comprendre l'énoncé je pars demain
indépendamment de celui qui dit je
et du moment où il le dit.
Or, le discours n'est pas le propre de l'oral. Il apparaît également dans le récit écrit. Il est là dès que le narrateur rapporte la parole des personnages, mais aussi quand il commente les événements. Ainsi, en (4), dans un peu plus riche que ne le permettent en France les lois du goût
, un jugement sociologique normatif est proposé. C'est le présent qui signale cette intrusion du narrateur. Moins nettement, dans une de ces grosses chaînes d'or fabriquées à Gênes
, le démonstratif renvoie lui aussi à la situation de celui qui parle, en l'occurrence à un monde d'objets supposé connu du lecteur.
Edition: Ambroise Barras, 2003-2004