Disciplina Clericalis

IX. Répertoire des exemples

RÉPERTOIRE DES EXEMPLES DE LA DISCIPLINA CLERICALIS

On trouvera ci-dessus une présentation rapide des différents exemples de la Disciplina clericalis. Nous avons repris ici la nomenclature et la numérotation adoptées par l’édition Hilka-Söderhjelm. Les notices sont structurées de la manière suivante (toutes les entrées ne figurent pas nécessairement dans chaque notice) :

No. de l’exemple, titre latin (référence dans Tubach, Index exemplorum, 1969) :

  • Résumé du récit.
  • Remarques sur l’agencement du recueil latin.
  • Remarques concernant les traductions françaises.
  • Autres occurrences du récit, non répertoriées dans Tubach, en particulier en ce qui concerne la littérature française médiévale.

Les nombreux renseignements fournis par l’Index exemplorum de Tubach nous dispensent d’une présentation détaillée des emprunts dont les exemples de la Disciplina clericalis ont fait l’objet. Pour une enquête plus détaillée, on consultera avec profit les ouvrages suivants :

CHAUVIN, Victor, Bibliographie des ouvrages arabes ou relatifs aux arabes, Liège-Leipzig, 1892-1909, 11 fascicules.

LANDAU, Marcus, Die Quelle des Dekameron, Stuttgart, 1884.

SCHWARZBAUM, Haim, « International folklore motifs in Petrus Alphonsi’s Disciplina clericalis », Sefarad XXI (1961), p. 267-300, XXII (1962), p. 17-60 et 321-45, XXIII (1963), p. 54-74.

I. De dimidio amico (Tubach 2216) :

  • Sur la rareté des vrais amis. A son fils qui pense jouir de l’amitié de cent personnes, un arabe répond qu’il n’a, quant à lui, eu dans toute sa vie que la moitié d’un ami. Il lui conseille de mettre à l’épreuve la fidélité de ses prétendus amis en se présentant chez eux porteur d’un sac dans lequel il aura déposé de la viande saignante. Il devra prétendre être l’auteur d’un meurtre et demander de l’aide pour enterrer le cadavre. Le fils reçoit un mauvais accueil partout où il se présente sauf chez la moitié d’ami de son père qui accepte d’enterrer en secret le sac ensanglanté.

II. De integro amico (Tubach 2215) :

  • Une histoire d’amitié parfaite entre deux marchands. L’un renonce à la femme qu’il s’était choisie afin de permettre à son ami qui en est épris de ne pas succomber à sa langueur amoureuse. L’autre sera prêt à offrir sa vie pour sauver son compagnon faussement accusé de meurtre.
  • On retrouve un traitement similaire du thème de l’amitié parfaite dans le roman en vers français Athis et Prophilias. La 8e nouvelle de la 10e journée du Decameron est basée sur l’histoire des deux amis.
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III. De tribus versificatoribus (Tubach 2898 ?) :

  • Récit consacré aux mérites comparés de la vertu et de la noblesse mettant en scène des versificateurs et un roi. Le roi doit juger des talents des hommes de lettres et fait peu de cas de leur ascendance, qu’elle soit noble ou non, en regard de la qualité de leurs vers. Le cas du troisième versificateur, qui se réclame de la noble origine de son oncle maternel entraîne l’hilarité du roi qui raconte l’exemple suivant. On remarquera que le débat à propos de la noblesse prend appui sur la question des mérites d’hommes de plume et non de soldats.

IV. De mulo et vulpe (Tubach 3432) :

  • Un mulet préfère parler de son ascendance maternelle et des mérites du frère de sa mère qui était un cheval de bonne naissance, plutôt que d’avouer que son père était un âne.
  • Le thème de la noblesse a intéressé le traducteur des FPA. Voir Yasmina Foehr-Janssens, en collaboration avec Hélène Bellon-Méguelle et Sophie Schaller Wu, « L’honneur de la clergie dans les Fables de Pierre Alphonse. À propos d'une des traductions françaises de la Disciplina clericalis », in Courtly Literature and Clerical Culture. Littérature courtoise et culture cléricale. Höfische Literatur und Klerikerkultur : Selected papers from the Tenth Triennial Congress of the International Courtly Literature Society (Universität Tübingen, 28. Juli – 3. August 2001), herausgegeben von Ch. Huber und H. Lähnemann (Tübingen, 2002), pp. 149-60.
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V. De homine et serpente (Tubach 4254) :

  • Un homme ayant réchauffé un serpent s’indigne du fait que celui-ci cherche à l’étouffer. Le renard, appelé comme juge de leur querelle, conseille à l’homme de replacer le serpent dans la mauvaise situation dont il l’avait tiré.
  • Comme dans l’exemple précédent, le renard apparaît ici en figure de juge ou de conseiller avisé, l’animal rusé prend ici, de manière tout à fait remarquable, la relève de la figure royale dans cette fonction. Ce sera encore le cas dans l’exemple XXIII, qui nous rapporte une version ancienne de l’histoire du loup et du renard dans le puits (Roman de Renart, branche IV).
  • Les Fables Pierre Aufors identifient le goupil de ces exemples à Renart, le héros de l’épopée animale française.
  • Jacqueline-Lise Genot–Bismuth (Moïse le Séfarade alias Pierre d’Alphonse, la Discipline de clergie = Disciplina clericalis , Saint-Pétersbourg, Paris, 2001) et Haim Schwarzbaum (op. cit., I, p. 297) renvoient à la fable d’Esope intitulée « le laboureur et le serpent gelé ».

VI. De versificatore et gibboso (Tubach 4892) :

  • Un versificateur de grand talent obtient du roi la charge rémunératrice de portier de la ville. Le portier improvisé réclame un denier à tout homme victime d’infirmité ou de maladie. Un bossu refuse d’obtempérer se trouve bientôt dans l’obligation d’en payer cinq au lieu d’un seul, car dans l’altercation qui l’oppose au percepteur de la taxe, il s’avère qu’il est également borgne et qu’il souffre d’impétigo, de la gale ainsi que d’une hernie.

VII. De clerico domum potatorum intrante (Tubach 2431a) :

  • Deux clercs passant devant une taverne entendent un chant délicieux s’en échapper. L’un des deux, attiré par les charmes de la musique, s’attarde dans ces lieux. Bientôt un héraut lancé à la poursuite d’un espion survient. Il arrête l’espion qui avait trouvé refuge dans la taverne, et avec lui tous les occupants du lieu. Il les fait tous exécuter pour complicité.
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VIII. De voce bubone (Tubach 3556) :

  • Récit complexe sur les charmes de la voix qui assure la transition avec la série des contes sur les ruses des femmes qui vont suivre.
  • On retrouve un procédé similaire en ce qui concerne les trois exemples misogynes qui suivent. Les similitudes entre ces récits sont d’ailleurs telles que le ms. P des FPA omet de signaler la césure entre le Xe et le XIe exemple. Jacqueline-Lise Genot Bismuth, (2001) commente ce type d’enchaînement narratif en le rapprochant des caractéristiques de la culture rabbinique (op. cit., p. 240, note 127).
  • Ni les Fables Pierre Aufors ni le Chastoiement d’un père à son fils ne reprennent cet exemple. La transition entre ce récit et le précédent se fait sur le mode de la reprise d’une même situation narrative.

IX. De vindemiatore (Tubach 1943) :

  • Récit célèbre de la femme adultère qui réussit à organiser la fuite de son amant en appliquant un remède sur l’œil valide de son mari borgne sous prétexte de préserver cet œil unique et précieux.
  • Le fait de donner au mari la fonction de vendangeur donne une coloration biblique à ce récit. Voir les références fournies par Jacqueline-Lise Genot-Bismuth, op. cit., p. 245, note 137.
  • Les FPA qualifient ce récit ainsi que les deux suivants de « fabliaux ». Sur ce point voir Yasmina Foehr-Janssens, « Un assemblage nouveau : les histoires sur la ruse des femmes dans la Disciplina clericalis de Pierre Alphonse », à paraître dans « La Circulation des nouvelles au Moyen Age », sous le dir. de Luciano Rossi et Anne Darmstetter, actes de la journée d’études du 24 janvier 2002, Editions dell’Orso (Textes et Etudes).
  • Les Cent Nouvelles nouvelles connaissent et exploitent ce récit dans le cadre de la16e nouvelle.
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X. De lintheo (Tubach 4319) :

  • Récit semblable au précédent dans lequel une toile de lin tendue en travers de la chambre afin d’en faire admirer la facture au mari sert de paravent permettant à l’amant de prendre la fuite sans être vu.
  • Dans la version de Pierre Alphonse, la ruse est surtout le fait de la mère de l’épouse.
  • Le Dit du plisson de Jean de Condé reprend, avec d’autres récits vernaculaires, la même anecdote.

XI. De gladio (Tubach 4692 ?) :

  • L’occasion de ce récit est une nouvelle fois le retour inopiné du mari. Là encore l’épouse réussit à tirer son épingle du jeu avec l’aide de sa mère. Les deux femmes font jouer à l’amant le rôle d’un jeune homme poursuivi par des ennemis qu’elles auraient sauvé d’une mort certaine en l’accueillant et en lui fournissant une épée.
  • Cet acte de générosité est loué par le mari crédule, ce qui ajoute une saveur ironique au récit, de la même manière que dans le récit précédent, le malheureux fait l’éloge des capacités de tisserande de sa belle-mère, laquelle lui répond malicieusement qu’elle n’en est pas à son premier essai.
  • Les versions orientales du Roman des Sept Sages de Rome contiennent cette histoire, bien connue aussi des recueils de nouvelles italiennes (Decameon VII, 6).

XII. De rege et fabulatore suo :

  • Les récits misogynes sont interrompus par un débat entre les locuteurs principaux du recueil, le père et le fils ou le maître et son disciple. Le premier manifeste une certaine réticence à multiplier les exemples de tromperie féminine, alors que le second ne peut se lasser de ces récits. Le maître invoque alors l’exemple d’un roi qui, ne pouvant trouver le sommeil, exigeait de son « fabulateur » qu’il lui raconte des histoires la nuit durant. Excédé, le narrateur professionnel finit par raconter l’histoire suivante :
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XII b. De rustico (Tubach 4310) :

  • Un vilain avait mille brebis qu’il voulait faire passer au-delà d’une rivière. Là-dessus, le jongleur s’endort. Au roi qui réclame la suite, il répond en se réveillant que le transport des mille brebis est appelé à prendre un temps considérable dans la mesure où la barque du passeur est minuscule et la rivière fort large. Il convient donc de se reposer en attendant que le transfert s’effectue. De cette manière le jongleur obtient son repos. Le maître entend s’appuyer sur ce conte pour faire cesser ses propres obligations de narration. Mais le disciple ne l’entend pas de cette oreille. Il argumente en disant que le rapport entre le roi et son fabulateur est d’une toute autre nature que celui qui le lie à son maître et invoque le devoir d’instruction du maître à son égard.
  • Ce récit occupe une place déterminante dans le recueil, dans la mesure où il porte sur le principe et les buts de l’acte de narration. Sur ce point, voir Yasmina Foehr-Janssens, « Un assemblage nouveau », op. cit.

XIII. De canicula lacrimante (Tubach 661) :

  • Un jeune homme est tombé amoureux d’une femme mariée et chaste. Sa passion dégénère en une grave maladie. Il s’en remet aux bons soins d’une vieille femme experte en ruses, mais qui jouit d’une bonne réputation de piété. Celle-ci s’introduit chez la belle accompagnée d’une petite chienne à laquelle elle a pris soin de faire avaler de la moutarde. La dame s’étonne des larmes qu’elle voit couler des yeux de la chienne. La vieille raconte alors qu’il s’agit de sa fille qui expie par cette métamorphose canine sa grande cruauté en amour qui a causé la mort d’un jeune homme. La dame, effrayée par la similarité de sa position, consent à recevoir son amant.
  • Ce récit apparaît dans les versions orientales du Roman des Sept Sages de Rome.

XIV. De puteo (Tubach 5246) :

  • Histoire fort connue de la femme adultère qui, trouvant porte close après une de ses escapades nocturnes, feint de se jeter dans le puits de la cour, provoque par ce moyen la sortie précipitée de son mari, en profite pour se glisser dans la maison et retourne ensuite la situation en sa faveur en refusant de le laisse pénétrer dans la maison et en l’accusant d’infidélité.
  • Le Roman des Sept Sages de Rome inclut lui aussi ce récit, qui figure également dans le Decameron (VII, 4) et qui poursuivra sa carrière sur la scène théâtrale à travers le Georges Dandin de Molière et ses adaptations.
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XV. De decem cofris (Tubach 4969) :

  • La deuxième série de contes misogynes semble avoir définitivement convaincu le disciple de la malignité des femmes. Afin de nuancer son jugement, le maître évoque le modèle de la femme de bien en s’appuyant sur le témoignage des Proverbes de Salomon. L’exemple des dix coffres illustre la bonté des femmes avisées. Un voyageur confie mille talents à un homme de bonne réputation, mais à son retour le dépositaire de la somme refuse de restituer celle-ci. Le voyageur trouve de l’aide auprès d’une vieille femme avisée. Celle-ci simule la visite d’un homme très fortuné désireux de confier dix coffres à l’homme indélicat. Sur ces entrefaites, le voyageur spolié se présente pour réclamer son dû. De peur de rater une affaire plus juteuse que la première, le trompeur rend les mille talents.
  • Le personnage de la vieille femme qui hérite ici de traits érémitiques, rappelle la vieille rusée de l’exemple XIII. Ce récit est aussi le premier d’une série de trois, centrés sur l’idée d’un trésor qu’il faut conserver, recouvrer ou préserver. La valeur symbolique de cette notion apparaît plus loin dans le recueil, avec l’exemple XXIX, qui propose une narration fondée sur des préceptes bibliques. Le thème de la convoitise est repris également dans les exemples XXII, XXIV, XXX et XXXI.
  • La 10e nouvelle de la 8e journée du Decameron est bâtie sur cette intrigue.

XVI. De decem tonellis olei (Tubach 3524) :

  • Cet exemple reprend le motif du dépôt, représenté ici par dix tonneaux d’huile. Cette fois le trompeur est l’homme qui confie son bien. Cinq des dix tonneaux sont à moitié pleins. Lorsque la reddition du dépôt a lieu, le propriétaire accuse le dépositaire d’avoir volé de l’huile. L’accusé trouve de l’aide auprès d’un philosophe qui réussit à montrer que l’huile n’a pas été volée car la proportion d’huile claire et d’huile épaisse est la même dans les tonneaux pleins et dans ceux qui sont à moitié vide, ce qui signifie que l’huile en dépôt est demeurée intacte.
  • Une fois de plus, un glissement thématique assure la transition entre les récits. Le philosophe vient ici prendre la place de la femme de bien, à la faveur d’une comparaison entre ces deux types de personnages qui motive la narration de cet exemple.
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XVII. De aureo serpente (Tubach 874 ?; 4257) :

  • Ce récit met une nouvelle fois en scène le philosophe serviable appelé « aide des malheureux ». Cette fois l’ingéniosité de ce dernier servira à disculper un pauvre homme qui, ayant trouvé un sac contenant mille talents ainsi qu’un serpent d’or, le rapporte à son propriétaire qui avait promis cent talents de récompense à qui ramènerait son bien. Malheureusement, au lieu de tenir sa promesse, le propriétaire du serpents prétend avoir égaré deux serpents d’or tout semblables et accuse l’homme de lui en avoir dérobé un. Devant le roi, le philosophe tient le raisonnement suivant. Si le pauvre était malhonnête, il n’aurait pas ramené sa trouvaille à son propriétaire pour obtenir cent talents s’il pouvait en garder mille, donc si l’homme avait deux serpents, c’est que ce n’est pas son sac que le pauvre a trouvé. Le riche est forcé d’avouer sa tromperie et le pauvre est libéré des accusations qui pesaient sur lui.
  • On remarquera que le roi n’est plus ici le dépositaire de la justice. Le philosophe, qui semble hériter de l’esprit de finesse des femmes, a pris la place dévolue, au début du recueil, au roi juste et bon. La dégradation de la figure du roi commence déjà avec l’exemple XII et se poursuit jusqu’à la fin du recueil.

XVIII. a) De semita (Tubach 4111)

XVIII b) De vado :

  • Ces deux exemples reprennent la typologie évangélique, voire biblique de la voie étroite ou ancienne qui se révèle plus sûre. Tous deux sont construits autour de la même idée : un itinéraire plus court, mais plus périlleux, n’est pas nécessairement un itinéraire plus rapide pour arriver à bon port, et les conseils de celui qui recommande ce chemin en spécifiant que le trajet sera plus long que par l’autre voie, mais que celui qui l’empruntera arrivera plus tôt à bon port ne sont pas aussi absurdes qu’il y paraît.
  • La sagesse apparaît ici, et dans les exemples suivants, sous un nouveau jour : elle s’énonce sous une forme apparemment incohérente, de même que dans les exemples qui suivent, les personnages les plus malins ne sont pas nécessairement ceux que la société désignent comme les plus dignes d’attention.
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XIX. De duobus burgensisbus et rustico (Tubach 1789) :

  • Deux bourgeois et un vilain se rendant à la Mecque partageaient leurs vivres, mais ceux-ci viennent à manquer. Les deux bourgeois désirent priver le vilain de sa part et proposent une sorte de concours : celui qui fera le rêve le plus étonnant pourra manger le pain qui cuit dans le feu. Le vilain fait semblant de dormir, se lève, retire le pain du feu et le mange, puis retourne à son sommeil feint. Les bourgeois se réveillent et racontent, l’un qu’il a été enlevé en songe jusqu’au ciel par des anges, l’autre qu’il a visité les enfers en rêve. Le vilain simule toujours le sommeil. Lorsque ses compagnons le réveillent, il feint la surprise en disant qu’il a assisté à leur enlèvement et que, se croyant seul au monde, il a mangé tout le pain.
  • La mention du pèlerinage à la Mecque, déjà présente dans l’exemple 15, répond à d’autres notations renvoyant à une localisation orientale des contes (le désert, l’Egypte, Bagdad). Elle donne une certaine vraisemblance à l’affirmation du prologue selon laquelle les sources de la Disciplina clericalis se trouvent pour partie dans les contes des arabes.

XX. De regii incisoris discipulo Nedui nomine (Tubach 2753) :

  • L’histoire de l’apprenti tailleur malicieux propose, dans le prolongement de l’exemple XIX, un héros facétieux et faussement naïf. Le tailleur du roi ayant négligé de garder une part de collation pour son apprenti nommé Nedui, ce dernier entreprend de se venger. Il confie à un des gardes que son maître est parfois sujet à des crises d’agitation auxquelles il n’y a d’autre remède qu’une vigoureuse bastonnade. Nedui dérobe alors les ciseaux du tailleur qui se met à gesticuler dans tous les sens à la recherche de son instrument de travail. Le garde croit percevoir les symptômes annoncés par l’apprenti et frappe violemment le tailleur indélicat.
  • Les FPA omettent cet exemple, à l’exception du ms. F qui le reprend, dans la version fournie par le Chastoiement, et le place à la fin du texte. Sur ce point, voir Yasmina Foehr-Janssens, « Quelle fin pour un enseignement d’un père à son fils ? La clôture du texte dans les manuscrits des Fables Pierre Aufors (Chastoiement d’un père à son fils, version A) », à paraître dans les Selected proceedings of the Eleventh Triennal Congress of the International Courtly Literature Society, ed. by Chris Kleinheinz and Keith Busby, Boydell.
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XXI. De duobus ioculatoribus (Tubach 2900) :

  • Cet exemple illustre encore une fois l’esprit de finesse. Deux jongleurs en situation de compétition pour les faveurs du roi mangent à la même table. L’un, envieux de la considération dont jouit son concurrent, entreprend de remplir d’os l’assiette de ce dernier pour dénoncer ensuite, devant son maître, la gloutonnerie de son voisin. Le jongleur incriminé répond en montrant l’assiette toute vide du calomniateur et en disant : « J’ai mangé la chair et laissé les os, comme le veut ma nature, mais celui-ci a dévoré la chair et les os ensemble comme le ferait un chien. »
  • Haim Schwarbaum signale, après d’autres, que cette anecdote se trouve déjà dans les Antiquités juives de Flavius Josèphe (XII, 4, 9) et qu’elle a circulé sous la forme d’une historiette dont le poète Dante est le héros.

XXII. De rustico et avicula (Tubach 322) :

  • Un vilain possède un jardin dans lequel se fait entendre le chant délicieux d’un oiseau. Le propriétaire du lieu capture l’oiseau et prétend le faire chanter sur commande, ce à quoi l’oiseau se refuse. En échange de sa liberté, il propose de délivrer trois préceptes de sagesse. Le marché est conclu, mais aussitôt libre l’oiseau entreprend de se moquer du vilain en affirmant qu’il a eu tort de ne pas le tuer, car il aurait trouvé dans son ventre une magnifique pierre précieuse. Le vilain se lamente alors, mais il est bien vite réprimandé par l’oiseau qui lui rappelle sa leçon de sagesse qui démontre l’inanité de sa quête et de son désespoir ainsi que sa crédulité.
  • Ce récit, connu sous le titre français de Lai de l’oiselet a circulé comme nouvelle indépendante à partir du second tiers du XIIIe s. Il existe plusieurs rédactions de ce texte qui se trouve également dans le Donnei des amants et dans le Roman de Barlaam et Josaphat. Pour une analyse des sources et des analogues, on se reportera à l’édition de Lenora D. Wolfgang, Le lai de l'Oiselet, An old French Poem of the Thirteenth Century , Transactions of the American Philosophical Society, Philadelphia, 1990, p. 7-15.
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XXIII. De aratore et lupo iudicioque vulpis (Tubach 5247) :

  • Un laboureur a voué ses bœufs au loup dans un mouvement de colère. Le soir venu, le loup vient réclamer son dû. Le renard est appelé à la rescousse pour régler la querelle. Le renard promet à l’homme de défendre ses intérêts en échange d’une poule pour lui et une pour sa compagne. Il propose au loup de renoncer à ses prétentions, moyennant quoi il lui montera un lieu où il pourra se régaler d’un fromage. Le loup suit le renard jusqu’à un puits dans l’eau duquel la lune se reflète et propose au loup de sauter dedans. Le loup méfiant demande au renard de descendre chercher le fromage au moyen d’un seau accroché à une corde. Le renard s’exécute puis invite le loup à le rejoindre en grimpant dans l’autre seau, pendu à l’autre bout de la corde. La descente du loup entraîne la remontée du renard, qui s’enfuit, abandonnant sa dupe au fond du puits.
  • Comme dans le récit précédent, la crédulité du personnage berné est stigmatisée. On assiste, à travers la juxtaposition de ces récits de ruse, à un changement de point de vue. La louange de la ruse fait place à une mise en garde contre les conseils trompeurs qui se prolonge avec l’exemple suivant.
  • La seconde partie de ce récit rejoint les grandes lignes de la Branche IV du Roman de Renart, alors que la première est comparable à la branche IX (éd. Martin). Voir la notice de cette branche dans Le Roman de Renart, éd. publ. sous la dir. d'Armand Strubel avec la collab. de Roger Bellon, Dominique Boutet et Sylvie Lefèvre, Paris, Gallimard, 1998 (Bibliothèque de la Pléiade), p. 1153-54 qui traite (à partir de Foulet) des rapports avec la Disciplina Clericalis. L’auteur des FPA connaît la tradition renardienne, car il désigne les acteurs de cette histoire par les noms que celle-ci leur assigne.
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XXIV. De latrone et radio lunae (Tubach 4778) :

  • Un voleur se fait piéger par le propriétaire de la maison dans laquelle il s’était introduit. Celui-ci raconte à sa femme qu’il a gagné sa fortune en pratiquant la profession de cambrioleur. Sa réussite a tenu au fait qu’il connaissait une incantation lui permettant de marcher sur un rayon de lune pour pénétrer dans les maisons. Le voleur tente de reprendre le charme à son compte et fait une chute spectaculaire.
  • La présence du reflet ou du rayon de la lumière lunaire contribue à établir un lien avec l’exemple XXIII.
  • Le récit circule dans les traditions orientales attachées aux Sept Sages de Rome.

XXV. De Mariano:

  • Marian est un philosophe établi dans le désert, auprès duquel un roi injuste envoie ses propres philosophes afin de découvrir la cause des malheurs qui accablent le royaume. Marian répond en dénonçant les torts du roi et en annonçant sa mort.
  • A partir de ce récit, les figures royales ont de plus en plus une allure de tyran.
  • A l’exception du ms. M , les FPA ne transmettent pas ce récit. Le ms. M nous procure une traduction distincte du texte fourni par le Chastoiement.
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XXVI. De duobus fratribus regisque familiari dispensa :

  • Le frère d’un homme bien en cour est invité à devenir à son tour un familier du roi, mais, s’étant enquis du train de vie du souverain et ayant constaté que tous les revenus du royaume étaient investis dans des dépenses courantes, il juge préférable de ne pas s’attarder en ce lieu.
  • Un long développement en manière de traité de bonnes manières curiales suit cet exemple.

XXVII. De Maimundo servo (Tubach 4288 et 1705) :

  • Maimond est un esclave paresseux et bavard à propos duquel le maître et l’élève rapportent diverses historiettes. La plus longue est similaire au contenu de la fameuse chanson de Ray Ventura « Tout va très bien Madame la marquise ».
  • Ce récit introduit un développement sur l’instabilité du monde.

XXVIII. De Socrate (=Diogene) et rege (Tubach 3821) :

  • Confrontation de la puissance temporelle du roi et la puissance intellectuelle du philosophe. L’exemple attribue à Socrate des paroles que l’on trouve aussi dans les traditions sur Diogène.
  • Ce récit est absent des FPA, à l’exception du ms. P. qui en reprend le texte au Chastoiement, mais le place à la suite de la conclusion du texte. Dans cette rédaction, le philosophe est appelé Diogène.
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XXIX. De prudentis consiliari regis filio (Tubach 176, mais pas 5194) :

  • Une adaptation narrative de maximes évangéliques, voire bibliques du type « Là où est ton cœur, là aussi est ton trésor ». Le fils d’un conseiller prudent utilise sa fortune pour soulager les peines des malheureux. Malgré la jalousie des courtisans, il réussit à prouver au roi le bien-fondé de ses agissements.
  • Cet exemple n’apparaît dans aucune des traductions françaises en vers.

XXX. De latrone qui nimia eligere studuit :

  • Un voleur s’attarde trop sur le lieu de son forfait et est pris. Le thème du memento mori connaît ici son amorce.

XXXI. De opilione et mangone (Tubach 1788) :

  • Un berger rêve qu’il possède mille brebis. Il en marchande ardemment la valeur avec un maquignon. Le songe prend fin avant la clôture de la transaction et le vendeur crie sa frustration en s’éveillant. Exemple sur la brièveté de la vie.
  • Le ms. A des FPA omet cet exemple.
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XXXII. De philosopho per cimiterium transeunte (Tubach 3743) :

  • Un philosophe lit une épitaphe et décide de se faire ermite.
  • Les FPA se terminent avec l’exemple précédent. Les trois derniers récits n’apparaissent pas. Le scribe du ms. P les a pourtant ajoutés en reprenant le texte du Chastoiement.

XXXIII. De aurea Alexandri sepultura (Tubach 3751) :

  • Paroles de philosophes à propos de la tombe dorée d’Alexandre.

XXXIV. De heremita suam corrigente animam (Tubach 4520) :

  • Un ermite corrige son âme. Cette série d’admonestations se termine par le retour à l’idée sur laquelle le recueil s’ouvre : la crainte de Dieu.
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Exemples surnuméraires proposés dans les différentes rédactions des Fables Pierre Aufors

(voir Foehr-Janssens, « Quelle fin ? », op. cit.):

Le père qui donna son bien à ses filles (Ms A des FPA, fol. 169 v°b – 172 r°b) (Tubach 3006) :

  • Il s’agit d’une variante de l’histoire du roi Lear dont on trouve également une version dans le Roman de Brut de Wace.

Le roi annuel (Ms. P des FPA, fol. 49 r°a – 49 v°a) (Tubach 2907) :

  • Dans un royaume, la loi veut que le roi soit nommé pour un an seulement. Le héros du récit est prévoyant et il se prépare un trésor qu’il fait porter dans une île où il vivra après son règne. Ce récit se trouve également dans le Roman de Barlaam et Josaphat.