HISTORIQUE DE L'UNITE D'ARABE
L’enseignement de l’arabe à l’Université de Genève
Les débuts
Le premier enseignement régulier de l’arabe fut créé à Genève en 1819 et confié à Jean Humbert (1792-1851).
Humbert, qui était pasteur, avait une formation en études classiques et était spécialiste des études bibliques qu’il enseignait à l’université. Son intérêt pour l’arabe n’était pas dicté par une curiosité orientaliste, mais par l’idée – répandue à l’époque – que la connaissance de cette langue sémitique, proche parente de l’hébreu et considérée comme ayant conservé des traits archaïques, lui aurait permis de comprendre les passages obscurs de l’Ancien Testament. Néanmoins, il s’intéressa également à l’arabe parlé de son époque et rédigea, en 1838, un Guide de conversation arabe. Il étudia également la littérature et la poésie arabes, tout en considérant que celle-ci était inférieure à celle des Grecs, alors qu’il appréciait la prose, notamment les Mille et une nuits. La collection de manuscrits arabes de la BGE a été initiée par lui.
L’arabe fut ainsi, tout d’abord, une discipline auxiliaire et complémentaire dans le cadre des études bibliques et classiques ; on lui portait un l’intérêt philologique. D’ailleurs, au 19ème siècle, l’Académie de Genève, fondée en 1559 par Jean Calvin, était largement centrée sur la théologie ; ce n’est qu’en 1873 qu’elle devint université et élargit sa palette d’enseignements.
Le développement
Edouard Montet (1856-1934), qui fut le deuxième professeur en études arabes à Genève, était également théologien et latiniste à la base. Contrairement à son prédécesseur, Montet s’intéressa à la culture et à la religion et il traita de sujets divers et d’actualité, comme le théâtre persan (1890, Journal of the Royal Asiatic Society), Les missions musulmanes au dix-neuvième siècle (1885) ou De l'état présent et de l'avenir de l'Islam (1911). En 1925, il publia une traduction du Coran, encore rééditée en 2001 (Petite Bibliothèque Payot). Quoique critique à l’égard de la civilisation islamique, Montet considérait qu’elle avait eu des effets bénéfiques notamment en Afrique et en Chine.
L'Unité d'arabe
La chaire d'études arabes et islamiques
Un enseignement de langue arabe est maintenu à la Faculté, mais ce n’est qu’en 1964 qu’une chaire d’études arabes et islamiques est créée.
Simon Jargy (1920-2001) est le fondateur de l’Unité d’arabe dans sa forme actuelle. Jargy avait obtenu une thèse de doctorat à la Sorbonne (1964), publiée en 1970 sous le titre La poésie populaire traditionnelle chantée au Proche-Orient arabe (Paris, Mouton). Spécialiste de musique arabe, surtout sous sa forme populaire qu’il aimait et dont il possédait d’innombrables enregistrements, il est l’auteur d’un Que sais-je sur ce sujet (La musique arabe, 1971, réédité plusieurs fois, traduit en arabe en 1973) ainsi que d’une anthologie musicale de la péninsule arabique (Archives internationales de la musique populaire, 1994). Il avait fondé la collection Arabiyya, qui comprend 13 ouvrages (publiés d’abord chez Labor et Fides, puis aux éditions Slatkine) et dans laquelle parut son Islam et chrétienté (1981).
Passionné de musique et de poésie arabes, il organisa le premier concert de Munir Bachir en Europe (1970) et entretenait des contacts réguliers avec les intellectuels et les poètes les plus connus.
Un nouveau curriculum
C’est Simon Jargy qui institua un curriculum d’études fondé sur la langue et la civilisation d’un côté et sur l’étude de la religion musulmane de l’autre (entre autre avec un séminaire du Coran, où le texte est lu dans l’original arabe), une structure qui constitue aujourd’hui encore la base de nos enseignements.
La chaire se consolide
Charles Genequand a pris, en 1990, sa succession. Il a beaucoup œuvré à consolider l’Unité d’arabe, en renforçant notamment l’enseignement de la langue et en obtenant la création d’un deuxième poste professoral en 2000. Après des études de grec, de latin, d’égyptologie et d’arabe à Genève, il se rendit à Oxford afin d’approfondir ses connaissances avec un baccalauréat universitaire en arabe et en syriaque (1973) ; il y obtint également son doctorat en 1977 avec une thèse sur la métaphysique d’Averroès, publiée en 1984 chez Brill (Ibn Rushd's Metaphysics). Ses enseignements au sein de l’Unité d’arabe ont porté sur des sujets aussi nombreux et variés que la littérature arabe, la philosophie ou le Coran. Il a été à l’origine de nombreuses initiatives de collaboration à l'intérieur de la Faculté avec les historiens, les historiens de la littérature et les philosophes, en particulier dans le cadre du Centre d'Etudes Médiévales. Spécialiste reconnu de la philosophie arabe et de la transmission du savoir grec au monde arabe, il a publié notamment : Ibn Bāğğa (Avempace), La conduite de l'isolé et deux autres épîtres (Paris, J. Vrin, 2010), Alexander of Aphrodisias on the Cosmos (Leyde, Brill, 2001). Vice-doyen, puis doyen de la Faculté (1999-2005), il a été nommé professeur honoraire après son départ à la retraite en 2012.
Invité-e-s et collaborateurs/trices
Des personnalités prestigieuses du monde littéraire et intellectuel ont enseigné à l’Unité d’arabe comme le poète syro-libanais Adonis (entre 1990-1995) ou l’intellectuel franco-tunisien Abdelwahab Meddeb (de 1999 à 2005). De nombreux autres enseignants ont été professeurs invités ou chargés de cours comme Maroun Aouad (chercheur au CNRS), spécialiste de la philosophie arabe, Bernadette Martel-Thoumian (Université de Grenoble), historienne de la période mamelouke, Daniel de Smet (CNRS), connu pour ses travaux sur les Fatimides, Hans-Lukas Kieser (Université de Zurich), historien de l’Empire ottoman tardif et des minorités, Farian Sabahi (Université de Turin), auteure de nombreuses publications sur l’Iran, ainsi que d’un ouvrage sur le Yémen, ou encore Tobias Nünlist (Université de Bâle), iranologue, codicologue et en particulier spécialiste dans le domaine de la démonologie dans les civilisations musulmanes.
Une contribution importante a été fournie, pendant 36 ans, par Jiri Nosovsky , qui a formé, durant les trois décennies et demi de son activité à l’Unité d’arabe, plusieurs générations d’arabisants genevois et suisses. Originaire de Prague, après avoir obtenu une licence en arabe à Genève et avoir effectué un séjour de perfectionnement linguistique au Koweït, il a été nommé assistant en 1976, puis chargé d’enseignement pour la langue arabe à partir de 1980 ; il a pris sa retraite en 2012. Il est l’auteur de la Méthode d’arabe classique (polycopiée) utilisée par l’Unité pour l’enseignement de base de la langue arabe. Ont également marqué le cursus d’arabe comme chargés d’enseignement Fouad Sarhank (1983-1999), Mina Buchs (1983-1984; 1988-1995), Fawzia Al Ashmawi (1979-2006), auteure d’une thèse de doctorat (Genève, 1983) publiée en 1985 sous le titre La femme et l'Egypte moderne dans l’œuvre romanesque de Naguib Mahfuz (Genève, Labor et Fides) et Souha Maleh (1998-2014), auteure d'une thèse de doctorat sur la lecture du texte théâtral, ainsi que traductrice (1987) des "Essais critiques" de Roland Barthes en langue arabe.