Rencontre avec l’écrivain Rui Cardoso Martins, 13 mars 2018
L’Europe est comme deux enfants qui tirent tous deux une petite couverture à eux, en hiver. À la fin, l’un aura toujours les pieds découverts. C’est un puzzle en mutation. Cependant, le territoire de l’Europe est là ancré dans la mer et dans les montagnes, dans les plaines et dans les lacs, c’est ce qui importe, le périmètre essentiel se maintient depuis des millénaires, c’est à ça que je crois ou je ne sais pas où on va.
Fais attention, maintenant, à une chose qui t’intéresse. Donne-moi une seconde, ce n’est pas facile d’ouvrir à une main seule la Grande encyclopédie des oiseaux des toits urbains. Petite colombe, ton nom en grec sonne colombo. Tu appartiens à la famille des columbidae. Traduction : plongeur. Et le mécanisme de ce nom est le suivant : vous volez comme si vous sautiez d’un plongeoir et nagiez dans l’air, le style est papillon.
Bon, en Mésopotamie, berceau de l’agriculture, de l’écriture et du pétrodollar, les Mésopotamiens dessinaient déjà des pigeons sur les murs il y a quatre mille et cinq-cents ans. Un jour arrive le Déluge et la colombe sort et revient à l’arche de Noé avec le rameau d’olivier dans son bec, car elle a trouvé la terre, sauvant tous les autres animaux. Mais seulement un mois plus tard, à la troisième tentative, comme dans un numéro de trapèze du cirque, ou à la finale olympique de saut en hauteur. Une page entière sur les pigeons-voyageurs héros dans les guerres, croisant la ligne de front et risquant leur vie pour apporter des rapports sur les troupes ennemies ou des informations vitales de son armée. Curieux, quand il s’agit de la guerre ce sont des pigeons, s’il s’agit de la paix ce sont des colombes.
Quelques-uns de ces petits facteurs, après s’être blessés à l’aile, sont rentrés par leurs propres moyens au colombier du sergent-chef, des semaines plus tard, boitant, comme toi, mais à cause d’avoir traversé l’Europe à pied. D’autres sont tombés troués par des balles comme des soldats et sont dans des tabernacles en verre et métal, comme des saints catholiques, avec le tube du message dans l’os de la petite pate et un petit carré de papier avec des gribouillis. Des fois, le message encrypté a des chiffres et des lettres que personne n’a dévoilés. Seulement le pigeon-voyageur connaissait la réponse. Cette phase héroïque est révolue. Entretemps, ma chérie, l’Occident commence à se poser la question de l’hygiène publique.
O osso da borboleta (L’os du papillon)
Rui Cardoso Martins est né en 1967 au Portugal. Il est écrivain, auteur et chroniqueur, diplômé en Sciences de la communication de l’Universidade Nova de Lisboa. Il a été journaliste et a participé à la fondation du journal Público (1990). Reporter national et international, il a fait des centaines de reportages sur des sujets comme la guerre civile de Bosnie, les premières élections libres en Afrique du Sud, et la Mission de paix à Timor – Lusitânia Expresso.
Il a été chroniqueur pour Público entre 1991 et 2016, parmis ses chroniques: « Levante-se o Réu » (deux prix Gazeta, do Clube dos Jornalistas), « A Nuvem de Calças », « Unido jamais será ». Les chroniques « Levante-se o Réu » ont été publiées en deux volumes, dont le second a obtenu le Grande Prémio da Associação Portuguesa de Escritores– Câmara Municial de Loulé, (APE-CML). Il tient actuellement une chronique hebdomadaire « O Fio da Meada » sur la station de radio Antena 1 et à nouveau « Levante-se o Réu » cette fois dans l’édition du dimanche du Jornal de Notícias.
Son premier roman E Se Eu Gostasse Muito de Morrer (2008) a été publié en plusieurs langues. Son second roman Deixem Passar o Homem Invisível (D. Quixote, 2009) a gagné le Grande Prémio da Associação Portuguesa de Escritores (APE/DGLB). Après cela il a encore publié deux romans Se Fosse Fácil Era para os Outros (Dom Quixote, 2012) et O Osso da Borboleta (Tinta-da-China, 2014). Il prépare actuellement son cinquième roman “As Melhoras da Morte” prévu pour fin 2018. Il est également l’auteur de nombreuses nouvelles publiées dans des revues nationales et étrangères. Il est aussi auteur de dramaturgie et a adapté la pièce "António e Maria" ayant comme base l’oeuvre de l’écrivain António Lobo Antunes. Il a écrit trois pièces de théâtre Divisão B, Duas Estrelas e Apanha-Bolas, toutes portées à la scène par différentes troupes de théâtre. Il est aussi co-auteur de plusieurs séries dramatiques, documentaires et programmes historiques pour la télévision, il a été scénariste et auteur de différents projets cinématographiques.
Si le grand public ne connaît pas son oeuvre littéraire, il aura certainement déjà ri avec ses textes du programme de la RTP Contra-Informação (1996-2010), entre d’autres programmes humoristiques, ou avec certains articles du journal humoristiques Inimigo Público.
9 mars 2018