Unité de roumain

Mărţişor, le 1er mars

Le nom[1] de la fête vient du dieu Mars[2] lui-même, le dieu de la guerre, mais aussi celui du soleil, de la fertilité et de la végétation. La majorité des spécialistes considèrent que l’origine de la fête remonte aux Traco-Daces et aux Romains, marquant le début de l’année à l’époque (le 1er mars[3]). La fête du Mărţişor célèbre ainsi l’arrivée du printemps, le renouvellement de la nature, le soleil.

Dans la pratique, le 1er mars on offre aux proches un petit objet accompagné d’un fil tressé, blanc et rouge. Au fil du temps, ces objets ont été : de petites pierres, des monnaies en argent ou en or, des figurines en bois ou des créations d’artistes populaires. Les fouilles archéologiques ont révélé des mărţişoare qui datent d’il y a plus de 8.000 ans sur certains sites de Roumanie (par exemple au site préhistorique de Schela Cladovei, [7]).

 

Dans la plupart des cas, ce sont les hommes qui offrent ces mărţişoare aux femmes (mais aussi l’inverse, par exemple en Bucovine) ou les enfants à leurs mères, à leurs enseignantes, à leurs collègues de classe… En Grèce, ce sont les grand-mères ou les mères qui les offrent à leurs petites-filles et à leurs filles, comme protection contre le soleil fort.

Les croyances populaires attribuent à ces objets-talismans différentes significations : porte-bonheur, protection, espoir, bonne chance, joie, fécondité, sagesse, amour, etc., d’où les formes qu’ils prennent le plus souvent : des trèfles à quatre feuilles, des fers à cheval, des cœurs et même des ramoneurs en miniature (à la grande surprise des vendeurs contemporains de mărţisoare qui, souvent, ne savent plus ce que les ramoneurs sont).

Le symbolisme du fil rouge et blanc tressé renvoie tout d’abord aux interprétations données aux deux couleurs (paix et guerre, hiver et été, pureté et passion, purification et vitalité, féminin et masculin, inauguration et victoire, santé, bonheur…). Mais il s’agit aussi du symbolisme du « fil de la vie », des destins qui s’y entrelacent. En plus, il s’y ajoute le symbolisme du cercle, car ce fil est porté autour du poignet, du cou et même du pied (en Albanie, par exemple) ; après l’avoir porté, on le noue autour d’une branche d’arbre, fleurie si possible, en signe de protection par des cercles magiques.

Il y a de nombreuses légendes autour de la fête de Mărţişor. Certaines d’entre elles ont au centre Baba Dochia, personnage mythique principal de l’un des 5 mythes fondamentaux du peuple roumain, Traian şi Dochia, qui raconte la variante légendaire de la naissance du peuple roumain. (Ces mythes et leur signification feront d’ailleurs l’objet de l’un des cours de Civilisation roumaine, proposés par notre Unité, dans le cadre du Département des langues et des littératures romanes).

De nos jours, loin de se perdre, cette habitude connaît, au moins en Roumanie, un extraordinaire regain d’intérêt, étant réinterprétée et adaptée au quotidien. Tout d’abord, entre le 1er et le 8 mars (Journée de la femme en Roumanie), il est très difficile de réserver une table au restaurant, car elles sont toutes occupées bien à l’avance par les hommes qui veulent impressionner leurs bien-aimées, leurs collègues de bureau ou leurs supérieures hiérarchiques. Parfois, les femmes de nos jours n’attendent plus l’invitation des hommes et organisent des soirées « entre filles » des plus surprenantes… Ensuite, les trottoirs sont garnis de stands des vendeurs saisonniers de mărţişoare – qui prennent aujourd’hui des formes variées, allant des bijoux les plus délicats jusqu’aux objets kitch les plus amusants. Pendant environ deux semaines, dans les villes et les villages roumains il est impossible de ne pas entrer dans l’ambiance de saison ! Enfin, pas la peine de le préciser : si vous avez des affaires à régler dans les institutions publiques, soit vous vous munissez de grands bouquets des fleurs et de boîtes de chocolat (sourire obligatoire !), soit vous attendez que l’euphorie passe et vous revenez après la mi-mars !

Le Mărţişor est célébré également dans la zone des Balkans : en Bulgarie (intitulé MartenițaМартеница), en Grèce (intitulé Martys), en Macédoine, en Albanie, etc. – avec de légères différences quant à la signification, la forme ou les pratiques qui lui sont consacrées.

Cette exposition virtuelle a été réalisée par Roxana Bârlea, enseignante de langue, culture et civilisation roumaines à l’Université de Genève, avec l’aide de deux collègues du Département de Linguistique de la Faculté des Lettres : Vasiliki Foufi, Grèce, post-doctorante, et Maria Ivanova, Bulgarie, doctorante. Un grand merci à Cristina Constantin, qui a eu une contribution consistante et enthousiaste ; on lui doit la recherche sur le thème du Mărţişor et le choix des photos, certaines d’entre elles lui appartenant personnellement.

Sources:

  1. L’Agence nationale de presse roumaine AGERPRES
  2. http://bern.mae.ro/fr/romania-news/1415
  3. http://www.roumanie.com/1er-mars-fete-du-Martisor-en-Roumanie-A001984.html
  4. http://www.enroumanie.ro/traditions_mars.htm
  5. http://www.public.asu.edu/~orlich/consulate/images/ISTORIA%20MARTISORULUI.pdf
  6. http://www.muzeultaranuluiroman.ro/acasa/povestea-martisorului-ro.html (Irina Nicolau,  Povestea mărțișorului)
  7. https://patrimoniulromaniei.wordpress.com/2015/03/01/martisorul/
  8. Mărţişoare en porcelaine, peints manuellement. Artiste plastique : Anca Vintilă Dragu, http://unacaluna.ro/ (photos 12, 13)

  9. Mărţişoare sucrés – Liana Regman, https://www.facebook.com/PlanulB/photos_stream (photos 3, 4)


[1] Diminutif construit avec le suffixe –işor.

[2] Dans certaines pratiques populaires, le Dieu Mars est représenté par un ours (vu sa force) qui s’appelle Moş Martin (de nouveau « mars ») que les jeunes du village chassent en jouant de la musique assourdissante (ou à coups de bâton). C’est en fait le rituel qui vise à chasser l’an révolu pour accueillir le nouvel an. En Roumanie on retrouve encore ce rituel, bien-sûr autour du 31 décembre, le Nouvel An d’après le nouveau calendrier.

[3] Ainsi s’expliquent  les noms des mois : roum. septembrie (le 7e mois), octombrie (le 8e), decembrie (le 10e). Mars était le premier mois de l’année parce que c’était le moment où 1. on reprenait les travaux agricoles ; 2. on reprenait les luttes, en temps de guerre.

29 févr. 2016

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