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Découverte d’une nouvelle maladie génétique rare

Un consortium de recherche international, dont fait partie une équipe de la Faculté de médecine de l’UNIGE et de l'Hôpital universitaire pour enfants de Zurich, a identifié l’origine d’une nouvelle maladie génétique grave. Inconnue jusqu’ici, cette maladie due à une mutation sur le gène GNAI2 a pu être identifiée grâce au séquençage du génome et de l’exome complet d’enfants présentant des manifestations cliniques similaires, et notamment des anomalies du développement et des troubles du système immunitaire. De plus, un traitement à base d’ions de zinc mis au point par l’équipe genevoise pour une autre maladie génétique pourrait également s’avérer efficace dans ce contexte. A découvrir dans la revue Science.

Image: Istock.

Les récepteurs couplés aux protéines G (RCPG) constituent une famille de protéines situées à la surface des cellules. En transmettant des signaux à travers la membrane cellulaire, ils jouent un rôle fondamental dans la physiologie des mammifères. Ils forment la plus grande classe de récepteurs chez l’être humain, et sont la cible d'environ 30 % de tous les médicaments actuellement commercialisés.

Les RCPG agissent par l'intermédiaire de protéines G hétérotrimériques (Gαβγ), dont les sous-unités Gα assurent la spécificité du récepteur et la transduction du signal intracellulaire. Les 16 sous-unités Gα humaines sont regroupées en quatre familles (Gαs, Gαi/o, Gαq/11 et Gα12/13) avec des profils d'expression et des partenaires de signalisation distincts. Chez l’être humain, des mutations sur les gènes codant pour les protéines de la famille Gαi/o (GNAI1, GNAI3, GNAO1, GNAT1, GNAT2) peuvent provoquer de graves anomalies neurodéveloppementales, crâniofaciales ou du système visuel. Si la protéine Gαi2, codé par le gène GNAI2, est impliqués dans le fonctionnement des systèmes cardiovasculaire, nerveux, endocrinien et immunitaire, les conséquences d’une mutation sur GNAI2 restent mal connues.

Des mutations à l’origine de graves malformations et d’atteintes immunitaires

Avec son équipe, Vladimir Katanaev, professeur au Département de physiologie cellulaire et métabolisme de la Faculté de médecine de l’UNIGE, a beaucoup travaillé sur les mécanismes moléculaires des mutations pathogènes de GNAO1, un gène de la même famille que GNAI2. Il a donc rejoint un consortium de recherche mené par les National Institutes of Health (NIH) des Etats-Unis et impliquant près d’une centaine de chercheuses et chercheurs à travers le monde, dans le but de mieux comprendre les conséquences développementales des mutations de GNAI2. 

« Nous avons séquencé l'exome et le génome entier de personnes présentant un tableau clinique similaire afin de recherche une éventuelle cause génétique commune », détaille Vladimir Katanaev. « Nous avons trouvé 20 patientes et patients venant de 18 familles non apparentées dans le monde entier qui présentaient des variantes hétérozygotes rares du gène GNAI2 jamais signalées auparavant. »

« L'un de ces patients est traité dans notre hôpital de Zurich », ajoute la professeure Jana Pachlopnik Schmid. « Notre équipe de l'hôpital universitaire pour enfants de Zurich a joué un rôle important dans l'identification des manifestations cliniques de cette maladie, en particulier les anomalies du système immunitaire. Notre objectif est de découvrir de nouvelles erreurs innées de l'immunité, et ce cas montre comment les mutations du GNAI2 peuvent entraîner un profond dysfonctionnement immunitaire. Chez ce patient, nous avons observé une infection fongique sévère et généralisée, ainsi que plusieurs épisodes d'inflammation prononcée, des anomalies neuroanatomiques (notamment une hypophyse hypoplasique) et une scoliose sévère. Ces résultats offrent un aperçu essentiel de la dysrégulation immunitaire de cette nouvelle maladie et contribuent plus largement à nos efforts pour élucider les mécanismes moléculaires des maladies immunitaires rares et mettre au point des thérapies ciblées. »

Les personnes porteuses de ces mutations Gαi2 présentaient des tableaux cliniques graves, notamment des anomalies du développement — retard de croissance, dysmorphisme, anomalies neuroanatomiques, etc.  Les malades souffrent également d’autres symptômes comme un retard du développement neurologique, des déficits neurocomportementaux et un dysfonctionnement gastro-intestinal. Presque tous les patients présentaient également une atteinte du système immunitaire, caractérisée par des infections récurrentes, inhabituelles et/ou graves et de complications inflammatoires ou auto-immunes.

Des mécanismes similaires à GNAO1

« Les mêmes mutations qui provoquent un fonctionnement anormal de Gα chez les patients GNAO1, conduisant à une encéphalopathie pédiatrique sévère, provoquent chez Gαi2 des dysfonctionnements des cellules immunitaires et des anomalies du développement, » note Vladimir Katanaev.  Sur le plan moléculaire, les variantes pathogènes de Gαi2 — comme dans le cas de Gαo ¬— agissent sur les nucléotides de guanine, l’un des quatre composants de base de l’ARN. Les protéines mutantes lient le GTP beaucoup plus rapidement et l'hydrolysent beaucoup plus lentement qu’il ne le faudrait, rendant les protéines mutantes constitutivement liées au GTP et empêchant le développement normal de l’embryon.

Les similitudes entre les mutations GNAO1 (Gαo) et GNAI2 (Gαi2), même si elles se manifestent différemment selon les organes où s’expriment les sous-unités Gα, le cerveau pour Gαo et le système immunitaire pour Gαi2, suggèrent que des mécanismes moléculaires et cellulaires identiques sous-tendent ces troubles. « Ces résultats suggèrent que le traitement à base d’ions de zinc que nous avons développés pour l'encéphalopathie GNAO1 pourraient également s’avérer efficace pour les personnes souffrant de cette nouvelle maladie liée à Gαi2 », indique Vladimir Katanaev. 

« Nous suivons de près les résultats prometteurs du traitement de l'encéphalopathie GNAO1 à base d'ions zinc », ajoute Jana Pachlopnik Schmid. « Bien qu'il soit trop tôt pour administrer ce traitement à notre patient, nous étudions attentivement son potentiel pour traiter le dysfonctionnement immunitaire et les anomalies du développement causés par les mutations du GNAI2. Ce cas pourrait contribuer à un effort international plus large visant à étudier les options de traitement pour cette maladie rare et à explorer les possibilités de thérapies ciblées. »

24 sept. 2024

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