La vaccination contre l’hépatite E est efficace lors d’une épidémie
Une équipe du Centre des maladies virales émergentes UNIGE-HUG, de MSF, d’Epicentre MSF, de l’Université Johns Hopkins et du Ministère de la Santé du Soudan du Sud a démontré l’efficacité d’un vaccin contre l’hépatite E lors d’une épidémie au Soudan du Sud.
Depuis mars 2022, MSF et le Ministère de la Santé du Soudan du Sud mènent conjointement une campagne de vaccination contre l'hépatite E à Bentiu. © Peter Caton
L’hépatite E est une maladie virale du foie potentiellement grave, qui se transmet par l’eau contaminée. Le risque est ainsi particulièrement important lorsque l’accès à l’eau et à l’assainissement ne peut être garanti. Au Soudan du Sud, des épidémies ont régulièrement ravagé les camps de personnes déplacées à l’intérieur du pays et leurs populations d’accueil. Bien qu’un vaccin soit disponible depuis 2011, son protocole à trois doses le rend difficile à administrer dans un tel contexte. Une équipe de Médecins Sans Frontières (MSF), d’Epicentre MSF, de l’Université Johns Hopkins (JHU), du Ministère de la Santé du Soudan du Sud, de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), de l’Université de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) a mené des études cliniques et de laboratoire après une campagne de vaccination sur le terrain. Les résultats ont montré que le vaccin était efficace dès les deux premières doses. L’étude complète est à découvrir dans la revue Lancet Infectious Diseases.
L’hépatite E est une infection virale particulièrement dangereuse pour les femmes enceintes et les personnes souffrant de maladies chroniques, avec un taux de mortalité pouvant atteindre 10 à 50%. «Les symptômes de l’hépatite E sont similaires à ceux d’autres maladies provoquant une jaunisse aiguë, ce qui la rend difficile à détecter. Bien que nous ne disposions pas d’estimations précises sur son impact à l’échelle mondiale, on l’évalue à environ 50 000 décès par an», explique Andrew Azman, épidémiologiste au Centre des maladies virales émergentes UNIGE-HUG, à MSF et à la JHU, qui a dirigé cette recherche. «Le camp de Bentiu, au Soudan du Sud, qui abrite plus de 100 000 personnes déplacées en raison de la guerre civile, est régulièrement victime d’épidémies d’hépatite E et d’autres maladies d’origine hydrique, probablement en raison des mauvaises conditions d’assainissement et des inondations fréquentes.»
"Notre étude a révélé que deux doses de vaccin sont efficaces."
Le vaccin Hecolin, développé en Chine et autorisé dans certains pays depuis 2011, a été recommandé par l’OMS comme outil potentiel en cas d’épidémie. Cependant, jusqu’à cette utilisation dans une épidémie, il n’avait servi qu’à des essais cliniques contrôlés et à la médecine des voyages en Chine. «C’est pourquoi il était essentiel d’étudier l’efficacité du vaccin sur d’autres populations et dans des régions où le type de virus circulant est différent de celui de la Chine, ainsi que la faisabilité logistique d’une telle campagne», ajoute Isabella Eckerle, professeure à la Faculté de médecine et directrice du Centre UNIGE-HUG pour les maladies virales émergentes. «Il était notamment important de comprendre son efficacité après seulement deux doses, alors qu’il est habituellement administré en trois doses à six mois d’intervalle.»
Un partenariat de recherche original
Le Centre des maladies virales émergentes, un centre spécialisé commun aux HUG et à la Faculté de médecine de l’UNIGE, a apporté un appui scientifique aux équipes de terrain de MSF, en charge du volet clinique de cette étude. «La campagne de vaccination visait les personnes âgées de 16 ans et s’est déroulée en trois phases, en mars, avril et octobre 2022», explique Iza Ciglenecki, coordinatrice de la recherche opérationnelle à MSF Suisse. «Notre étude a ensuite comparé le statut vaccinal de 201 patients et patientes testées positives à l’hépatite E entre mai et décembre 2022 avec celui de personnes asymptomatiques de leur entourage. Notre étude a révélé que deux doses de vaccin étaient efficaces, un excellent résultat compte tenu du contexte particulier d’un camp de personnes déplacées.»
Les échantillons ont ensuite été envoyés aux laboratoires du Centre des maladies virales émergentes. L’objectif était de déterminer les caractéristiques biologiques du virus et des réponses immunitaires. «Ces données de laboratoire, difficiles à réaliser sur place, ont non seulement démontré la protection induite par le vaccin, mais elles nous ont également permis de mieux comprendre la transmission et la performance des tests de diagnostic, ce qui peut nous aider à concevoir de meilleures réponses aux épidémies à l’avenir», souligne Isabella Eckerle. «Ce projet est le résultat d’une synergie enrichissante entre l’expertise opérationnelle de MSF et la nôtre en matière de recherche translationnelle et d’excellence diagnostique».
Un stock mondial créé par l’OMS
L’étude confirme donc la protection induite avec deux doses de ce vaccin, même pendant une épidémie, et la réduction de l’incidence de la maladie. «Nos résultats, associés à d’autres, ont contribué à l’approbation récente par le Groupe international de coordination (GIC) de l’OMS pour la fourniture de vaccins d’un stock de vaccins contre l’hépatite E pour les situations d’urgence. Ce stock a le potentiel de sauver de nombreuses vies et nous nous réjouissons de le voir à l’œuvre. Ces résultats ont également déjà contribué aux recommandations de l’OMS sur l’utilisation d’un schéma à deux doses», conclut Andrew Azman.
14 janv. 2025