L’hypersensibilité expliquerait les pleurs prolongés des bébés
Une étude menée menée par l’UNIGE et les HUG montre que les bébés présentant des pleurs excessifs (coliques du nourrisson) sont dès leur naissance plus sensibles à certaines odeurs.
Les pleurs excessifs des nouveau-nés, également appelés coliques du nourrisson, touchent en moyenne 20% des bébés en bonne santé. Ces pleurs prolongés de bébés parfois inconsolables, sont extrêmement stressants et difficiles à vivre pour les parents. Malgré le taux de prévalence élevé, les mécanismes neuronaux qui sous-tendent ces pleurs sont encore inconnus. Une étude, menée par les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et l’Université de Genève (UNIGE) vient de montrer que les bébés présentant des pleurs excessifs sont, dès leur naissance, plus sensibles à certaines odeurs. Cette sensibilité aux stimuli sensoriels expliquerait jusqu’à 48% de leurs pleurs. L’étude est à découvrir dans la revue Pediatrics research.
Pourquoi certains nourrissons pleurent-ils beaucoup plus que d'autres ? Les pleurs font partie de la vie d'un nourrisson et représentent une forme de communication avec leur entourage. Toutefois à l'âge de six semaines, certains bébés pleurent très peu et sont facilement apaisés, tandis que d’autres, environ 20 %, pleurent plus de trois heures par jour sans pouvoir être consolés.
Les pleurs prolongés des nourrissons, par ailleurs en bonne santé, sont très pénibles pour les parents et peuvent entraîner un sevrage précoce, une anxiété, une dépression maternelle et, dans des cas extrêmes, un syndrome du bébé secoué. Les professionnel∙les de la santé ont souvent peu de solutions ou d’explications à donner aux parents, car les causes de ces pleurs sont peu connues.
L’hypothèse de l’hypersensibilité sensorielle
Plusieurs études ont déjà été menées pour étudier les coliques du nourrisson. Différentes hypothèses ont été proposées pour expliquer pourquoi certains bébés pleurent beaucoup plus que d’autres. Des facteurs psychosociaux, gastro-intestinaux et neurologiques semblent contribuer à la physiopathologie de ces pleurs. D’autres études suggèrent également que des bébés qui réagissent particulièrement fortement à des stimuli sensoriels, peu après la naissance, par exemple lors du déshabillage, de manipulation ou de prises de sang, présenteront plus tard des épisodes de pleurs plus longs.
C’est en partant de cette hypothèse d’hypersensibilité sensorielle que les chercheur∙ses des HUG et de l’UNIGE ont voulu savoir si les nourrissons souffrant de coliques avaient une réactivité différente aux odeurs à la naissance. Pour cela ils ont suivi 36 nourrissons, nés à terme entre 37 et 42 semaines de gestation et en bonne santé. 21 nourrissons ont terminé l’étude. Une imagerie par résonnance magnétique (IRM) a été réalisée entre le 1er et le 6ème jour après la naissance. Durant l’examen, trois stimuli olfactifs ont été diffusés : une odeur de chou pourri, de banane et d'eucalyptus. Leur temps de pleurs quotidiens a ensuite été mesuré à l’âge de six semaines à l’aide d’un calendrier de pleurs remplis pendant 14 jours par leurs parents. Ils ont ainsi noté si leur bébé était éveillé et calme, s’il pleurait ou s’agitait, s’il était nourri ou s’il dormait. Les bébés ont été considérés comme ayant des coliques du nourrisson s’ils pleuraient plus de 3 heures par jour pendant au moins 3 jours dans une période de 7 jours consécutifs.
Des bébés plus sensibles aux odeurs désagréables
L’étude a montré que les bébés présentant une réactivité cérébrale plus importante à la stimulation par l’odeur de chou lors des premiers jours de vie présentaient un temps de pleurs moyen plus élevé à six semaines de vie. Cette corrélation indique que plus les bébés réagissent fortement aux odeurs désagréables à leur naissance, plus ils pleureront dès leur 6e semaine de vie. Deux zones du cerveau de ces bébés étaient particulièrement activées, le cortex piriforme et l’insula. Or, d’autres études scientifiques ont démontré que ces deux zones étaient également impliquées dans le ressenti de la douleur et l’autorégulation.
Les schémas d’activation du cerveau aux stimuli olfactifs chez les nourrissons souffrant de coliques comprennent ainsi non seulement des zones olfactives, mais aussi les régions du cerveau impliquées dans le traitement et le ressenti de la douleur. Cette étude offre une nouvelle compréhension des nourrissons atteints de coliques en démontrant qu'à la naissance, leur système nerveux central est plus sensible aux stimuli sensoriels et que les zones responsables de la douleur et de l’autorégulation sont plus facilement activées chez ces bébés. Cette sensibilité pourrait les rendre plus réactifs à la douleur et moins capables de se calmer une fois qu’ils ont commencé à pleurer. Elle expliquerait jusqu'à 48% de leur comportement de pleurs ultérieur.
Ces résultats pourraient aider les professionnel∙les de la santé à déculpabiliser les parents et les aider à adapter leur approche aux besoins spécifiques de leur enfant. Mieux comprendre son nourrisson peut déjà apporter un immense soulagement.
Les auteures
L’étude a été menée sous la direction de la Dre Russia Ha-Vinh Leuchter, médecin adjointe au Service de développement et de croissance des HUG et chercheuse au Département de pédiatrie, gynécologie et obstétrique de l’UNIGE, ainsi que par la Dre Alexandra Adam-Darqué, chercheuse au Département des neurosciences cliniques de la Faculté de médecine de l'UNIGE et aux HUG. L’étude est soutenue par des fonds et l’expertise scientifique de Nestlé Research à Lausanne.