Prix Leenaards en neurosciences psychiatriques
L'un des trois Prix Leenaards 2023 pour la recherche biomédicale translationnelle est attribué à la Dre Indrit Bègue, UNIGE-HUG, à la professeure Camilla Bellone, UNIGE et au Dr Jonas Richiardi, UNIL-CHUV, pour un projet de stimulation du cervelet pour lutter contre les symptômes négatifs de la schizophrénie. Ce prix sera remis lpar la Fondation Leenaards lors de son Rendez-vous sciences & santé du 23 mars prochain. Cet événement, sera aussi l’occasion de réfléchir aux incidences du développement de l’intelligence artificielle sur les enjeux sociétaux avec une conférence du professeur Alexandre Pouget de la Faculté de médecine de l'UNIGE.
© Alban Kakulya pour la Fondation Leenaards. De gauche à droite: Indrit Bègue, Camilla Bellone et Jonas Richiardi
Mené sous l’égide de la Dre Indrit Bègue, cheffe de clinique scientifique au Département de psychiatrie, Faculté de médecine UNIGE & HUG, avec Camilla Bellone, professeure au Département des neurosciences fondamentales et directrice du Centre Synapsy de recherche en neurosciences pour la santé mentale de la Faculté de médecine de l'UNIGE et avec le Dr Jonas Richiardi, du Département de radiologie de la Faculté de biologie et de médecine UNIL-CHUV, ce projet propose une approche innovante pour contrer les symptômes dits négatifs de la schizophrénie. La schizophrénie est une maladie psychiatrique qui touche près de 85 000 personnes en Suisse et plus particulièrement les jeunes entre 15 et 25 ans. Se traduisant le plus souvent par une perception perturbée de la réalité, la schizophrénie pousse les patient·es atteint·es à se replier sur elles·eux-mêmes et entraîne une apathie.
Développer de nouveaux traitements
Il s’agit des symptômes indiquant un manque (manque de motivation, perte de désir ou isolement social), par opposition aux symptômes dits positifs qui regroupent les productions de l’esprit telles que délires et hallucinations. « Si ces symptômes négatifs touchent la quasi-totalité des patient·es lors de leur entrée dans la maladie, 2/3 d’entre eux continuent à souffrir au long cours d’au moins un symptôme négatif de sévérité modérée », explicite Indrit Bègue du Département de psychiatrie aux HUG et à la faculté de médecine de l’UNIGE. « Or les options thérapeutiques pour prendre en charge de tels symptômes sont aujourd’hui extrêmement limitées ».
L’objectif est donc de développer un nouveau type de traitement pour diminuer l’intensité de ces symptômes grâce à la stimulation transcrânienne du cervelet. Le cervelet pèse seulement 10% du volume du cerveau mais contient plus de 50% de nos neurones ; il s’agit d’une partie du cerveau connectée à des régions cérébrales profondes liées au système de récompense qui sont impossibles à atteindre de manière non-invasive. « Selon notre hypothèse de recherche, il serait cependant possible de stimuler ce réseau à travers le cervelet, situé à l’arrière de la boîte crânienne, dans une région plus facilement atteignable. Une fois réactivé, ce circuit devrait permettre aux patient·e·s de sortir de leur apathie et de recouvrer des interactions sociales dites normalisées », explicite la Dre Bègue.
Stimuler le cervelet pour lutter contre l'apathie
Camilla Bellone étudie le comportement de souris modifiées génétiquement qui présentent des altérations de type schizophrénique associées aux symptômes négatifs évoqués ci-dessus. Soumises à un traitement de stimulation, ces souris peuvent alors sortir d’une forme d’apathie. « Elles réagissent tout particulièrement à l’activation des neurones dopaminergiques liées au circuit de la récompense ; elles peuvent véritablement changer de comportement et adopter une attitude plus sociable vis-à-vis des autres souris », décrit-elle.
Afin de contrôler d’une autre manière l’évolution du comportement après un traitement de stimulation transcrânienne, Jonas Richiardi suit tant le mouvement des patient·e·s que celui des souris. Grâce à des techniques d’analyse des données, il fait le lien entre recherche humaine et recherche animale à l’aide de systèmes informatiques de suivi du mouvement : « En suivant des points précis sur le corps des sujets humains ou animaux filmés, nous sommes en mesure, grâce à des logiciels de motion tracking, de recueillir des données de mouvement permettant de construire un modèle mathématique qui sera relié au niveau d’apathie ou d’activité du sujet donné ». Les sujets participants à l’étude seront également suivis par imagerie médicale du cerveau pour surveiller de près d’éventuelles modifications des connexions neuronales.
« Grâce à la stimulation du cervelet, nous cherchons à offrir un traitement aux personnes atteintes de symptômes négatifs liés à la schizophrénie tels que l’apathie. Nous espérons pouvoir ainsi leur permettre de retrouver autant que possible des interactions sociales dites normalisées ».