La canicule de 2022 a été particulièrement meurtrière
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Records de température, sécheresse, incendies : l’été 2022 a été le plus chaud jamais enregistré en Europe. Si Eurostat, l’Office statistique de l’Union européenne, avait déjà fait état d’une surmortalité inhabituellement élevée à cette période, la fraction de la mortalité attribuable à la chaleur n’avait pas été quantifiée jusqu’à présent. C’est ce qu’a réalisé une équipe de l’Inserm et de l’Institut de Barcelone pour la Santé Globale (ISGlobal), à laquelle a participé François Herrmann, professeur ordinaire au Département de réadaptation et gériatrie de la Faculté de médecine et médecin adjoint agrégé au service de gériatrie des HUG. Leur analyse estime qu’entre le 30 mai et le 4 septembre 2022, 61 672 décès en Europe seraient attribuables à la chaleur. Ces résultats, à découvrir dans la revue Nature Medicine, suggèrent que les stratégies d’adaptation à la canicule dont nous disposons aujourd’hui pourraient encore être insuffisantes.
En 2003, l’Europe a connu l’une des plus grandes canicules de son histoire, qui a causé plus de 70 00 décès. Depuis, des stratégies d’adaptation ont été développées pour protéger les populations les plus vulnérables. Alors que les épisodes de canicules ne cessent de se multiplier, et pourraient doubler d’ici à 2050, il est crucial de mieux caractériser la mortalité associée et d’évaluer l’efficacité des stratégies mises en place.
A partir des données de température et de mortalité pour la période 2015-2022 dans 35 pays européens, regroupant une population totale de plus de 543 millions de personnes, l’équipe de recherche a développé des modèles épidémiologiques permettant de prédire la mortalité attribuable aux températures pour chaque région et semaine de la période estivale. Si les températures étaient supérieures à la moyenne durant toute la période estivale, la plus grande anomalie thermique a été enregistrée entre le 11 juillet et le 14 août, période durant laquelle la mortalité due à la chaleur aurait causé 38 881 décès. Du 18 et le 24 juillet, la chaleur a été particulièrement intense et un total de 11 637 décès sont attribués à l’excès de chaleur pour cette seule période. Au total, entre le 30 mai et le 4 septembre 2022, il y aurait eu 61 672 décès attribuables à la chaleur en Europe.
Très forte chaleur en Suisse, les femmes âgées les plus touchées
La Suisse, avec une température moyenne de +2,30ºC au-dessus des valeurs de référence, est le 2e pays ayant enregistré la plus forte augmentation de température derrière la France (+2,43ºC), et devant l’Italie, (+2,28 ºC), la Hongrie (+2,13 ºC) et l’Espagne (+2,11 ºC). En termes de mortalité, le pays avec le plus grand nombre de décès attribuables à la chaleur tout au long de l’été 2022 a été l’Italie, avec un total de 18 010 décès, suivi de l’Espagne (11 324) et de l’Allemagne (8 173). En Suisse, les estimations se montent à 302 (intervalle de confiance à 95%: 48 – 557, donc une augmentation significative bien que modeste), soit (255 femmes et 93 hommes. Ceci correspond à un taux de mortalité attribuable à la chaleur de 35 décès par million de résidents en Suisse, contre 295 pour l’Italie, 280 pour la Grèce ou 237 pour l’Espagne.
A l’échelle de l’Europe, la grande majorité des décès se concentre dans la tranche d’âge des 80 ans et plus, avec une surreprésentation des femmes. «L’année dernière, de nombreux pays avaient mis en place des plans de prévention, contrairement à 2003», relate François Herrmann. «Nos résultats démontrent qu’il faudrait développer des mesures de prévention mieux ciblées, en particulier au vu de l’accélération du réchauffement observé depuis 10 ans.»
26 juil. 2023