- Vie académique
Un nouveau format de CV pour mieux appréhender les différentes facettes des carrières académiques
Numéro 39 - avril 2021
Depuis le 1er mars, la Faculté de médecine a mis en place un nouveau modèle de curriculum vitae à l’attention des chercheurs et chercheuses postulant à une nomination ou promotion, dès le début de leur carrière jusqu’aux postes professoraux. Au-delà d’une modification administrative, ce nouveau CV s’inscrit dans l’esprit de la déclaration de DORA, qui vise à détacher l’évaluation de la recherche des facteurs d’impact, ainsi que dans la volonté de l’UNIGE de promouvoir une science ouverte et une recherche de qualité fondée sur la coopération et le partage des connaissances.
Le concept de science ouverte se décline en effet dans de nombreux aspects de la recherche scientifique. L’UNIGE est ainsi cosignataire, avec swissuniversities, de la «Déclaration de Berlin sur le libre accès à la connaissance scientifique» et a fait de la publication en open access l’un de ses objectifs stratégiques, en conformité avec les exigences du FNS et du Conseil européen de la recherche. Toutes les publications des chercheurs et des chercheuses de l’institution doivent maintenant être déposées sur l’Archive ouverte, et des mécanismes ont été créés afin de favoriser, dans la mesure du possible, la publication des résultats de recherches dans les journaux en libre accès. Dans le même esprit, les équipes de recherche peuvent dorénavant archiver et partager leurs données grâce au système de gestion Yareta, une solution fiable de préservation à long terme. La mise en place d’une évaluation plus large et plus ouverte des carrières académiques participe donc du même mouvement. La professeure Martine Collart, qui a coordonné et intégré les propositions des deux groupes ayant travaillé à ce projet de CV renouvelé — l’un à la Faculté de médecine et l’autre sur mandat du rectorat de l’UNIGE — en explique les points saillants.
L’initiative DORA, dont l’UNIGE est signataire, appelle le monde scientifique à élargir les critères d’évaluation de la recherche. Qu’entend-on par là?
Martine Collart: Jusqu’à présent, le facteur d’impact des journaux dans lesquels on publie constitue le critère presque unique d’évaluation des carrières académiques. Ce système est aujourd’hui largement remis en cause, notamment par les signataires de l’initiative DORA, et appelle à la définition de critères d’évaluation beaucoup plus larges. En effet, le système actuel ne s’attache qu’à la seule mesure métrique, ciblée sur un seul aspect de la facette des chercheurs et des chercheuses, qui est de plus sujette à d’importants biais potentiels. Or, la qualité des personnes en termes d’apport à l’institution et à la science ne s’arrête pas là. Notre idée est donc d’ouvrir les critères d’évaluation sur l’ensemble des éléments qui construisent une carrière académique: la recherche, bien sûr, mais aussi l’enseignement, l’implication dans la vie facultaire ou encore l’engagement du ou de la candidat-e dans l’ouverture de la science vers la Cité qui est, et on l’oublie parfois, l’une des trois missions de l’Université. À cela s’ajoute, pour les médecins, les tâches cliniques.
Si l’on veut modifier la façon d’évaluer la production scientifique, la première étape passe par la modification du CV pour une évaluation plus qualitative et non plus seulement quantitative des personnes. La qualité de son enseignement, son implication dans le mentoring, ainsi que toutes les productions scientifiques qui ne sont pas purement de type publication, comme par exemple les ressources ou les outils mis à la disposition de la communauté scientifique, seront considérés. L’idée est de promouvoir une évaluation basée sur la pluralité des composantes d’une carrière, dans une perspective tournée vers l’avenir.
Quelles sont les nouveautés de ce CV? Sera-t-il modulable en fonction des profils?
MC: Ce CV, qui devra être utilisé à tous les stades des carrières académiques, y compris par nos collègues en début de carrière, a été remodelé pour y ajouter l’évaluation de l’enseignement, du management et des performances cliniques, mais surtout en mettant en avant une analyse que les candidat-es devront proposer de leur propre parcours. Il s’agira notamment de choisir ses 5 publications les plus importantes, avec des liens en open access, et de décrire l’objectif souhaité. Les métriques traditionnelles, l’index h et la liste complète des publications seront bien sûr toujours consultables, mais n’auront plus la place démesurée qu’elles avaient auparavant.
Nous incitons aussi les jeunes chercheurs et chercheuses à conserver une trace de toutes leurs activités académiques, et ce dès leur plus jeune âge professionnel: les conférences où l’on prend la parole, par exemple, les participations à des commissions facultaires, la mise en œuvre de projets de vulgarisation scientifique, les interventions dans les médias, il peut s’agir d’activités très diverses que l’on oublie fréquemment lors de la rédaction d’un CV. Dans cette optique, les responsables de groupe doivent encourager leurs équipes à construire un CV dès le début de carrière montrant, de manière ouverte, la diversité la plus complète de ses activités. J’aimerais aussi souligner que tous les membres des groupes de recherche de la Faculté de médecine peuvent disposer d’une page web personnelle sur le site institutionnel de leur laboratoire, qui pourra justement accueillir des contenus mettant en avant les réalisations de chacun et chacune.
Ce nouveau CV a aussi été prévu pour être transposable lors des demandes de subsides auprès du FNS, même si les rubriques ne sont pas exactement les mêmes. Il adopte également un format modulable: des parties du CV sont obligatoires, tandis que d’autres sont à remplir selon la situation. De plus, dans une perspective d’encouragement à l’égalité, les interruptions de carrière ne seront pas pénalisantes. La section mentorat a aussi été complétée pour inclure une question sur les efforts fournis pour encourager les carrières féminines.
Avec ce nouvel outil, la Faculté de médecine insiste aussi sur les objectifs de science ouverte…
MC: L’UNIGE s’est récemment positionné en faveur d’une stratégie d’ouverture de la science, un concept devenu en quelques années un mouvement de fond. L’accès au savoir doit en effet se démocratiser et ne plus être réservé à une élite pouvant s’offrir les abonnements aux revues scientifiques les plus prestigieuses. Des journaux basés sur ce principe de l’open access, comme eLife, ont ainsi vu le jour et renversent le modèle économique classique de la publication scientifique. À l’heure actuelle, l’idée fait son chemin et de plus en plus de revues se dirigent vers ce modèle.
Cependant, pour inciter les scientifiques à publier en open access, les revues doivent garantir une science de qualité et pour cela pouvoir compter sur des reviewers capables d’apporter une critique scientifique à la hauteur. Les mentalités doivent donc évoluer, tant pour soumettre que pour réviser. Le modèle de CV que nous proposons aujourd’hui — à la Faculté de médecine mais aussi plus largement à l’UNIGE — vise à inciter les scientifiques à réaliser l’importance de publier de façon ouverte. C’est pour cela que nous avons inclus l’obligation de préciser ce qui est accessible librement, y compris au travers de l’Archive ouverte de l’UNIGE. Ce travail autour des critères de promotion et de nomination va dans le sens d’une réflexion dans de nombreuses universités européennes.
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Martine COLLART
Vice-doyenne en charge de la médecine fondamentale
Faculté de médecine
UNIGE
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Martine.Collart@unige.ch