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L’intelligence artificielle, nouvel outil des œnologues

Et si les vins rouges portaient une signature unique, permettant d’identifier sans erreur leur terroir d’origine et leur millésime? En combinant analyse chimique et intelligence artificielle, une équipe genevo-bordelaise y est parvenue. Révolution dans nos verres?

Numéro 46 - décembre 2023

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© Adobe Stock. Les scientifiques ont appliqué des outils d'intelligence artificielle aux données de 80 vins issus de sept domaines de la région bordelaise.

Dans le monde feutré de l’œnologie, l’identification précise des vins revêt une importance cruciale pour combattre la fraude comme pour guider les décisions des producteurs/trices. Or, toutes les tentatives, basées essentiellement sur l’analyse chimique des composants des vins, s’étaient jusqu’à présent révélées frustrantes. L’équipe d’Alexandre Pouget, professeur au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de l’UNIGE et spécialiste du machine learning s’est alliée à celle de Stéphanie Marchand de l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin (ISVV) de l’Université de Bordeaux, pour proposer une nouvelle approche. L’analyse par IA des données chimiques de 80 vins issus de sept domaines de la région bordelaise a permis de mettre au point un outil fiable à 100%.

Des milliers de molécules dans une bouteille

Chaque vin est le fruit du mélanges de plusieurs milliers de molécules, dont la concentration varie selon la composition du raisin, de la nature et de la structure du sol, du cépage et des pratiques des vigneron-nes. Ces variations, même infimes, influent sur le goût du vin et rendent difficile l’identification précise d’un vin sur des critère de goût, d’odeur et de couleur, même pour les œnologues les plus doué-es. Existerait-il alors une signature chimique, invariable et propre à chaque domaine, qui permettrait de le faire? «La grande complexité des mélanges et les limites des méthodes utilisées jusqu’ici s’apparentent à chercher une aiguille au milieu d’une botte de foin», explique Alexandre Pouget. «D’où le recours au machine learning, où les algorithmes apprennent à identifier des motifs récurrents dans des ensembles d’informations.»

La chromatographie en phase gazeuse est une méthode d’analyse chimique qui consiste à séparer les composants d’un mélange afin d’en identifier les molécules. Mais pour le vin, l’analyse exhaustive est difficile en raison du nombre de ses composants. Grâce à leurs outils d’IA, qui a réanalysé les chromatogrammes provenant de 80 vins rouges de douze millésimes (1990-2007) et de sept domaines du Bordelais, les chercheurs/euses ont obtenu des graphiques en nuages de points, où chacun de ces nuages regroupait, sur la base de leurs similarités chimiques, les millésimes d’un même domaine.

Fiabilité à 100%

«Cela nous a permis de démontrer que chaque domaine a bien une signature chimique propre. Nous avons également observé que trois vins étaient regroupés sur la droite et quatre sur la gauche, ce qui correspond aux deux rives de la Garonne sur lesquelles se situent ces domaines», indique Stéphanie Marchand. Ainsi, l’identité chimique de ces vins n’était pas définie par la concentration de quelques molécules spécifiques mais par un large spectre chimique. «Nos résultats montrent qu’il est possible d’identifier avec 100% de précision l’origine géographique d’un vin», se réjouit Alexandre Pouget. Et maintenant, on passe au blanc?

Pour aller plus loin
Communiqué de presse UNIGE:
Identifier les grands crus grâce à leur signature chimique

Référence
Schartner, M., Beck, J.M., Laboyrie, J. et al. Predicting Bordeaux red wine origins and vintages from raw gas chromatograms. Commun Chem 6, 247 (2023).
https://doi.org/10.1038/s42004-023-01051-9

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