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Médecine interne générale: l’assistanat en cabinet est enfin une réalité
L'année 2024 marque une petite révolution dans la formation post-graduée en médecine interne générale et pédiatrie à Genève. Il est désormais possible d’effectuer une partie de ces spécialisations dans un cabinet médical, sous la supervision d'un-e médecin spécialement formé-e par la Fondation pour la promotion de la formation en médecine de famille (FMF) et par l’Institut universitaire de médecine de famille et de l’enfance (IuMFE). Avec la mention pré-graduée en médecine de premier recours – médecine de famille (MPR-MF), ce programme vise à renforcer la place de la médecine en cabinet dans la formation des jeunes médecins.
Numéro 51 - décembre 2024

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Alors que la plupart des cantons romands offrent depuis plusieurs années la possibilité d’effectuer une partie de l’assistanat en médecine interne générale et en pédiatrie en cabinet afin de renforcer la relève, Genève, canton-ville aux problématiques démographiques différentes, a longtemps temporisé. «Depuis quelques années cependant, des efforts conjoints pour mieux soutenir la médecine générale et la pédiatrie en cabinet ont fait émerger deux projets majeurs: la mention MPR-MF pour le cursus pré-gradué, puis la possibilité d’assistanat en cabinet en post-gradué», souligne la Pre Dagmar Haller, directrice de l’IuMFE. «Un accord entre l’UNIGE et l’Etat de Genève entérine un financement, pilote pour l’instant, que nous espérons voir pérenniser.»
Un socle solide de médecins formateurs et formatrices
L’IuMFE assure la formation pédagogique des clinicien-nes enseignant-es en cabinet, qui accueillent les étudiant-es en stage. «Nous disposons ainsi d’un réseau de plusieurs centaines de médecins formé-es à la pédagogie qui allient un solide bagage clinique et académique», détaille Dagmar Haller. «Nous avons développé une formation complémentaire pour celles et ceux qui désirent s’engager dans la supervision post-graduée. Les superviseur-es suivent un cours spécifique, organisé et accrédité par la FMF. Les formations continues sont ensuite assurées par l'IuMFE. Il s’agit donc d’un programme structuré et d’un accompagnement pédagogique de très haute qualité pour favoriser l’envie de choisir cette carrière.»
La valeur ajoutée de la formation en cabinet? «La découverte de différents contextes d’exercice de la médecine», souligne la Dre Martine Bideau, pédiatre, chargée de cours à l’IuMFE et responsable du programme d’assistanat en cabinet avec le Dr Laurent Nyffenegger. «Il s’agit ainsi de comprendre la réalité d’un cabinet médical, tant pour sa gestion courante, la création d’un réseau professionnel, que dans la façon dont on y exerce la médecine, forcément un peu différente qu’à l’hôpital. En pédiatrie notamment, nous suivons les enfants en bonne santé de 0 à 16 ans, qui, pour la plupart ne passeront jamais par l’hôpital. Le volet prévention et promotion de la santé, au cœur de notre pratique, est de fait quasiment absent lors d’une formation exclusivement hospitalière.»
Au travers de ce programme, l’Etat de Genève soutient 5 postes à temps plein par an – la subvention assurant 60% du salaire des assistant-es, et le cabinet accueillant les 40% restant. «Dans les faits, les assistant-es effectuent une formation de 6 mois en cabinet», indique Dagmar Haller. «Cela permet, pour 2025, de financer 3 postes pour les spécialisations en médecine générale adulte, et 2 en pédiatrie. Tous les postes sont déjà attribués, l’intérêt de part et d’autre est là.»
Les études menées dans d’autres cantons prouvent en effet que la très grande majorité des médecins ayant effectué une partie de son assistanat en cabinet s’installent ensuite. Et parfois même reprennent le cabinet du médecin qui a assuré leur formation. «L’immersion longue permet de concrétiser sa vision du métier et imaginer les modes d’organisation qui leur conviennent», souligne Dagmar Haller.
Première expérience genevoise
Les Drs Laurent Nyffenegger et Marc Heymann sont les premiers Genevois à avoir tenté l’expérience de l’assistanat en cabinet – le premier en tant que maître de stage, le second lors de sa formation en médecine interne générale. «Je dois cette expérience – et vraisemblablement ma carrière à venir – à un heureux hasard», relate Marc Heymann. «A l’origine, je me destinais à la médecine aigüe et l’anesthésiologie. Mais j’ai changé de voie pour me tourner vers la médecine interne générale hospitalière. J’avais quelques mois de libre avant d’entamer cette spécialisation aux HUG, le groupe médical de Versoix cherchait quelqu’un sur la même période. J'ai alors rejoins le cabinet, sous la supervision de deux médecins dont le Dr Nyffenegger.»
Marc Heymann découvre alors un métier bien différent de l’image qu’il s’en était faite. «J’ai découvert la diversité du quotidien, la relation qui se crée petit à petit avec les patient-es, l’autonomie dont on bénéficie, ainsi que l’encadrement chaleureux des autres médecins du cabinet.»
Laurent Nyffenegger représente Genève dans le cursus romand de médecine de famille. «Cela fait plusieurs années que nous essayons de monter un dispositif similaire à Genève. Le projet commun que nous portons avec Martine Bideau et l’IuMFE s’est enfin concrétisé cette année. Ce temps d’assistanat en cabinet intervient après une première expérience hospitalière et permet non seulement de connaître les spécificités de la médecine de ville, mais surtout de comprendre tous ses «à côtés» : le management, la gestion financière, la logistique propre à un cabinet, etc. C’est essentiel avant de se lancer!»
De plus, tant la formation que la pratique en cabinet permet une souplesse moins présente ailleurs. Laurent Nyffenegger: «Il est tout à fait possible d’exercer à temps partiel pour dégager du temps de recherche académique, par exemple, ou faire tout à fait autre chose. Quant à l’assistanat en cabinet, il ajoute un élément de plus, non obligatoire mais fortement encouragé, à la spécialisation en médecine interne générale afin de répondre au mieux aux désirs de carrière des jeunes médecins.»