• Recherche

Après un cancer du sein, les inégalités sociales se creusent

Pour les femmes atteintes d’un cancer du sein, les inégalités peuvent apparaître à tous les niveaux. Mais qu’en est-il de leur qualité de vie? En suivant pendant 2 ans près de 6000 patientes, José Sandoval, oncologue aux HUG et privat-docent à la Faculté de médecine et les équipes de l'INSERM et de l'Institut Gustave Roussy en France, montre que leur statut socio-économique a un impact majeur et durable en dépit d’une prise en charge médicale identique.

Numéro 49 - juin 2024

Sandoval_CP_inegalites.jpg

Les déterminants sociaux et économiques ont un impact sur la manière dont les individus font face à la maladie et constituent l’une des principales causes des inégalités en matière de santé. En oncologie, les inégalités socio-économiques sont présentes tout au long du continuum de soins. «On ignorait néanmoins l’impact des inégalités économiques sur la qualité de vie des personnes atteintes d’un cancer du sein», explique José Sandoval, oncologue au Département d’oncologie des HUG et chercheur dans les départements de médecine et santé et médecine communautaires de la Faculté de médecine de l’UNIGE, premier auteur de cette étude.

Près de 6 000 femmes suivies pendant deux ans

Les 5900 femmes qui ont participé à cette étude, soignées en France, ont eu un cancer du sein précoce sans métastase. L’équipe de recherche a examiné cinq domaines de la qualité de vie – la fatigue, l’état général, l’état psychique, la santé sexuelle et les effets secondaires, en regard de plusieurs indicateurs socio-économiques: niveau d’études, revenu du foyer en tenant compte du nombre de personnes dans le foyer, et situation financière perçue. La combinaison de ces éléments a permis de déterminer un score où 0 indique l’absence d’inégalités.

Les inégalités augmentent rapidement

Au diagnostic, les inégalités de qualité de vie entre les deux extrêmes socio-économiques sont notables, avec un score de 6,7. Le score augmente à 11 pendant le traitement, puis se maintient à 10 deux ans après le diagnostic, soit à un niveau plus élevé qu’à l’annonce du diagnostic. «Si on s’attendait à une certaine inégalité au début de la maladie, le fait que ces inégalités augmentent rapidement et perdurent autant constitue une surprise», analyse José Sandoval. «L’impact sur la qualité de vie est beaucoup plus prononcé chez les femmes moins favorisées, quelles que soient les caractéristiques biologiques de leur cancer, leur âge ou le traitement reçu.»

Pourquoi? Les réponses sont à chercher non pas au niveau du traitement, similaire pour toutes les femmes, mais probablement dans tous les éléments de soutien autour de la prise en charge médicale. Or, ces éléments influent sur la maladie et ses conséquences pour la santé physique et psychique des patientes.

Mieux prendre en compte les inégalités

L’accès égalitaire aux soins n’est donc pas synonyme d’absence d’inégalité. Le contexte socio-économique peut avoir un impact majeur sur l’état de santé, au même titre que les caractéristiques biologiques. «Lorsque l’on parle d’oncologie de précision, il faudrait prendre en compte la personne dans son ensemble, y compris dans sa dimension sociale», ajoutent les auteur-es. «Nos données concernent des femmes soignées en France, un pays pourtant très égalitaire en matière d’accès aux soins. Dans des pays sans système de santé universel, ces inégalités risquent d’être encore plus prononcées.»

Ces résultats font partie de l’étude CANTO: étude des toxicités chroniques des traitements anticancéreux chez les malades porteurs de cancer localisé. Cette recherche est financée par le gouvernement français dans le cadre du programme «Investissements d’avenir» géré par l’Agence nationale de la recherche (ANR), subvention n° ANR-10-COHO-0004.

Photo HUG/UNIGE. Dr José Sandoval, premier auteur de cette étude.

Pour aller plus loin

Communiqué de presse UNIGE/HUG/INSERM / Institut Gustave-Roussy/Unicancer

Référence

José Luis Sandoval et al., Magnitude and Temporal Variations of Socioeconomic Inequalities in the Quality of Life After Early Breast Cancer: Results From the Multicentric French CANTO Cohort. JCO 0, JCO.23.02099

DOI: 10.1200/JCO.23.02099

Dans le même numéro

S'abonner à la newsletter

S'abonner