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Des vaccins aux thérapies, les secrets de l'ARN messager se dévoilent
Si l'ARN messager (ou ARNm) fait une entrée fracassante dans l’espace public en 2020, cette molécule est au cœur de la recherche scientifique depuis des décennies. Intermédiaire entre l’ADN et la synthèse des protéines, l’ARNm est en effet fondamental aux mécanismes du vivant. Il recèle aussi un immense potentiel thérapeutique contre des pathologies aussi diversifiées que les cancers, les maladies transmissibles ou même pour corriger des défauts développementaux. Autour du film «The Messenger», qui retrace la découverte des propriétés de l’ARNm, un débat permettra de mieux comprendre les espoirs et controverses qui l'entourent
Numéro 51 - décembre 2024
Martine Collart, professeure au Département de microbiologie et médecine moléculaire de la Faculté de médecine et vice-rectrice de l’UNIGE, s’intéresse à l’ARNm depuis le tout début de sa carrière scientifique. «C'est une molécule fascinante, qui est au cœur même de tout processus biologique», explique-t-elle. «Et pourtant, lorsque les premiers vaccins à ARNm contre le COVID-19 ont été déployés, une partie du public a réagi avec méfiance.» L’ARN messager est, comme son nom l’indique, à l’interface entre le code génétique logé dans le noyau cellulaire et les protéines effectrices en charge d’exécuter ce programme au bon endroit et au bon moment. «Il s’agit donc d’un élément clé de la régulation de l’expression des gènes, la variable d’ajustement qui donne le signal de la synthèse des protéines, puis se dégrade rapidement quand son action n’est plus nécessaire.»
Une recherche de longue haleine
Les travaux sur l'ARN messager comme thérapie remontent à plus de 30 ans. A l’origine, il s’agit de recherche en oncologie. En effet, lors de cancer, le processus d’expression des gènes se dérégule. Pourrait-il être possible de jouer sur l’ARNm pour corriger ce mécanisme? L’intérêt s’est rapidement élargi à d’autres pathologies, comme le montre le Pôle de recherche national (NCCR) «RNA and Disease», qui va bientôt fêter ses 12 ans, dont font partie plusieurs scientifiques de l’UNIGE: Martine Collart, et Pei-Huan Wu, professeure au Département de médecine génétique et développement, à la Faculté de médecine, ainsi que Françoise Stutz et Ramesh Pillai en Faculté des sciences.
Adrian Krainer, l’un des experts scientifiques externes de ce réseau national et une sommité mondiale du domaine, prendra la parole le 12 décembre à Genève. «Il travaille sur les applications thérapeutiques de l’ARNm dans de nombreuses maladies», explique Martine Collart. «L’un de ses plus grands succès a été dans le traitement de l’amyotrophie spinale, une maladie génétique affectant les muscles, qui a sauvé des enfants autrement condamnés.»
Agir sur la fabrication des protéines
De nombreuses approches thérapeutiques visent à administrer les substances que le corps du patient ou de la patiente est incapable de produire, par exemple l’insuline pour les diabétiques. Or, certaines maladies affectent le mécanisme même de production des protéines. En administrant un petit bout d’ARNm pour corriger ce défaut, l’organisme est à nouveau capable de synthétiser les bonnes protéines nécessaires à son bon fonctionnement. Dans le cas de vaccins, le principe est le suivant: on administre une courte séquence d’ARNm qui lance la synthèse d’une protéine identique à un antigène du pathogène à combattre — la protéine Spike située sur la surface du virus du COVID-19, par exemple, mais cela peut aussi être un antigène tumoral lors d’un traitement contre un cancer. Le système immunitaire adaptatif réagit alors en fabricant des anticorps. Ainsi stimulé, il gardera la mémoire du pathogène pour construire son immunité à long terme. «Au-delà des vaccins, les possibilités thérapeutiques sont donc immenses et on commence seulement à les entrevoir», s’enthousiasme Martine Collart. «C’est ce qui rend la recherche sur l’ARNm si passionnante! En se basant sur les mécanismes intrinsèques de nos cellules, nous pouvons imaginer mieux cibler les maladies à combattre en minimisant les effets sur l’organisme.»
«Plusieurs thérapies contre le cancer basées sur l'ARNm sont actuellement en phase d'essais cliniques. Les premiers résultats sont encourageants, notamment pour les mélanomes, le cancer du pancréas et les glioblastomes», détaille Mikaël Pittet, spécialiste des immunothérapies contre le cancer. «Cependant, toutes ces études restent préliminaires. Nous n’en sommes qu’au tout début!»
Un film pour retracer l’histoire de cette découverte
Qu’est-ce que l’ARNm? Comment les vaccins contre le COVID-19 ont-ils été développés si rapidement? Quels sont les risques ? Et les espoirs thérapeutiques? Nés dans le tourbillon médiatique de la pandémie, les propos les plus extrêmes ont été tenus à son sujet. Pour revenir aux origines de la recherche scientifique, sur les débats qui l’entourent et sur le futur qu’elle propose, l’UNIGE projettera le 12 décembre «Le Messager: une histoire de l’ARNm», un documentaire co-produit par Inside Tomorrow et la RTS. Une table-ronde suivra avec Adrian Krainer, biochimiste et généticien moléculaire à l’origine de thérapies innovantes, Steve Pascolo, immunologiste, première personne à avoir reçu des injections d'ARNm synthétique, Alexandra Calmy, médecin spécialiste des maladies infectieuses, Arnaud Didierlaurent, spécialiste de l'immunologie vaccinale, et Mikaël Pittet, spécialiste des immunothérapies contre le cancer.
Infos pratiques
Jeudi 12 décembre 2024, de 18h à 20h.
Ouverture des portes à 17h30.
Uni Dufour, salle U300 (entrée libre sans inscription)