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Denis Jabaudon: « Synapsy cultive la culture commune »

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Denis Jabaudon est professeur ordinaire au Département des neurosciences fondamentales de l’Université de Genève dont il est le directeur actuel. Il est également médecin traitant au Département de Neurologie des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Avant d’en arriver là, il a d’abord suivi une formation de médecin à l’Université de Lausanne, effectué un doctorat à l’Université de Zurich puis entrepris une résidence en médecine interne et en neurologie. Il a ensuite effectué un postdoctorat à l’Université de Harvard avant de revenir en Suisse pour lancer son propre laboratoire. Il y combine son intérêt pour les circuits neuronaux, la physiologie synaptique et le développement du cerveau.

Quels sont vos intérêts de recherche ?

Mon laboratoire s’intéresse au développement du cortex cérébral. Plus précisément, nous essayons d’identifier les programmes génétiques qui induisent la diversité neuronale du cortex. Il s’agit d’une structure cellulaire très hétérogène où les neurones se projettent d’une partie à l’autre, mais aussi à la moelle épinière et aux autres régions cérébrales. Ces projections sont câblées de manière spécifique grâce à l’expression des gènes. Nous tentons de comprendre comment, à partir d’un nombre relativement homogène de cellules progénitrices, la diversité neuronale peut émerger. L’objectif est de comprendre comment les gènes contrôlent la génération de différents types de neurones et de circuits, mais aussi l’inverse. C’est une interaction bidirectionnelle : les gènes influencent la construction des circuits autant que le câblage des circuits influence l’expression des gènes.

Quel est le lien avec les troubles psychiatriques ?

Il a lieu au niveau des interactions entre les facteurs génétiques et environnementaux, c’est-à-dire les gènes de susceptibilité et leurs interactions avec l’environnement. Il y a de plus en plus de preuves scientifiques indiquant que la mort cellulaire observée lors de maladies neurodégénératives à un âge avancé pourrait refléter des facteurs de susceptibilité déjà présents pendant le développement postnatal précoce, voire embryonnaire.

Votre travail de clinicien nourrit-il votre approche de la recherche ?

Il y a quelques années, en tant que pur clinicien, j’étais très intéressé par la recherche fondamentale en pensant qu’elle me permettait d’avoir une vue d’ensemble. En interagissant avec les patients, j’ai vraiment ressenti le besoin d’aller un peu plus loin dans la compréhension des mécanismes fondamentaux. C’est ce qui motive aujourd’hui mon intérêt pour la recherche. J’ai toujours un engagement clinique à 20 %, mais il n’a aucun lien direct avec mon travail de recherche. Je crois que c’est une force, car cela me donne deux perspectives différentes sur lesquelles je peux me baser pour poser des questions. Du point de vue clinique, j’ai une idée réaliste de la façon dont les médicaments sont transférés en approche thérapeutique. Du point de vue fondamental, j’ai une compréhension réaliste de ce que nous pouvons réellement faire avec les êtres humains.

Pourquoi cet intérêt pour les sciences et la médecine du cerveau ?

En comparaison à d’autres domaines de la médecine ou des sciences de la vie, la psychiatrie et les neurosciences sont intéressantes, car elles permettent d’étudier le même organe du point de vue moléculaire, cellulaire, du réseau et finalement cognitif. C’est ce qui est excitant dans ce domaine. De plus, vous pouvez interagir avec des gens d’horizons très différents, ce qui apporte énormément !

Qu’attendez-vous de votre affiliation à Synapsy ?

J’apprends beaucoup de l’approche « cohorte de patients » que je ne connais pas particulièrement. De la même façon, il est important que les cliniciens apprennent comment les choses se passent en recherche fondamentale. Je pense qu’il est important, pour ceux d’entre nous qui ne sont pas directement exposés à la recherche clinique, de comprendre les limites des approches par cohortes, la diversité des patients, et le type d’informations qui peuvent en être recueillies. Ceci est également valable pour les études de cas uniques comme preuve de principe ou comme exemple concret de ce qui peut arriver avec une maladie.

Synapsy est un environnement très riche et, encore une fois, il développe une culture commune. Cette culture – dans le “neuro-monde” en particulier et, je dirais, dans les études médicales en général – est absolument capitale et sous-estimée. Une bonne façon de faire progresser la science est de promouvoir les interactions humaines. Des interactions très simples où les gens se sentent à l’aise et confiants les uns envers les autres. Je pense que Synapsy le fait d’une manière remarquable. ●

 

10 sept. 2019

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