Agir plus efficacement pour mieux respirer - Des géographes de l'UNIGE mettent en lumière blocages et moyens pour améliorer la qualité de l'air
Une quarantaine d’acteurs issus des milieux politique, professionnel, scientifique et associatif a répondu à une enquête sur la qualité de l’air dans la région genevoise réalisée par des géographes de l’Université de Genève (UNIGE). Il en ressort que toutes les démarches initiées à ce jour pâtissent d’un manque de synergies. Les réponses collectées montrent en effet que les stratégies mises en œuvre ou envisagées contre la pollution atmosphérique suivent deux axes principaux, trop souvent parallèles : l’un pour diminuer les gaz à effet de serre comme le CO2, l’autre pour réduire la dégradation de l’air urbain. Les auteurs publient leurs données et interprétations sous la forme pour le moins originale d’un court-métrage d’animation, « Air comme Respirer », qui sera projeté au public lundi 9 novembre prochain à l’aula du Collège Calvin et qui amorcera un débat. Des experts et acteurs locaux et régionaux sont invités à la table des discussions.
Insérée dans un vaste projet de recherche centré sur la qualité de l’environnement urbain et réunissant des ingénieurs, des architectes et des urbanistes européens, l’enquête menée par Véronique Stein, Idriss Ait-Bouziad et Marion Nemchi, géographes à la Faculté des sciences économiques et sociales de l’UNIGE, porte sur les représentations d’une réalité. Par son biais, les chercheurs ont confronté une quarantaine d’acteurs sociopolitiques de la région genevoise à leur manière de concevoir la qualité de l’air environnant et les moyens à déployer pour la préserver ou l’améliorer.
La collecte des informations s’est faite en recourant à des associations d’idées, à des schémas illustratifs, à des cartes à compléter, toutes manières d’éviter les prises de position ou les réponses toutes faites et trop consensuelles. Les interrogés ont relu la synthèse générale de l’enquête et ont été invités à y réagir.
Trop de plans sectoriels nuisent à l’agir
Ordonnances, lois, recommandations, en Suisse, les axes pour améliorer la qualité de l’air se sont multipliés, aux niveaux fédéral, cantonal et communal. Il en va de même en ce qui concerne le suivi des prescriptions fixées par le processus de Kyoto sur le climat. Les auteurs de l’enquête ont commencé par établir le vertigineux catalogue de tous ces plans d’action, les recensant selon trois thèmes : le changement climatique et l’énergie ; la qualité de l’air et la santé ; la mobilité et le bâti. Il en ressort le constat mitigé que, si cette prolifération est en soi réjouissante, elle débouche sur de nombreuses incohérences voire sur des mesures contradictoires, les politiques publiques environnementales restant trop sectorielles.
Une confusion répandue
Les géographes ont alors identifié, chez de nombreux interrogés, une confusion récurrente entre la pollution de l’air et les émissions de gaz à effet de serre comme le CO2. «La qualité de l’air et la modification du climat sont deux phénomènes qu’il faut dissocier : ils ne relèvent ni des mêmes substances ni des mêmes mécanismes et doivent être appréhendés selon des échelles de temps et d’espace différentes. Or, tous deux résultant de la combustion des énergies fossiles, les stratégies pour les endiguer gagneraient à être élaborées et mises en œuvre conjointement. Ce qui, pour l’heure, n’est absolument pas le cas.», analyse Véronique Stein. D’autre part, afin de préserver le climat, les mécanismes adoptés dans le sens du protocole de Kyoto conduisent les pays industrialisés à délocaliser la réduction de leurs émissions dans des régions du monde où cela leur coûtera moins cher.
Un manque de transversalité
Si ces procédés demeurent pertinents du point de vue climatique, ils le sont moins au regard de la pollution de l’air des agglomérations. Car, si l’on ajoutait les bénéfices territoriaux d’une diminution de la consommation des carburants et du combustible fossile, les polluants de l’air iraient aussi diminuant, au profit d’un assainissement général de l’air urbain. Ainsi la Suisse exporte-t-elle sa propre réduction des gaz à effet de serre, tandis que demeurent insuffisantes les mesures nationales et locales visant à faire diminuer la pollution de l’air des villes, une souillure composée de particules fines, de gaz ozone, d’oxydes d’azote, ainsi que de divers composés organiques volatils.
Faire d’une pierre deux coups ?
Pour Idriss Ait-Bouziad, «il manque une approche qui considérerait tous les types d’émissions polluantes, celles qui modifient le climat comme celles qui influent sur la santé.» Cette vue d’ensemble permettrait en outre d’importantes économies, comme le montrent certains programmes de réduction de la consommation fossile, qui agissent à la fois sur la protection du climat et sur la qualité de l’air. L’enquête révèle toutefois que les représentations dominantes ne vont pas dans le sens d’une telle articulation: les spécialistes perçoivent les problématiques sous l’angle de leurs connaissances pointues, sans qu’en profitent les décideurs, dont les réponses dénotent une forte polarisation des vues, entre partisans de la décroissance ou fervents de l’économie verte ou du «Green New Deal».
Un film pour tendre un miroir
Afin de porter leurs résultats à la connaissance du public sous une forme accessible et ludique, les scientifiques ont commandité un court-métrage d’animation d’une vingtaine de minutes. Financé, tout comme l’enquête, par le Secrétariat d’état à l’éducation et à la recherche (SER), « Air comme respirer », film signé par la réalisatrice Vania Jaikin, met en scène des personnages qui réfléchissent sur les mesures à appliquer en vue d’améliorer la qualité locale de l’air et de réduire les émissions de CO2. Sa projection aura lieu lundi 9 novembre à 20h, à l’aula du Collège Calvin. Une table ronde et un débat suivront.
Contacts:
Véronique Stein
aux tél. 022 379 89 55 et 079 792 57 63